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Le lingue habite l’Océan feptentrional, & fur-tout la mer du Norcf.
Celui dont je donne ici un deffin, m’eft venu de Hambourg, où les
pêcheurs l’apportent de Heiligeland : lieu où on le pêche allez fouvent à
l’embouchure de l’Elbe. Il avoit quatre pieds délong, fept pouces & demi
de large, cinq & demi d’épailfeur, & pefoit dix-huit livres. Mais on en
trouve a'ufli qui ont lix à fept pieds de long «). Il fe tient dans les fonds,
vit d’écrévilfes, de crabes & de poilfons : car j’ai trouvé dans fon eftomac
non feulement des gurneaux, mais aufii des plies à moitié digérées.
Ce poilfon fraie en Juin, & dépofe fes oeufs dans les fonds fangeux au
milieu des herbages. Sa chair elt de très-bon goût, fur-tout depuis Février
jufqu’en Mai; & alors on le préfère à la morue. Dans ce tems, fon foie
elt blanc & fi imbibé d’une huile de bon goût, qu’on en tire en grande
quantité à un feu léger. Mais enfuite cette couleur blanche fe change en
rouge; le foie devient plus petit, & rend peu d’huile. Dilférence que Ion
trouve aulfi dans les autres elpèces de poilfons, mais d’une manière moins
fenfible que dans celui-ci.
Après le hareng & la morue, ce poilfon elt, à caufe de fa grande
multiplication, le plus important pour le commerce de plufieurs nations.
En Angleterre, on le fale en grande quantité, & ott le confomme dans le
pays : on l’exporte aufii dans les pays étrangers. Celui qui a vingt-fix
pouces de longueur elt vendable; celui qui elt au-defious, elt mis au
rebut, & n’elt que d’un bas prix ¿).
On en exporte tous les ans de la Norvège environ 900,000 livres par
an c). En Angleterre, on le prépare comme la morue: il elt plus propre
que cette dernière à fe conferver pour les voyages de longs cours. Oii
fait aufii de l’huile avec fon foie; & avec fa véficule aérienne, une colle
qui approche de la colle de Rulfie.
En Norvège, le tems de la pêche elt le printems; & les! endroits les
plus favorables pour cela font les bancs de fable près de Storregen. Des
petites bulles qui s’élèvent fur la furface de l’eau, annoncent l’endroit où
ils fe tiennent au fond. Outre cela, on en prend encore près de Spitzberg
& Terre-Neuve; mais ils ne font pas aufii bons. Il y en a aufii dans la
Groenlande & la Laponie. Ceux d’Islande font fi mauvais, que les habitons
du pays font obligés de les manger eux-mêmes, faute de pouvoir les
vendre aux étrangers d). Les meilleurs fe pèchent en grande quantité au
mois d’Août près de Hittland, & on les y fèche comme la morue. Pour
prendre
a) Penn. B. Z. III. p. ipg.
b) Au lieu cité.
c ) Pontop. Norxr. Tom. IL p. 247.
d) Andcrf. Isl. p. 95.
L e L 1 Nie, P: i 15?
prendre ce poilfon, on fe fert de lignes de fond de la longueur de foixante
brafles, qu’on appâte avec des harengs ou d’autres poilfons.
On mangeffl lingue fiais, féché, & préparé d’autant de manières
diverfes que la morue.
Le gozier de ce poilfort elt large, & garni de longs plis, qui ont leur
direétion en longueur. L’eftomac eft mince & en forme de fac. A fa partie
fupérieure, eft la nailfance du canal inteftinal, qui fe recourbe quatre fois.
Au commencement de ce canal, on trouve trente-quatre appendices fort
longs. La peau de la véficule aérienne eft aufii épaifîe que du maroquin.
Le foie eft rond, le fiel d’un verd foncé, la rate oblongue & brune. J’ai
compté vingt côtes de chaque côté.
Ce poilfon eft connu fous différens noms. On le nomme:
Lange & Lcng, en'Allemagne, ' Juirkfoal, en Groenlande.
Dannemarc, Norvège & Islande. Ling, en Angleterre.
Lxnga, en Suède. b Lingue, en France. ,
Artédi paraît croire que c’eft Charkton qui a le premier fait mention
de ce poilfon e) : mais Bellon / ) & Gejner g~) en ont parlé longtems
auparavant. C’eft Bellon qui nous en a donné le premier deflin A); .&
quoiqu’il le repréfente fans écailles, ce deffin vaut cependant encore
mieux que celui que Duhamel a publié depuis peu; car dans ce dernier
les écailles manquent également, & l’on a repréfenté la première nageoire
du dos en forme de demi-cercle; ce qui n’eft pas jufte z ).
JonJlon a tort de repréfenter un requin pour notre poilfon A).
W'dlughly & Ray fe trompent, en faifant de notre poilfon deux elpèces
différentes : car leur clarias nïlotica de Bellon n’eft autre chofe que notre
lingue, comme on peut le voir par le deffin que Willughby en donne /).
■ c ) Syn. p. 3<5. n.-'p. • i ) Traite des Pêches. Tom. II. Pl. î j , fig. j .
f ) Aquac. p. 135. *) Ué;Pifc tàb. l. fig.6.
g )____ p. 9 j. Icon. Anîra. p. 78- l) Tab. H. 4. fig. a. ’
A) Au lieu cité.
Part. IL