ont débarqué avec leur prife, ils la jettent fur le rivage. Les femmes
coupent auffitôt la tête du poilfon, lui ouvrent le ventre, & après en
avoir tiré les entrailles, elles fendent le dos en dedans, & ôtent 1 épine
du dos, excepté les trois dernières vertèbres. Enfuite elles font cuire les
têtes pour les manger, & les hommes prennent les ouïes pour leur feivir
d’appât. On fait fécher les arrêtes, & on s’en fert pour faire du feu, ou
on les donne à manger aux beftiaux. Ils amalfent les foies à part, pour
en faire de l’huile. Lorfque les hommes fe font repofés & recréés en
buvant de l’eau-de-vie', ils portent les poiffons ainfi fendus dans des
endroits où il y a des rochers : là, ils leS étendent, & les laiffent jufquà
ce que le vent les ait tout-à-fait féchés ; ce qui arrive ordinairement dans
l’efpace de mois femaines ou un mois. Mais quand il fouffle un grand vent
du Nord, il ne faut que trois à quatre jours.
Dans les endroits où il n’y a point de rochers, & que le terrain eft un
peu fablonneux, ils font un lit de pierres, qu’ils affemblent les unes près
des autres; enfuite ils y mettent les poiffons tournés fur le côté intérieur,
afin que la chair foit à l’abri de la p lu ie , qui la gâte. On a f f e m b l é én .tas
les poiffons féchés de cette manière, & on les laiffe à l’air jufquà ce quon
trouve occafion de les vendre.
Le hoengefifck fe prépare de la même manière; mais avec la différence
qu’il a le dos coupé par derrière, qu’il eft fendu entièrement, & quon lui
fait une ouverture au côté pour paffer les perches dont on fe fert pour.les
fufpendre fur les cabanes de pierre. Comme les pierres de ces cabanes
font feulement pofées les unes fur les autres, l’air peut paffer librement
par les efpaces qu’elles laiffent libres entr’elles. Les cabanes font couvertes
d’un toit de planches ou de gazon, qui les met à l’abri de la pluie.
La préparation de ce poilfon chez les Norvégiens diffère de celle des
Islandois, en Ge-qu’i - l s a j o u t e n t du fi'li— Après leur avoir ôté la tête &
les avoir vidés, ils les mettent dans un grand tonneau garni de fel de
France; & huit jours après, ils les mettent par tas fur un gril, pour faire
écouler la faumure & le fang. Après cela, ils les frottent de fel dEfpagne;
puis, ils les preffent fortement dans un tonneau pour les vendre fous le
nom de laberdan; ou ils les font fécher fur les rochers, & ce font alors les
klippfifche. On fend les gros afin que le fel y pénètre mieux ; mais on
ouvre feulement le ventre aux petits. Les derniers fe nomment rondffche,
& les ; autres plattfifche. Ils les font auffi fécher fur des perches, & les
nomment rothfifche. Toutes ces efpèces font portées à Bergen, doù on les
envoie dans toutes les contrées de l’Europe. Les têtes fe mangent dans
le ménage, & dans les contrées où le fourage manque, on les donne aux
animaux
■animaux. Les hàbitans du Nord font fécher ces têtes fur le rivage, & les
mêlent enfuite avec des plantes mamies, qu’ils donnent à leurs beftiaux.
Les vaches qui mangent cette nourriture, donnent infiniment plus de lait
que celles qu’on nourrit de paille & de foin.
Comme la véficule aérienne de ce poilfon eft très-gluante, les Islandois
en font une colle qui approche beaucoup pour la qualité à la colle de
Ruflie. Ils la font de la manière fuivante ; Après avoir lailfé en tas
les épines du dos avec les■ véficules aériennes, qui y font attachées,
jufqu’à ce quelles foient près de fe corrompre, on les met fur un bloc,
& on bat les vertèbres, jufqu’à ce que les véficules fe détachent, auffi
bien que les bandes qui les attachent aux vertèbres, & qu’on appelle
poches.j Enfuite on coupe les véficules ; on les met fur une table ou un
bloc, fur lequel on a cloué une broffe rude, qui fert à nettoyer le couteau
dentelé dont on fe fert à gratter la première peau des véficules & des
bandes. Les véficules étant alors nettoyées, on les met pour un certain
tems dans de l’eau de chaux, afin d’en détacher entièrement les parties
graiffeufes qui pourraient y être reftées encore^ enfuite on les_rince dans
de l’eau claire; puis, on les fait fécher; après quoi, on peut s’en fervir
comme de l’autre colle de poilfon d). A Terre-Neuve, on a tâché de faire
la même chofe; mais comme on mànquoit de tems & de place pour toutes
ces préparations, on fale les véficules, & on. les garde pour l’occafion,
ou bien on les mange. Quand on veut en faire de la colle, il faut les
deffaler dans de l’eau. Les véficules les plus épaiffes font les plus propres
à cet ufage, quoique la colle qu’on en tire ne foit pas fi claire' que celle
des véficules minces. Les Norvégiens mangent la véficule aérienne fraîche,
ou la font fécher pour la vendre: ils la nomment funde-maver; c’eft-à-dire
Jlomacale, parce qu’ils croyent qu’elle eft faine pour l’eftomac. Outre cela,
à Terre-Neuve, on tire.encore parti de la langue; on la mange fraîche, ou
on la fale, & on l’emporte pour la manger comme un morceau délicat.
Les Norvégiens, les Islandois & les autres nations font de l’huile avec
le foie: car quand il eft parvenu à un certain degré de corruption, les
parties huileufes s’écoulent d’elles-mêmes peu à peu. On préfère cette
huile à celle de baleine, parce qu’elle conferve le cuir plus longtems
fouple, & que lorfqu’elle eft clarifiée'& qu’on la brûle, elle donne moins
de vapeur.
On raffemble avec foin les oeufs; on les fale, & on les met dans des
petits tonneaux, & on les vend aux Hollandois & aux François. Ces
a) Pliilofoph. Tranfaâ. ann. 1773.
Pan. II. a,,/ M m