
inconnu, la matière des silex. Abondamment répandue
dans l’épaisseur du plateau, cette matière
( par les lois qui déterminent la juxta-position de ses
molécules), au lieu d’affecter la forme de tuyaux
et de puits naturels, se dépose, dans les couches
pénétrables qui présentent les conditions nécessaires
â son agglomération, en blocs rameux, amorphes
et souvent bizarrement contournés ; blocs qui,
venant à se confondre les uns dans les autres par
leurs appendices branchus et leurs cavités nombreuses
, se soudent et deviennent bientôt une couche
continue, dans laquelle des Madrépores, des Coquilles
diverses, des ossemens même, se trouvant
englobés, peuvent passer à l’état siliceux sans qu’on
puisse dire que ces corps, véritablement étrangers
aux couches du silex qui se les approprient, en
aient été les causes déterminantes.
La formation des silex de Maastricht doit être
la même que celle des silex amorphes, isolés ou
stratifiés , qu’on rencontre si fréquemment en Belgique,
non-seulement dans la plupart des carrières
de pierre calcaire ou dans la craie, mais encore aux
environs de Bruxelles, au milieu de toutes les sablières
dans lesquelles on va les recueillir pour en
composer les rocailles dont on tapisse les grottes
factices, et dont on forme le couronnement des
murs ou des piliers de portes de jardins. Partout
l’eau doit être considérée comme le dissolvant
propre à opérer de telles formations. Il suffit,
pour s’en convaincre, de se transporter hors de la
porte de Halle, sous l’ancien fort de Monterey,
qui commandoit la capitale de Belgique, où la
grande route coupe un banc de sable exploité pour
les besoins journaliers de la ville. On y verra l’eau
pluviale, se chargeant des parties constitutives du
silex, filtrer goutte à goutte et se durcir dans la profondeur
du sable même en corps comparables, pour
leur forme, à des tronçons de branchages, à des
fragmens de bâtons plus ou moins gros, aux racines
nourricières de la carotte ou du navet, enfin à quelques
long du corps humain. On reconnoît dans la
cassure de ces silex nouveaux, que la matière
dont ils sont formés a été déposée autour de corps
étrangers, tels que des brins chevelus de racines
quelconques profondément pénétrantes, tels que
des morceaux de coquilles ou des parcelles de sable
un peu plus grossières que leurs voisines, agglutinées
en petits canons, tels enfin que des débris ou amas,
qui, encroûtés dans la pierre nouvelle, identifiés
avec elle, en conservant seulement leur
forme primitive, demeurent les noyaux toujours
reconnoissables des silex. D ’autres fois, les
gouttes d’eau silicifère, agissant dans l’épaisseur
des sablières comme celles qui creusent les Orgues
géologiques dans le calcaire grossier, lais-
sent au centre d’un silex canaliculé, leur conduit
cylindrique qui ne se remplit qu’à la longue
par le mécanisme au moyen duquel s’obstruent
tôt ou tard tous lès conduits d’eau.
On s’est beaucoup occupé de l’origine et de la
formation des silex, dont les sablières des environs
de Bruxelles expliquent la théorie. « L ’existence
des silex, dans les dépôts calcaires, dit Pa-
trin, est un phénomène qui a toujours attiré l’attention
des naturalistes. Quelques-uns ont dit que
c’étoit par l’infiltration d’un liquide siliceux qui
venoit remplir des cavités dans les couches de la
craie ; d’autres pensent que le silex est formé par
une simple modification de la terre calcaire. » La
préexistence des cavités dans les sablières ou dans
la craie n’est nullement nécessaire à la formation
du silex ; de telles cavités, au contraire, ne pour-
roient que porter obstacle aux formations de ce
genre, car, en y pénétrant, le liquide silicifère, au
lieu de s’y endurcir en corps compactes, pourroit
tout au plus y former des géodes telles que nous en
voyons souvent dans les cavités des coquilles dont
le plein s’est transformé en silex véritable.
La présence d’un plein, pénétrable par l ’eau
silicifère, est nécessairement indispensable, selon
nous, dans une opération naturelle qu’on doit comparer
à celle par laquelle les particules constituantes
du bois font place aux infiltrations qui la pétrifient
et l’agathisent, et à cette sorte de transmutation
par déplacement de molécules, au moyen de laquelle
de vieilles ferrailles jetées dans Rio-Tinto,
en Andalousie, s’y chargent, après un certain laps
de temps, d’un cuivre très-pur. Si des Madrépores,
des Coquilles et autres débris marins se trouvent
au point où telle ou telle cause détermine ce
qu’on pourroit appeler silicificationj ces débris,
comme tout autre corps étranger qui eût pu se
rencontrer accidentellement aux mêmes lieux, subissent
une métamorphose analogue, qui ne respecte
que les formes. Il n’est point nécessaire,
dans ce cas, que la chaux soit convertie en silice,
mais seulement que ses parcelles éprouvent la
même espèce de remplacement qui a lieu dans
le bois et le fer pénétré d’infiltrations lapidifiques
ou cuivreuses. Le même mécanisme donne lieu
partout à la même formation d’assises siliceuses ;
c’étoit sans doute pour établir une théorie analogue
à celle que nous venons d’exposer, que
M. Desmarest avoir fait graver la Planche î p ,
représentant une carrière de craie exploitée à ciel
ouvert à Crency, près de Troyes en Champagne.
