
GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
ANALYSE DES CARTES ET DES PLANCHES.
CHAPITRE PREMIER.
c o u p - d ’oe i l s u r l ’ é t a t p r i m i t i f d e l a
SURFACE DU G L O B E , E T DAN S QUEL ORDRE
LES CORPS O RGANISÉ S Y D U R EN T A P P A -
R O ÎTR E .
P o u r donner, d’un premier coup-d’oe il, une
idée de la surface du Globe considéré physiquement,
nous soumettrons au lecteur l’esquisse d’une mappemonde
( voye% PI. i ) » où l ’on ne trouvera point
de ces frontières arbitrairement coloriées, d’empires
éphémères, ni de ces capitales destinées à dé-
cheoir, avec des villages qui peuvent, à leur
tour, s’élever au rang de capitales. Dans cette»
carte, sur laquelle nous avons, dans sa séance
du z6 mars 1827, appelé l'attention de l’Académie
des sciences, les montagnes ne sont point
jetées’ au hasard, ainsi qu’on le fait toujours
dans le plus grand nombre de cartes modernes ;
mais elles sont soigneusement réparties selon le
système qu’on trouvera exposé au chapitre cinquième
: il résulte de l’attention que nous avons
apportée à n’en pas faire buriner, où l'existence
n’en fût pas constatée, que dés espaces de
terrain sur. lesquels les historiens placent le berceau
de grandes nations, se trouvoient encore couverts
par les vagues aux époques où ces nations commencèrent
à se faire connoître. En remontant
au temps où quatre cents mètres d’eau seulement
grossissoient la masse de celles qui baignent aujourd’hui
le Globe terrestre, la surface de celui-ci se com-
posoit d’une douzaine de grandes îles, ou principaux
archipels, sur lesquels nous engageons les zoologistes
et les botanistes à chercher les points de dispersion
et de dissémination des espèces soit animales,
soit végétales. Nous osons assurer h s plus
étonnans résultats de ce genre d’investigation j il
fournira les moyens de démontrer que la plupart
des types de familles et des genres naturels sont en-
core généralement comme cantonnés dans les grandes
îles primitives, tandis que les espèces ambiguës
ne se trouvent guère que sur les espaces par lesquels
ces îles se mirent en contact, à mesure que les
eaux diminuoient pour laisser voir les continens actuels.
Sous ce point de vue, la mesure des hauteurs
des montagnes acquiert une nouvelle importance.
Nous avons en outre, dans cette mappemonde
nouvelle , adopté la nomenclature hydrographique
qu’on trouvera établie' quand il sera question des
mers, et indiqué la répartition des espèces qu’il
devient indispensable d’admettre dans le genre
Homme. Des teintes diverses mettent encore notre
carte en rapport avec notre article R ac e s HUMAINES,
qu’on trouvera dans la partie de l’Encyclopédie
confiée à la plume de M. Huot, l’un des
plus zélés géologistes de l’époque. Nous avons surtout
tenu compte des grands bassins, qui sont les
véritables régions en Géographie physique, où ce
qu’on entend par climats dans la Géographie astro-^
nomique, n’est absolument d’aucune importance.
L ’influence de ces derniers sur quoi que ce soit, est
l’une des erreurs radicales introduites dans le monde
savant par Iè président de Montesquieu. C ’est avec
surprise qu’on la trouve encore reproduite dans
certains ouvrages modernes que leur titre feroit
supposer être, dans toutes- leurs parties, élevées
au niveau des connoissances de l’époque.
On doit reléguer de telles chimères avec les
barbares du Nord et les trois principes des trois
gouvernemens, qui sont les bases sur lesquelles
édifia l’illustre écrivain ; et nous profiterons de
l’occasion pour faire remarquer combien sont importantes
des notions approfondies en Géographie
pour quiconque entreprend d’écrire sur les sujets
même qui en paroissent être les plus éloignés.
Dans ces bassins généraux, ou régions, qui soient
les seules physiquement climatériques, et conséquemment
influentes sur la distribution des corps
organisés, ont dû s’opérer divers modes de création
, et ces modes de création s’y doivent perpétuer
ranr que de grands changemens physiques 11e viendront
pas interrompre ou déranger le cours actuel
des choses : par diverses causes constamment agissantes,
leurs résultats doivent se rapprocher, se mêler,
se confondre même, et passer parfois de l ’une
à l’autre pour devenir subordonnés à des modifications
successives et continuelles qui changent insensiblement
l’aspect de l’Univers.
Il est deux manières de rechercher l’histoire de
ces modes de création dont les résultats appàrois-
sent au premier plan sur le vaste théâtre du Globe
terrestre. L ’une, en consultant ce qu’en rapporce une
RÉVÉLATION que nous adopterons sur ce point
comme inattaquable, et au sens de laquelle les
sciences physiques prêtent l ’appui des vérités
qu’elles enseignent ; l’autre, en étudiant dans la
• nature même l’ordre de succession qui paroît avoir
présidé dans sa majestueuse immensité.
