le ventre blanc. Lès nageoires du dos & de la queue font parfemées de
jaune; celles du ventre & de l’anus font grifes, & celles de la poitrine
jaunes. Tous les rayons font mous & ramifiés. L’anus éft plus près de la
tête que de la queue.
Ce poiffon eft un habitant de l’Océan, où il fe tient entre le quarantième
& le foixante-fixième degré de la latitude feptentrionale. On le trouve
bien aufti à un plus haut degré, comme en Groenlande; mais il n’ÿ eft
pas défi bonne,qualité, & ne s’y trouve qu’en pdtit nombre. On le trouve
en très-grande quantité près de Terre-Neuve, du Cap Breton, de la
Nouvelle-Écolfe, de la Nouvelle-Angleterre, furies côtes de la Norvège
& de l’Islande; de même que vers le banc de Dogger & dans les environs
des îles Orcades.
La morue eft pour plufieurs nations, une branche confidérable de
nourriture & de commerce: elle eft fur-tout une grande fource de richeffes
pour les Anglois. Elle nourrit les Islandois, rapporte par an aux Norvégiens
quelques tonnes d’or, & Occupe une grande quantité de marins Anglois,
Hollandois & François, comme nous le verrons dans la fuite.
La morue devient ordinairement longue de deux à trois pieds, & pèfe
quatorze à vingt livres: cependant on en trouve de beaucoup plus greffes.
Il n’y a pas longtems qu’on en a pris une en Angleterre, longue de cinq
pieds huit pouces, qui avoit cinq pieds de circonférence à la partie la
plus greffe du corps, & qui pefoit foixante & dix-huit livres a). Elle habite
ordinairement les profondeurs de la pleine mer, & vient fur les bancs &
vers les côtes dans le tems du frai. Elle fe nourrit d’écréviffes, de polypes,
de harengs & d’autres efpèces de poiffons, & elle eft fi avide, qu’elle
n’épargne pas même fes propres petits. Elle a comme les oifeaux de
proie, la faculté de rejetter par le vomiffement les corps qu’elle ne fauroit
digérer. Selon Anderfon, fon eftomac digère avec tant de célérité, que
les pêcheurs de Heiligeland ont trouvé qu’au bout de fix heures, les
aigrefins qu’ils leur avoient donnés pour appât, étaient digérés dans leur
eftomac ¿). Le tems du frai eft différent comme dans les autres poiffons,
fuivantleur âge, le plus ou moins de froideur du fond qu’ils habitent, la
nature de l’air & la température des faifons. En Angleterre, elles fraient
ordinairement au mois de Janvier, & paroiffent alors vers les côtes jufqu’au
mois fuivant; enfuite elles difparoiffent, & il en vient à la place de plus
petites, qui fraient jufqu’à la fin d’Avril ; car on leur trouve des oeufs
jufqu’à ce tems. En Islande, elles ne paroiffent qu’au mois de Février, &
au
a) Penn. B. Z. III. p. 17g. b) Nachr. von Island. p. 85.
au banc de Terre-Neuve, en Avril. Elles dépofent leurs oeufs dans les
fonds inégaux, entre les pierres. La pêche à l’hameçon dans la mer,
pendant le tems du frai, a un fuccès tout différent que celle des eaux
douces avec des filets & des naffes. Là, l’ardeur de l’amour les fait aller
lans crainte dans les pièges qu’on leur a tendus; &c ceft par confëquent
le tems le plus favorable pour les pêcheurs; au lieu que ce même amour
les empêche de manger; & comme elles ne peuvent être attirées par
l’appât, on n’en prend pas un grand nombre de cette manière. Mais
après ce tems, la faim les oblige â fe jetter avec 'd’autant plus d’ardeur
fur la nourriture, & elles mordent alors â tous les corps brillants, comme
crochets, pierres, &c: & dans ce tems, on trouve ces chofes dans leur
eftomac. Par cette raifon, les Islandois fe fervent avec fuccès, pour appât
des morceaux de coquillages & des fauffes perles. Les lignes ne pendent
du bateau que de fept à huit braffes. Il y a dans chaque bateau deux
pêcheurs, dont l’un rame & l’autre épie quand un poiffon a mordu. De
cette manière, on remplit fouvent le bateau deux à trois fois par jour.
Comme ce poiffon ne mord pas beaucoup pendant le tems du frai, les
Norvégiens & les autres nations, jettent dans'Iësëndroits où il y en a
une grande quantité de raffemblés, des hameçons à trois crochets; & il
arrive fouvent qu’ils en tirent un ou plufieurs qui s’y trouvent pris. Depuis
quelque tems, on fe fert fur quelques côtes de Norvège, de filets à pointes.
Ils font ordinairement de vingt braffes de long & d’une de haut. Les mailles
ont trois pouces en quarré, & on les laiffe tomber dans une profondeur
de foixante & dix braffes. Un bateau monté de fix hommes, porte dans
un tems orageux, dix-huit filets de cette efpèce, & vingt-quarte par le
calme. Cependant il arrive affez fouvent qu’il s’en perd quelques-uns,
parce qu’ils font entraînés par les tempêtes ou par les gros animaux
marins. On tend ces filets le foir, & on l e s lève l e matin ordinairement
avec une proie de trois à cinq cents poiffons, Quelqu’avantageufe que
parût cette pêche dans les commencemens, on s’apperçut bientôt qu’elle
étoit réellement très - défavantageufe : car les poiffons ont entièrement
quitté les endroits où on les a péchés ainfi; & les habitans de plufieurs
côtes, les ont perdus. Telle eft, par exemple, la paroiffe de Roeden
près de Trænen; il y avoit autrefois une pêche fi confidérable, qu’on y
venoit de plufieurs contrées du Nord, & qu’un bateau monté de quatre
hommes, rapportait quarte à fix mille poiffons ; au lieu qu’à préfent un
pareil bateau en rapporte à peine fix à fept cents a). . La raifon de cette
diminution vient fans doute de ce que les poiffons font interrompus dans
a) Schwed. Abhandl. Tom. XXXII. p. 197. 303.
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