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leur frai, & que les filets détruifent les poiffons avec les millions de petits
qu’ils devroient produire. Les Norvégiens ont éprouvé dans la pêche de
la morue, les mêmes dommages que la pêche des filets étroits ont fait
éprouver dans certains endroits aux Suédois & aux Pruffiens pour la
pêche des harengs ¿). Il n’en eft pas de même de la pêche à l’hameçon:
elle n’empêche pas le poilfon de reproduire tranquillement fon efpèce.
Les bateaux dont on fe fert pour cette pêche , font de différente
grandeur. Les côtiers fe fervent ordinairement de canots, où l’on peut
mettre trois à quatre hommes. Mais ceux qui viennent des contrées
éloignées pour faire cette pêche, ont des bâtimens depuis quarante jufqu’à
cent cinquante tonneaux, fur lefquels font depuis quinze jufqu’à trente
hommes. Selon l’éloignement des lieux d’où ils viennent, ils font pourvus
de vivres pour deux jufqu’à huit mois, & ont une provifion fufïifante de
fel de mer pour faler le poilfon, de tonnes pour le mettre & pour garder
le foie; de petits barils pour mettre les oeufs, la véficule aérienne & la
langue, & du bois pour la préparation de la morue fèche;. Un vaiffeau de
quatre-vingt-dix tonneaux ou lads, porte dix-neuf p e r f o n n e s , & un de
cent cinquante, vingt-cinq à trente perfonnes. Ceux des Hollandois &
des François font ordinairement de foixante & dix jufqu’à cent vingt tonnes;
leurs lignes font plus courtes & moins fortes que celles dont fe fervent les
Norvégiens. Ceux-ci les font de chanvre fin, afin de les rendre plus
fortes & qu’elles ne foient pas fi difficiles à diriger. Lorfque les crochets des
hameçons font d’acier, ils entrent plus aifément dans le poilfon; mais ils
caffent auffi d'autant plus aifément lorfqu’ils tombent fur un fond de rocher:
voilà pourquoi on fe contente de les acérer.
On prend pour appât toutes fortes de petits poiffons, fur-tout le hareng,
& le capelan à Terre - Neuve. Au défaut d’appât frais, on prend des
harengs falés, des, m a q u e r e a u x & d e s . orphies. Cependant ont fait bien
de les faire delfaler auparavant. On fe fert auffi pour le même ufage de la
viande gâtée dans le bateau. ,La morue mord fur-tout aux poiffons frais,
aux coquillages de moules, écréviffes & aux morceaux de crabes. Par
cette raifon, les Anglois entretiennent toujours à Terre-Neuve quelques
bateaux pour prendre des poiffons frais deftinés à fervir d’appât.. On
emploie fur-tout auffi pour cela les petites morues, à caufe de leur peu de
valeur. Faute d’appât, on fe fert d’un poilfon de plomb fondu, de drap
rouge, & de poiffons à moitié digérés, que l’on trouve dans l’eftomac de
ceux que l’on a pris. Quand la pêche ne réuffit pas, il faut facrifier quelques
morues, parce que ce poilfon eft très-avide de chair fraîche & encore
b) Schwed. Abhandl. Tom, I. p. 193.
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faignante. Les Islandois prennent auffi pour cela le coeur des ôifeâux
aquatiques, & les Norvégiens l’éperlan de mer & la fèché : car quand
l’éperlan & la fèche vont vers les bords pour frayer, ils font toujours fuivis
d’une grande foule de morues. Il en eft dé même en Amérique lorfque le
capelan paroît dans la même intention; car il pourfuit ces poiffons par-tout:
Voilà pourquoi on prend auffi ce poilfon pour appât. Lorfqu’un bateau eft
fuffifamment fourni d’appât, & qu’il rencontre par un beau tems, une
contrée poilfonneufe; ce qui arrive ordinairement vers les bancs, où l’on
trouve beaucoup de moules & d’écréviffes; un tel bateau, dis-je, monté
de quatre hommes, peut dans l’efpace de vingt-quatre heures faire une
pêche de quatre à lîx cents morues; & quand le tems eft beau pendant
l’elpace de deux ou trois femaines, on peut compter fur une prife de cinq
à fix mille.
On pêche ce poilfon prefque pendant toute l’année en Norvège, en
Angleterre & en Amérique. Mais le tems où on le prend en plus grande
quantité fur les côtes de Norwège & d’Islande, c’eft depuis Février jüfqu’à
la fin de Mars, & même jufqu’au milieu du mois d’Avril. En Amérique,
la plus grande pèche fe fait en Mai & Juin. Depuis le mois de Juillet, il
difparoît, & reparaît en Septembre. Mais comme dans ce tems les eaux
de ce pays font couvertes de glaces, la pêche eft incertaine pour les
Européens.
Dans le Nord, il s’affemble pour la pêche de la morue, quatre à cinq
mille hommes, compofés de Normands, Danois, Suédois, Hambourgeois,
Hollandois & François. Les Hollandois font ceux qui ën tirent le plus de
profit : car comme ils préparent & mettent leurs moruès dans les tonnes
avec plus de foin, elles font toujours meilleures que celles des autres
nations. Mais comme il eft défendu à eux, auffi bien qu’aux autres
nations, de faire fécher le p o i l f o n dans le pays, i l s e n falent une grande
partie, & n’en pendent que peu à des perches, qui font fur les vailfoiux,
pour les faire fécher.
La manière de préparer cé poilfon pour le conferver, confifte en partie
à le faire fécher à l’air, en partie à le faler, ou fane l’un & l’autre. La
première manière fait ce qu’on appelle au Nord Jlockfifch (morue fèche);
la fécondé, laberdan (morue falée ) , & la troifième, klippfifih (morue
blanche). Les Islandois, dont le poilfon eft prefque la feule nourriture,
tâchent d’en prévenir la difette lorfqu’ils l’ont en abondance : ils le font
fécher, & le donnent alors fous le nom commun de Jiockfifch. Il y en à
de deux efpèces, dont l’une fe nomme flackfifeh. ( morue fendue ) , &
l’aune hoengefifeh. Voici comme ils les accommodent : Lorfque les hommes