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de leurs ennemis. C’eft un malheur pour les pêcheurs quand l’ empereur
entre par hafard dans la tonnaro; car il la déchire, & fait fortir les tirons
avec lui.
L,e thon eft pour les peuples des environs de la Méditerranée ce que
le hareng eft pour les peuples du Nord. On fait monter à 400,000 le
nombre de ceux qui fortent de l’Océan & paffent par le détroit de Gibraltar.
Quel ne doit pas être le nombre de ceux qui palïent l’hiver dans la
Méditérranée, & qui entrent par le détroit de Conftantinople!
Depuis vingt ans la pêche du thon eft devenue très-importante pour
laSardaigne; car on en prend année commune 45000. Or, en comptant
chaque poiffon feulement à trois fcudi; car les plus gros fe vendent fept.
féquins, cette pêche monte du moins à 135000 fcudi. On prend ce nombre
par le moyen de douze tormaros. Porto Scus en fournit la plus grande partie.
La pêche du thon eft fujette à des révolutions comme toutes les chofes
d’ici bas. Dans le tems des Grecs & des Romains, la pêche du thon étoit
très-importante au Cap de Bizance, comme nous l’apprenons par Arijîote,
Ælian, Straio & Pline. Avec la perte des fciences & des arts, l’induftrie
de cette pêche s’eft aufîi perdue: Les Efpagnols, qui jadis s’appliquoient
beaucoup à la pêche, s’approprioient auiTi celle du thon. On comptoit fur
les côtes d’Efpagne dix-fept tonnaros, parmi lefquelles celle d’auprès de
Conil étoit la plus célèbre. Un feul jour fuffit pour ôter à ce royaume la
riche pêche du thon, & la faire palfer à d’autres nations. Ce fut le jour,
fameux, où la ville de Lisbonne fut détruite par un tremblement dé terre.
Le thon fraie dans une profondeur d’environ cent pieds, & évite les
rivages où la mer n’a pas cette profondeur. Par ce tremblement de terre,
une grande quantité de fable & d’autres corps maritimes furent détachés
des côtes de l’Afrique, & s’accumulèrent fur les côtes d’Europe ; de forte
que le fond de la mer d’Elpagne fut confîdérablement élevé ; en même
tems que les havres de Tetuan, & Sale en Barbarie furent vidés &
nettoyés. Le printems fuivant, lorfque le thon paffa de l’Océan dans la
Méditerranée', il trouva les côtes d’Efpagne prefque comblées par les
fables; de forte qu’il fe tint à une fi grande diftance des côtes, qu’on
auroit eu befoin pour le prendre, de filets d’une longueur immenfe. Enfin
la pêche du thon tomba en Sardaigne & à Naples a).
La pêche du thon eft un des plus grands divertiffemens de la Sardaigne.
Alors plufieurs përfonnes de diftinétion ont coutume:de s’y rendre des
contrées éloignées. Les pêcheurs après avoir préparé, en Avril, leurs
grands
a) Cetti. Sardin. Tom. DX p. 164.
grands filets faits en ferme de poches, & les avoir faits bénir par leurs
prêtres, les jettent dans la mer. On tire la veille dé nom du Saint qui doit
être le patron du lendemain. Pour cet effet, on met plufieurs noms dans
une roue de fortune: on tire, & le nom du Saint qui fort, eft lé feul
invoqué pendant toute la journée a').
Du refte, les matelots les prennent auffi èn pleine mer; en voyageant,
avec une efpèce de turlotte faite d’étain & de plomb, il laquelle ils
attachent des plumes blanches, pour imiter le hareng volant. Es attachent
cette' turlotte à une corde qui tient au bâtiment. Enfin, on lès prend
auffi au harpon & avec des greffes lignes dormantes, garnies d’un grand
nombre d’hameçons.
Quoique ce poiffon paroiffe bien redoutable par fa groffeur monftrueufe;
cependant il eft fi peureux lui-même:, qu’il ne donne pas beaucoup de .
peine aux pêcheurs lorfqu’il eft une fois pris: car dès^qu’il a fenti-que
fes premiers efforts font inutiles, il paroît fe "foumeârè fans réfifiance
à fon fort , & refte tranquille dans les filets..
On mange ce poiffon frais & mariné. Pour le faler, les pêcheurs le
pendent par la queue, lui ouvrent le ventre,' & après en avoir tiré les
entrailles & avoir féparé la chair de l’épine du dos, ils la coupent par
morceaux, & la mettent dans la faumure. On le vend fous le nom de
tonnine ; & on en envoie fur-tout beaucoup à 'Conftantinople. Autrefois
le commerce du thon étoit beaucoup plus confidérable qu’il rie feft | ;
préfent; car il tenoit lieu du hareng de Hollande, du caviar de Ruffie,
des fardelles & des anchoix de France. On l’efthnoit fur-tout beaucoup
en Italie, & on donnoit différens noms aux diverfes parties de fon corps.
On appelloit tarentella les petits morceaux maigres coupés en long, &
ventrefca Scfirra les morceaux gras du ventre. La chair de ce poiffon varie
d’une manière incroyable : elle change prefque à chaque endroit & à
chaque profondeur différente; tantôt elle eft ferme, tantôt molle; dans
quelques'-endroits elle refffemble à la chair du veau; dans d’autres, à celle
du porc. Voilà pourquoi, en Sardaigne, on donnne différens noms à la
à la chair de ce poiffon b')./ ’ 1 ;
Autrefois les Italiens & les Efpagnols eftimoient tant le thon à caufe
dê fon utilité pour le commerce, que félon Labbat c|| on le grava fur
les monnoies d’Efpagne, & félon Bellond) fur celles d’Italie.
„ ) Cetti. Sardin. Tom. III. p. 171. ,
4) La ipinella bïanca, là fpinella nera, laforra, c )R e if . nacfc Span.,Tom. L p..«*
le duc codelle biaricae nera, carne netta, Bufigna- d) Aquar. p. 106.
Part. IL I ' a