derniers, auffi bien que les Efpagnols, ne peuvent s’en palier pour
prendre les fardelles & les anchois. Ils en. garniffent les filets deftinés à
prendre ces poiffons. On exporte annuellement de Bergen quatorze à feize
cargaifons, ou vingt à vingt-deux milles barils de ces oeufs. Chaque baril
fe vend à peu près huit à neuf francs.
Les vaiffeaux qui vont en Norvège & à Terre-Neuve, partent
ordinairement en Mars;, quelquefois aulïi plutôt ou plus tard, félon le
chemin qu’ils ont à faire ; & ils reviennent chez eux vers la fin de
Septembre. Dès qu’ils, font arrivés à l’endroit de la pèche, ils font fur le.
vaiffeau, une galerie qui va du grand mât jufqu’à la pouppe, & quelquefois
d’un bout à l’autre du vaiffeau. Cette galerie extérieure, eft garnie de
tonneaux défoncés par un bout, dans lefquels, les matelots fe mettent,,
pour être à l’abri des injures du tems, & leur tête eft couverte d'un toit
affujetd aux tonneaux, Dès qu’ils détachent une morue de l’hameçon, ils
lui coupent la langue; enfuite ils la donnent à un mouffe, qui la porte au
videur. Celui-ci lui coupe la tête, lui arrache le foie & les entrailles, &
la laiffe enfuite tomber par un trou fur le faux tillac, où le préparateur lui
ôte l’épine du dos, & la laiffe enfuite tomber par un autre trou dans un
endroit où on la fale & la met en tas. Le faleur prend bien garde qu’il y
affez de fel entre les couches que forment ces tas, afin que,le poiffon ne
vacille point; mais il ne faut pas qu’il y en ait trop-. Le trop ou le trop
peu de fel font également nuifibles : tous les deux diminuent la- bonté &
le prix de la morue.
Dans les tems anciens comme dans les nôtres, les nations étrangères
alloient fur les côtes de Norvège & d’Islande, pour prendre des morues..
En 1368, la ville d’Amfterdam a reçu de la couronne de Suède, la
permiflion de former à cet effet, un établiffement fur file dé Schonen ¿)._
Les Anglois pèchent auftî la morue depuis, longtems : car nous voyons
qu’en 1415 Henri V . fit fan« fatisfaftion par le roi de Dannemarc, à
quelques-uns defes fujets, auxquels on avoit fait quelques violences dans
ce royaume. Dans la fuite, les Anglois perdirent le droit de pêcher dans
ces contrées : car Elifabeth racheta de la couronne de Dannemarc, pour
fes fujets , la permiffion d’y pêcher. Mais Ton fucceffeur ayant époufé une
princeffe de Dannemarc, les Anglois ufèrent tant de cette permiffionj
qu’ils y envoyèrent annuellement environ quinze cents vaiffeaux.
Les François & les Hollandois envoient aufli un grand nombre de
vaiffeaux à cette pêche; & cependant toutes ces nations laiffent encore
affez de poiffon pour que les Islandois en tirent la plus grande partie de
£) Der Reich. von Holland. Tom. L p. 102.
D. E LA M a. R V. E, 139
leur entretien, & que les Norvégiens, comme nous l’avons dit, en tuent
tous les ans quelques tonnes d’or.
Quelque confidérable que foit, dans le Nord, la pèche de la morue,
elle n’eft pourtant pas comparable à; celle qu’on fait dans l’Amérique
feptentrionale, & fur-tout fur le grand banc de Terre-Neuve ç). Cette
pêche doit être bien importante pour les Anglois, puifqu’ils y emploient
quinze à vingt mille marins, fans compter ceux qui s’occupent de la
conftruétion des vaiffeaux, des inftrumens &c. Une autre avantage que
cette nation en retire, c’eft qu’ils gagnent encore des fommes confidérables
par les exportations qu’ils font en Portugal, en Efpagne & en Italie, Outre
cela, ces matelots ne laiffent pas que de faire de bons foldats en tems
de guerre.
On voit par une requête que les marchands. Anglois préièntèrent en
1763 au Gouvernement, quel étoit 'alors l’état brillant de la pêche. Selon
eux, on y employoit 150 vaiffeaux d’autant de tonnes chacun, & 1500
plus petits, fans compter les .300. bâtimens marchands qui portent l’huile
& le poiffon dans-l&xayaume d’une ville J. l’autre. JUn fchoner de 50 à 70
tonnes, contient ordinairement huit cent cinquante quintaux ; une chaloupe
trois cents, & les plus petits bâtimens deux cents. Ainfi l’on peut compter
que ces bâtimens mènent l’un portant l’autre, quatre cents cinquante
quintaux. Le quintal du meilleur poiffon, pris fur la place, coûte environ
I4livres de France; de la moyenne qualité, 10 liv., & le rebut 6 liv. Or
la pêche produit tème de grands, poiffons; autant de moyens, & de
petits. Le quintal de ce poiffon l’un portant l’autre, coûte 9 liv.
Ainfi le prix de 150° petits vaiffeaux feroit de. . . . 8>o8o,o8o liy¿
Les foies de 100 quintaux de . poiffon donnent une pipe
d’huile, qui vaut ordinairement 124 livres. Ainfi.
1500 vaiffeaux à 450 quintaux ch a cu n , font 67500
tonneaux d’huile ;. ce qui monte à . . . . . . 8.33,000 liv.
La cargaifon d’un vaiffeau de x 50 tonnes, vaut 7200 liv.
Ainfi la valeur de 150 de cette efpèce eft de . , . 10,80.0,000 liv.
En tout . . , . ;. . . , . . . . . . 19,713,080^1.1»
Mettons l’un portant l’autre dix hommes fur les petits bâtimens, & vingt
fur les plus grands, nous avons un nombre de dix-huit mille marins; &
fi l’on y joint ceux qui font fur les trois cents petits vaiffeaux marchands,
c ) Ce banc a cent foixante milles d’Allemagne cent lieues dé long & foixànte de large. La prodê
long, quatre vingt dix de large, & eft fi tué fondeur varie depuis quinze juiqu’à foixàntehrallès.
entre le quarante-troifième & le quarante-cin- Le fond eft couvert de rochers, & l’eau y eft dans
quième degré de latitude feptentrionale. Mais les une agitation continuelle, à caùlè de la diverfité
bancs où ie fait particulièrement la pêche, ont, de la diredion des coùrans qui s’y trouvent.