Cette Planche a rapport également au mot
CRAIE du Dictionnaire.
Après avoir scrupuleusement visité les cryptes
du plateau de Saint-Pierre, il reste à visiter celles
de la rive gauche de la Jaar. On commence à
rencontrer celles-ci entre Emale et Kanne. Plusieurs
sont situées au couchant de ce dernier village,
et l’on en trouve à mi-côte jusqu’au-dessous
d’une cense qu’on nous a dit se nommer les Apo*
très.
Parmi les carrières de Kanne dans lesquelles on
peut encore entrer, on remarquera celles que nous
avons désignées par la lettre P , à droite, au bord
et le long d’un chemin profondément encaissé,
qui se dirige vers l’occident, lorsqu’on sort de
Neder-Kanne par ce côté. Elles sont fort basses
et paroissent avoir été creusées sur un modèle particulier
: nous ne savons quelle peut être leur profondeur.
Vers la jonction du chemin qui de cette
route conduit au château, on trouve encore des
cryptes fort étendues ; mais celles-ci, plus élevées,
approchent, par leurs proportions, des plus belles
galeries. L ’une d’elles peut être considérée comme
le magasin d’abondance du village ; ce quartier
souterrain est celui où chaque habitant, murant
ou fermant d’une porte en planches quelque galerie
latérale, a établi ses écuries avec le dépôt
de ses instrumens aratoires et ses récoltes.
Le parc de Neder-Kanne tire sa principale singularité
de la série d’entrées par lesquelles on communique
avec les carrières dont fut entièrement
percée la hauteur à laquelle il se trouve adossé.
Ces entrées, à demi cachées dans un feuillage
épais, portant un caractère d’abandon, toutes fréquentées
qu’elles sont encore, rustiques quand on
les compare avec les entrées romaines, ont un
aspect sauvage, et rappellent l’idée de ces antres
qu’habitent au désert les animaux féroces ; imposantes,
mais irrégulières, vastes, mais obscures,
elles nous parurent encore curieuses après toutes
celles que nous avions visitées. Les galeries dont
elles étoient les portes, un peu moins hautes que
celles du plateau de Saint-Pierre, nous semblèrent
plus larges; quelques-unes avoient jusqu’à vingt
pieds : des corniches n’en ornoient point les parties
supérieures, mais elles étoient strictement alignées,
percées fort régulièrement à angle droit par d’autres
galeries transversales ; dépourvus que nous étions
de flambeaux, nous n’y pénétrâmes pas moins à
plus de cent cinquante pas à travers des ténèbres
toujours croissantes ; éblouis par l’éclar du jour
quand nous jetions les yeux derrière nous, cet
éclat étoic d’autant plus vif que nous nous enfoncions
davantage, et son effet, à l’extrémité des
sombres et longs conduits souterrains, ressembloit
à celui que produit le ciel à l’extrémité d’une lunette
renversée, lorsqu’on le regarde par le côté
du grand verre.
Le niveau de ces lieux répondant à celui de la
grande entrée A , pratiquée sous le fort Saint-
Pierre , et des autres portes marquées B , S , S et T ,
sur les pentes occidentales du plateau opposé, la
nature du calcaire grossier s’y trouve absolument
pareille. Une circonstance particulière et fort remarquable
nous indique à quel point ce niveau
est demeuré exactement le même, malgré que la
Jaar ait divisé en deux parties un terrain qui dut
être originairement continu.
En décrivant la grande entrée, nous avons fait
remarquer qu’on voyoit sur ses parois, au-dessus
de la hauteur d’appui, une couche de six à dix
pouces d’épaisseur, plus blanche que le reste de la
pierre, disposée horizontalement et entièrement
formée de débris confondus de toutes sortes de
corps marins. Nous désignons par la lettre C , dans
la Planche 28 , n°. 2 , cette couche, où nous avons
reconnu des dentales, des morceaux d’huîtres, des
cames et autres bivalves, des fragmens qui ne peuvent
avoir appartenu qu’à des univalves assez épaisses
et même nacrées, telles que des Murex , et
même des Nautiles , des enveloppes d’Oursins
réduites en mille pièces, avec ou sans leurs pointes,
de petits coraux brisés, les dents de diverses espèces
de Squales ou de Raies, des fragmens de Téré-
bratules pris pour des becs de Sèche , et de la
poussière grossière de Madrépores. Ces débris sont
moins détériorés, et sont à peine liés les uns aux
autres dans le centre de la couche, dont les parties
supérieures et inférieures sont quelquefois réduites
en poudre aréniforme jaunâtre. Cette couche particulière
, que nous suivîmes à une certaine profondeur
dans l’intérieur des galeries, au fond de la
grande entrée sous le fort Saint-Pierre , régnoit
encore extérieurement sur tous les pans de rochers
mis à nu, jusqu’à la petite entrée B de notre carte ;
nous la vîmes disparoître dans les combles de celle-
ci, et nous la retrouvâmes ensuite jusque sur les
parois des cryptes orientales, toutes les fois que
nous descendîmes ou que nous nous élevâmes au
niveau qu’elle occupe invariablement. Nous avons
encore indiqué cette couche dans la coupe n°. 1,
par les lettres P P , et en ayant soupçonné l’existence
dans la masse calcaire de Kanne, elle y frappa
bientôt nos regards. C ’est particulièrement dans la
première galerie, marquée R , de ce qu’on peut
appeler le Bosquet de Neder-Kanne, que nous