Six espaces de temps, qu’on peut supposer avoir
été arbitrairement appelés jours ^ sans que nulle
conscience s’en puisse alarmer ( et puisqu’un prélat
éloquent fit cette concession à la philosophie du
dix-huitième siècle );. six espaces de temps, disons-
nous, sont nécessaires dans les écrits inspirés pour
l ’exécution du vaste plan donc une espèce du genre
humain complète l ’ensemble.
Le verbe ou la voix de Dieu retentit dans les
ténèbres quicouvrent l’abîme ; la matière est émue,
le mouvement commence, la lumière brille, et le j
premier jour a lui. L ’origine du temps date de ce
jour solennel.j car il est aussicôt marqué par la révolution
des corps célestes lancés dans les vastes
orbites assignés à leur masse roulante ; les eaux sont
repoussées dans leurs bassins profonds, et devenant
des mers, commencent à mugir autour de Y aride \
les plantes parent cet aride devenu bientôt la terre
avec son jet d'herbe qui la doit fertiliser de ses
débris, après l’avoir parée de sa verdure; les poissons
animent les vagues ; les oiseauxsuccédant aux
plantes et aux poissons, volent vers l ’étendue des
deux. Les animaux des champs et des forêts naissent
a leur tour ; Adam apparoît le dernier, mais
pourtant le premier en tête de . la création pour
glorifier son auteur.
Si U011 interroge l’histoire naturelle, l ’apparition
du cortège des êtres à la surface du Gobe ne
diftere en rien du tableau que nous venons de tracer
d après la Genèse. Les eaux couvrirent évidemment
le monde primitif,, abîme silencieux, où les élé-
mens demeuroient tenus en réserve pour produire
la vie. Tout raisonnement par lequel on voudroit
1 attaquer cette vérité, ne pourroit tenir contre
le simple énoncé d’une loi physique, en vertu
de laquelle les fluides sont contraints à chercher
le niveau, et qui commandoit dès-lors aux
flots de submerger les plaines, puisqu'ils se balança'eut
au-dessus des monts ou nous retrouvons encore
les traces de leur antique séjour. Des restes
d animaux océaniens, contemporains de ces premiers
âges où Ta Mer battoir nos plus hautes alpes, et
auxquels n’ont pu que succéder d’autres foss'iles
plus modernes, sont en même semps la preuve
irrécusable qùe l’Océan, vieux pète du Monde
comme l’appeloient les Anciens, fut aussi le berceau
de l’existence. Lorsque nul des êtres qui respirent
dans l’atmosphère n’y eût trouvé de patrie,
des petits Crustacés dont on ne connoît plus d’analogues
vivans, des Céphalopodes, dont on n’a
retrouvé que les parties solides, et jusqu’à de
fragiles Polypiers, préparaient lentement, pat l ’accumulation
de leurs restes, nos demeures sous
les eaux j e t, comme si la formation de tout
ce qui pare l’Univers eût été' le résultat des conceptions
d une puissance à l’expérience de laquelle,
cependant, ses propres oeuvres donnoient chaque
fois une nouvelle confiance eu elle-même, il n’est
pas un être dans la nature qui ne semble résulter
d’une combinaison plus simple, antérieurement essayée.
Et sans doute, aujourd’hui, où lé vulgaire
croit 1 Univers fixé, beaucoup de créatures des eaux
sans organes bien arrêtés, on du moins.visibles,.
fragiles, pénétrables par la lumière, douées tout
au plus du sens du tact, ne paroissent être que des
ébauches, chez qui la vie n’est guère qu’un essai
non susceptible du degré de développement qui en
fait un bien si précieux pour les créatures plus parfaites,
Gest-i-dire qui furent conçues en vertu de
complications capables de multiplier en elles les
élémens de l’intelligence ; et qu’on ne dise point
qu un pareil aperça rabaisse la puissance organisatrice
, en la supposant astreinte aux mêmes voies
d-’essai que l’homme, condamné dans ses conceptions
à s’éleverdu simple au compliqué : nous pourrions
répondre victorieusement à cette objection
par le texte meme de la Bible. Quoi qu’il en soit,,
lorsque les eaux couvraient la totalité du Globe,
les végétaux, que nous voyons aujourd’hui tapisser
sa verdoyante surface, n’y pouvoienc exister.
Ils apparurent successivement quand la terre
.exondée, se desséchant, cessa d'être entièrement
fangeuse. Les plantes, littorales , ou propres
aux sols humides, durent être les premières, et
les oiseaux des rivages ne commencèrent à planer
au-dessus des mers que lorsqu il y eut. descotes ou