
et de Bourbon par des navigateurs , parce que
nulle espèce terrestre ne leur étoit propre. » Pour
répondre à BufFon ainsi -qu’à ses échos ,- il suffirait
d’opposer le Pline Français à lui-même,
en le renvoyant à ce qu’il disoit du dronte,
gros oiseau bizarre et massif, qui ne pouvant yo-
ler, n’étoit point arrivé à Mascareigne par les routes
de l’air 5 qui n’ayant jamais été* retrouvé en nul
autre point du Globe , étoit nécessairement le
produit d’une création locale, et dont la race entière
ayant, à cause de sa difformité et de sa stupidité,
été proscrite par les premiers hommes qui
l’aperçurent ,.n’avoit point été apporté par des exterminateurs,
qui d’ailleurs n’eussent pu l’avoir pris
en aucun autre endroit.
« Les vents, dira-t-on, enlevant d un souffle
impétueux les grains des végétaux , les transportent
à de grandes distances au moyen des ailes et des
.aigrettes dont plusieurs sont munis. Des courans
asservis à une marche régulière dans la zone torride
entraînent avec eux des fruits qu’ils- ramassent sur
certains rivages, et qu’ils abandonnent sur des rivages
opposés. Les oiseaux qui se nourrissent de
baies, en rejettent les semences prêtes à germer sur
le sol prompt à les reproduire. Les hommes enfin
qui naviguent depuis bien plus long-temps peut-être
qu’on ne l’imagine, ont pu, avant sa découverte
par les Portugais, aborder à Mascareigne et naturaliser
à sa surface tous les animaux que nous y retrouvons.
»
Ces explications sont tous les jours reproduites par
des auteurs habitués à répéter sans examen ce qu’ils
ont lu quelque part ou imprimé une fois; elles paraissent
, sans doute, suffisantes à ceux qui pensent
être sortis d’embarras, quand ils ont répondu, ou
qui, pour se dispenser de penser par eux-mêmes,
se contentent de toutes les réponses ; mais elles ne
satisferont pas des hommes qui recherchent sérieusement
la vérité, soit qu’ils répondent, soit qu’ils
interrogent.
i° . Les vents emportent effectivement avec eux,
et même fort loin, les semences légères d’un
certain nombre de végétaux ; mais il est douteux
qu’ils les promènent jusqu’à cent cinquante lieues,
pour les déposer précisément sur un 'point pres-
qu’imperceptible, en comparaison de 1 immense
étendue des mers environnantes. Les végétaux
à semences aigrettées et ailées, susceptibles de
voyager par les airs, ne sont d’ailleurs pas en
grand nombre, surtout dans l’île qui nous occupe
, et dans laquellé conséquemment les vents
n’ont pu porter que fort peu d’espèces de plantes,
$i rpucefois il$ en ont jamais porté.
i ° . Les courans de la Mer entraînent à la vérité
parmi les débris qu’ils enlèvent de certaines plages
, quelques fruits capables de surnager ; nous
convenons que de temps en temps ces fruits
roulés cfàbord sur la terre, et roulés ensuixe
dans l’eau, abordent sur des rives lointaines. Les
cocos de Praslin, qu’on nomme vulgairement cocos
des Maldives 3 en fournissent une preuve. Mais l’eau,
salée frappe de mort les germes de tous les végétaux
qu’on y plonge même durant peu de temps, ou
du moins du plus grand nombre. Les botanistes qui
essaient de transporter des plantes à bord des navires,
savent que lorsque les bourgeons et même jusqu’aux
semences sont touchés par l’onde amère,
tout est perdu, les rejetons languissent et s’étiolent
sans jamais^ prospérer ni se reproduire. Quels sont
d’ailleurs les végétaux dont les vagues pourraient
trouverles graines en bon état le long des côtes? C e
ne sont que des espèces littorales dont le nombre
est très-restreint ; quelques salicornes , des soudes,
des soldanelles, des statices ou de maigres crucifères.
Les plantes de telles familles sont les moins
nombreuses ou inconnues à Mascareigne. Les fruits
des arbres de l’intérieur des terres et des' montagnes
qui se rencontreraient au rivage, n’auroienr
pu y être entraînés que p a r le s pluies ou par
accident; ayant été alternativement exposés à
l’humidité ou aux ardeurs du soleil, hors du sein
de la terre, ils auraient perdu la faculté de végéter.
Ces cocos venus par mer des Séchelles, enveloppés
d’une coque et d’une bourre impénétrable
, et abordés sur les plages de l’Inde ou de ses
archipels , y ont-ils jamais donné des cocotiers? et
l’arbre qui donne les fruits errans , connus par tout
le monde à cause de leur forme bizarrement volumineuse
, s’est-il jamais naturalisé ailleurs qu’à
Praslin? ' 1 .
i° . On ne peut disconvenir que certains oiseaux
frugivores ne sèment dans l’étendue des conrinens
qu’ils habitent, et sur l’écorce des arbres où ils se
reposent, les graines de plusieurs végétaux dont
les fruits les nourrissent habituellement ; le gui en
fournit un exemple sur nos pommiers ; mais ces
oiseaux frugivores sont en général sédentaires ;
ils ne se déplacent jamais dans les régions où la variété
des saisons ne les force pas d’en consacrer une
aux émigrations. Rien n’attiroit de pareils hôtes
sur un écueil nécessairement stérile pendant sa formation
volcanique, très-éloignés de toute côte qu’ils
plient pu habiter d’abord, et hors de la portée de
leur vol généralement restreint; de tels oiseaux
n’ont pas porté le petit nombre de pépins dont
l ’organisation peut supporter la chaleur de leur
estornaç
estomac pendant le très-court espace de temps
nécessaire à la digesrion. Les oiseaux à vol soutenu
, habitués à se réfugier sur les rochers battus
des vagues, ne se nourrissent que de poissons et de
vers marins; ils ont été probablement les premiers
habitans ailés de Mascareigne ; mais ils n’y ont
pas porté les semences pesantes des aréquiers, ni
des vaquois; ils n’y ont pas porté non plus le
nasturs,.sorte de bambou qu’on n’a jamais retrouvé
autre part.
