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Le dos eft brunâtre, peu arqué, & épais. Le ventre & les côtés font
argentins, & on apperçoit une tache noire près de la nageoire peétorale.
Ce poiffon habite la mer du Nord, où on le prend en grande quantité
en automne près de Heiligeland, d’où on l’amène à Hambourg. D eft
remarquable que l’aigrefin ne paffe point par le Sund dans la mer Baltique,'
& que le dorfe, qui eft un habitant de la Baltique, ne paffe point par
la Manche dans la mer du Nord, quoiqu’on les trouve en quantité près
l’un de l’autre dans ces deux mers. On le, trouve auffi autour de la
Hollande, de l’OIifrife &.dans la Manche; mais fur-tout en Angleterre,
où il paraît en grandes troupes, & qui paffent ordinairement d’une côte à
l’autre : de manière cependant qu’ils ne s’affemblent que dans un efpace
large de trois quarts de mille & long de fix milles. Si les pécheurs jettent
leurs lignes hors de cet efpace, ils ne prennent rien. Us paroiffent
quelquefois en troupes fi nombreufes, félon M. Pennant, que dans l’efpace
d’un mille d’Angleterre, trois pêcheurs peuvent remplir leurs canots deux
fois par jour. Ainfi ce poiffon eft à fi bon marché, qu’on en donne vingt
des plus gros pour vingt-q u a t r e fous de France, & autant de petits pour
quatre, & quelquefois même pour moitié moins-, On voit ordinairement
les plus gros depuis Novembre jufqu’en Janvier, & depuis ce tems jufqu’en
Mai, paroiffent les plus petits a). Dans la Groenîantfè, ils habitent les
fonds, & viennent vers le foir fur la furface de l’eau, fur-tout lorfqu’elle
eft agitée; & c’eft-Ià que les pêcheurs les épient Quelquefois aulft ils
fautent hors de l’eau, pour éviter la pourfuite des chiens de mer. Ceux-ci
les prennent avec leurs pattes entre les fentes de la glace, où ils fe
tiennent pour prendre l’air ¿).
La grandeur de ce poiffon eft ordinairement d’un- pied; & alors il pêfe
une livre & demie. Quelquefois on en trouve auffi qui ont deux ou trois
pieds & plus, & qui pèfent quatorze livres c). Il fraie en Février : alors les
femelles viennent en grandes troupes dépofer leurs oeufs entre l’algue d},
non loin du rivage. Enfuite les mâles y viennent féparement, & fécondent
les oeuis e). L’aigrefîn fe nourrit d’ëcrévMfès & d’autres infeâes de mer.
Il pourfuit fur-tout le hareng, dont il s’engraiffe pendant tout l’Eté; au
lieu que dans l'arrière faifon, il eft maigre, parce qu’il ne vit que de vers
de mer. Dans les tems orageux, il fe cache dans le fable, ou entre
les herbages, où il fe tient tranquille jufqu’à ce que le calme foit revenu«.
û'I Penn. B. Z. IH. p. 180. I8i* firme encore ce que je dis dans la première Partie,
by O; Pabric. Faun. Groenl’. p. 143. pag. 96, que-la fécondation des oeufs des poifibns
q) Penn. au lieu, cité, p. ga. fè fait hors de la femelle; Quelques favans m’ontdj
Fucus. L. adrefie dans des lettres leurs douces à cet e'garcl.
e) Q: Pabric. Faun. Groenl. p. 143* con*
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On le voit en ce que, dans ces tems, lés pêcheurs n’en prennent point,
& que ceux qui paroiffent enfuite, font couverts de malpropretés & de
plantes, qui indiquent leur féjour. La chair de ce poiffon eft blanche,
ferme & de bon goût; elle eft feuilletée & facilé à digérer. Outre le chien
de mer, il a encore pour ennemis- les autres gros poiffons voraces.
On le prend fur-tout avec des lignes de fond; Les pêcheurs de la
Frife, en jettent plufieurs yers le foir, qui font de la longueur de quelques
braffes, & y mettent des petits poiffons pour appât. Quand ils les, tirent
le matin, ils trouvent ordinairement un poiffon à chaque hameçon, fur-tout
par un beau tems. De forte qu’un pêcheur retourne fouvent chez lui avec
une pêche de cent poiffons & plus, fuivant le nombre de lignes qu’il a
tendues. Nous rapporterons ici une coutume louable; o’eft que chaque
pêcheur eft obligé de tendre une ligne pour les veuves des pêcheurs du
village, & de leur en-envoyer ia pêche/ ) . Les Groenlandois les prennent
à la main, dans des trous qu’ils font dans la glace, & où les poiffons fe
preffent les uns fur les autres, pour prendre l’air g~).
Le foie dé ce poiffon eft blanchâtre , & confifte en deux lobes de
différente longueur. La rate eft triangulaire & placée fous l’eftomac, qui
eft long, épais & entouré d’un eercle de plufieurs petits appendices. Le
canal inteftînal a trois finuofités, & eft large par en bas. Là véflcule
aérienne eft longue, fimple, & enduite d’une matière glutineufe. Les
reins, la laite & l’ovaire font doubles, & les oeufs jaunes. J’ai trouvé quinze
côtes de chaque côté, & trente-cinq vertèbres à l’épine du dos.
Ce poiffon eft connu fous différens noms. On le nomme :
Kuller, en Dannemare.
Kolhe, Hyfe, en Norvège.
Ifia, en Islande.
Diuckfo, en Laponie.
Mifiar Kornuch & Ekalluack, en
Groenlande.
Kaljor, en Suède.
Schelvis, en Hollande.
Aigrefin ou .Eglefin, en France;
Anon, en haute Normandie.
Hadock, en Angleterre.
Daguet ou Guellekens, en Flandre.
Les petites dents pointues paroiffent avoir donné lieu à Sehoxieveld
d’attribuer à ce poiffon des mâchoires raboteufes.
Selon moi, Klein fe trompe, en prenant pour notre poiffon li) le
càlkrïas de Pline i ). Car comme il n’habite que les contrées du Nord
de l’Europe, cet auteur ne doit point l’avoir connu.
f ) Miill. L. S. Tom. IV. p. go.
g ) O. Fabr. Faun. Groenl. p. 144.
h ) MÎÆ Pifc. V. p. 6. n. a.
i ) H: N. lili, 9. c* 17.