4°. Enfin, les hommes, quelle que soit l’époque
où ils aient abordé dans l’île qui nous sert
d’exemple, où ils en aient défriché et ensemencé
le sol, où ils y aient répandu des animaux domestiques;
les hommes, disons-nous, n’y auraient pas
planté de lycopodes, de champignons ou de con-
ferves, avec tant d’autres végétaux qu’on ne
cultive nulle part, et dont on ne retire pas la
moindre utilité. Ils eussent pu introduire des
boeufs, des chèvres et quelques insectes qui les suivent
partout en dépit d’eux-mêmes; ils ont évidemment
naturalisé des oiseaux ( les Martins ) ,
pour faire la guerre aux insectes indigènes, mais ils
n ont pas lâché ces singes, auxquels on fait une guerre
active; ces grandes chauves-souris et ces tortues de
terre, dont la délicatesse de la chair cause la destruction
; ces sauriens dont les habitations sont
remplies; ces rats musqués qui infectent chaque
cabane ; cette foule d’araignées qui salissent les
encoignures des appartemens ou filent en liberté
dans les campagnes ; enfin ces papillons nombreux
qui brillent sur les fleurs. Ils n ont pas davantage
peuplé les torrens et les mares d’eau douce de poissons
particuliers, d’insectes, d’écrevisses et de na-
vicelles propres à l’île. Ils n’ont pas surtout porté
avec eux ce Dronte, oiseau monstrueux, qu’ils furent
si étonnés d y voir, et dont ils exterminèrent
L race ; ce Dronte, essai baroque d’une nature trop
hâtée d enfanter, et qui présentoir dans le ridicule
de son ensemble le cachet de l’inexpérience organisatrice.
Il est impossible de supposer qu’aucune^de
ces créatures ait été portée par l’homme, par la
mer> par des oiseaux ou par les vents.
D ailleurs, tous les êtres qu’on voit, non-seulement
à Mascareigne et dans les îles voisines, mais
encore sur toutes les autres îles de l’Univers, ne
pourraient y être venus d’aucun autre lieu, quand
on parviendrait à démontrer la possibilité du voyag
e ; puisque, outre-un certain nombre d’espèces
qu on retrouve dans les climats analogues, chaque
archipel présence quelqu’espèce, quelque geire
même qui lui sont exclusivement propres, quon ne
revoit eu aucun autre endroit, et qui, par cotiséquent,
n ont pu être créés que sur les lieux mêmes.
O r , comme il ne peut être douteux que la plupart
des îles volcaniques ne soient plus nouvelles que les
continens, et que, par conséquent, tout ce qu’on
y trouve ne soit aussi plus recent, il faut nécessaire-
ment admettre la possibilité de créations modernes,
de créations actuelles , et même de créations futures
qui ont ou auront lieu, lorsqu’un concours de circonstances
déterminantes a ou aura lieu sur quelque
point existant ou futur de notre Univers.
CHAPITRE II.
R A P PO R T S DES C IEUX A V E C L A T ER R E , E T
DE L IN F LU EN C E DES C L IM A T S PHY SIQUES.
A v a n t de s’étendre sur l’histoire physique de la
superficie du Globe, il devient nécessaire de donner
une idée de sa forme générale , et des rapports où
il se trouve avec ces corps célestes dont il fait lui-
même partie, rapports qui influent si;considérablement
sur la distribution géographique des êtres organisés.
Pour ne point nous égarer dans la Géographie
astronomique, avec laquelle nous devons nous
trouver en contact dans ce chapitre , nous nous bornerons
à l’énoncé des notions qui sont indispensables
pour comprendre la suite de notre Illustration.
Corps opaque à peu près sphérique, le Globe
terrestre lancé dans le système solaire, n’y est guère
qu’une planète du second ordre; sa distance à l ’astre
qui l'éclaire est de 34,505,41a lieues; il
tourne autour de cet astre en 3S5 jours 5 heures
45 minures 43 secondes, et cette révolution esc
1 année ; tournant en outre sur lui-même dans vingt-
quatre heures, cetce révolution secondaire est le
jour. U11 axe sur lequel est censé s’exercer le dernier
mouvement, traversant la Terre, y passe par
deux points appelés pôles; l’un de ces pôles se
nomme arctique, il est celui du nord; l’autre
s’appelle antarctiquej-cest celui du sud. Vers ces
deux points le Globe esc légèrement aplati 3 le
diamètre dont les pôles sont les deux extrémités,
est de 1SS0 lieues ; Celui qui le coupant à angle
droit se conçoit d un point de l’équateur à un point
opposé du même cercle , esc de 10 lieues: environ
plus grand. L ’équateur est le cercle q u i, à une
distance égale des deux pôles,, environne le Globe
précisément par le milieu, et dont la circonférence
est d environ S 5.80 lieues:, qu’on porte à
pQoo, selon la mesure qu’on donne à ces.lieues.
Comme la rotation diurne ne s’exerce pas dans un
plan parallèle a celui de la coupe de notre planète