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de la bouche eft petite, & la mâchoire fupérieure avance un peu fur
l’inférieure. Les yeux, qui font près du fommet, font grands, & ont une
prunelle bleue, entourée d’un iris argentin. L’ouverture des ouïes eft
large, &la membrane étroite. Le tronc, qui eft large par devant, devient
étroit vers l’extrémité de la queue; il eft rond au dos & à la queue. Le
premier a par devant un fillon deftiné à recevoir & à cacher la nageoire
dorfale lorfque le poiffon la retire. La ligne latérale eft parallèle au dos;
elle s’en éloigne cependant vers la queue, dans le milieu de laquelle elle
fe perd. Le corps eft rouge, & les raies, qui font d’un jaune d’or, paffent
dès que les écailles tombent, parce qu’elles ne font que fur la fuperficie
de ces écailles. Mais cette couleur rouge, qui fe voit à travers les écailles
tranfparentes, paroît plus belle encore lorfque ces écailles font tombées.
A la Chine, ce poiffon a le corps rouge, blanc & bleu, & la tête eft en
partie d’un beau rouge a). Toutes les nageoires font jaunes, & les rayons
tirent fur le rouge, excepté celles du dos. Les rayons de la nageoire
antérieure du dos font durs & fimples; les autres font mous & ramifiés.
Nous trouvons ce poiffon dans la mer du Nord, dans la Baltique, la
mer Méditerranée, aux Antilles & à la Chine b ) ; mais de différente
groffeur. Dans la Baltique, il eft rarement plus long que la main c );
dans la mer du Nord, il a quatorze pouces; & félon Pline, dans la
Méditerranée, qui eft particulièrement fa patrie, on en trouve de tems en
tems d’un pied de long d ). juvenal fait mention d’un poiffon de cette
eipèce qui pefoit fix üvres e); & comme il le nomme un monjlre, il faut
que celui de la mer Rouge, dont parle Pline, qui pefoit quatre-vingt
livres f ) , ait été un autre poiffon.
Ce furmulet a, outre fes belles couleurs, la chair blanche, ferme &
feuilletée, qui lorfqu’eile n’eft pas trop graffe, fournit une nourriture facile
à digérer. Les Grecs & les Romains en faifoient un très-grand cas. Ceux
qui le pêchoient, aimoient mieux en faire de l’argent que de le manger;
ce qui eft exprimé par un proverbe encore ufité aujourd’hui en Italie :
Une mange pas ce qu’il prend g). Ce que Ait Juvenal de çe poiffon, prouve
à quel excès la prodigalité étoit montée chez les Romains. On donnoit
pour un de ces poiffons fon pefant d’argent. Galien demandant un jour à
quelqu’un pourquoi il achetoit fi cher un poiffon, dont la chair étoit
indigefte. C’eft, lui répondit l’autre, à caufe de deux bons morceaux, le
foie
a ) Le Brun. Voyage Tom.II. p. 344. e) Mullumfix millibus emit
b) Plumier y Manufcr. Æqüantcm fane paribus fiftertia libris. Sat. IV.
c ) Schonev. Ichth. p. 74. f i j Lib. 9. cap. 18-
d) N. H. lib. 9. c. 11 . g ) Non mangia la triglia» chi la piglia.
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foie & la tête a \ Le poète reproche donc avec raifon, à Calliodore,
d’avoir dépenfé pour quatre furmulets 1200 fefterces en un feul foupé b).
Selon Sénèque, l’empereur Tibère &t vendre un de ces poiffons, qui pefoit
quatre livres, & dont on lui avoit fait préfent : Octave ne crut pas le
payer trop cher en en donnant 5000 fefterces c). Pline affure, que le
conful Celer en paya un gooo fefterces d); & félon Suétone, fous le même
Empereur, on vendit trois de ces poiffons 30,000 fefterces e).
Il faut attribuer le cas qu’en faifoient les Romains, non feulement à fa
chah- délicatejimais auffi à la belle couleur dont il brille : car félon
Varron, on le gardoit dans les viviers comme un ornement / ) . Cicéron
reproche à fes compatriotes, qu’ils fe croyoient au-deffus de tout, quand
ils pouvoient montrer les furmulets qu’ils confervoient dans leurs viviers g).
Ce n’eft pas tout; félon Sénèque,_ dans leurs repas, ils faifoient mourir ces
poiffons dans leurs mains, afin de fe divertir en voyant la diverfité des
couleurs qui fe fuccédoient fur le poiffon à mefure qu’il expiroit A).. Les
Grecs l’avoient confacré à. Diane; & cela, félon P lutarque, parce qu’il
pourfuit & tue le loup de mer, qui eft le plus grand ennemi des hommes z).
Le furmulet eft du nombre des Tpôïffons “voraces. Selon Ælien, il
mange fout ce qu’il rencontre, & il aime fur-tout la chair des hommes
& des animaux A). Ordinairement, il vit de petits poiffons, d’écréviffes
& de coquillages. Selon Pline, les coquillages lui donnent une odeur
défagréable /); & félon Galien, il a une odeur défagréable lorfqu’il s’eft
nourri d’écréviffes m). En général, ce médecin paroît n’avoir pas aimé
notre poiffon; car il affure qu’il n’a pas un fort bon goût, & que la chair
des gros eft .dure & difficile à digérer. Arijlote au contraire, affure que fa
chair eft délicate, fur-tout en automne n).
Les furmulets font auffi du nombre des poiffons qui s’affemblent en
troupes. Au printems, ils fortent du fond de la mer, & vont dépofer leurs
a) De Alim. faeùlt. Claff. IL p. 29. manum accédant. Epift. ad Attic. 1. a. parad. 16.
b) Addixti firvum nummis here mille ducentis. h) Quanto incredibiliora firnt opera luxuriae,
Ut benecaenarcs, Calliodore, fiemel: quoties naturam aut mentitur, aut vinciti Incubili
Nec bene caenajli, Mullus tibi quatuor emptus. notant pifies & fub ipja menfa capitur, qui ftatim
Voy. Aldrov. de Pifc. p. 118- transferatur in menfam. Parum videtur recens mulç'
5' Epift. '96. • lus, nifi qui in convivae manu moritur. Vitreis ollis
d) Liti 9. cap. 17. inclufi qfferuntur & obfirvatur morentium color,
c ) Cette fomme revient à mille ¿eus d’Empire, quemin multosmutationesmorsluclantefpirituvertit.
ou à peu près quatre mille livres de France. Selon
le calcul ÜArbutnot, Cumberland, Greaves &’ de
Hooperf un fefterce yalloit, fous l’empereur Tibère,
9-fpfén. argent d’Allemagne.
fi ) De re ruftica. lib. 3. c. 17.
g ) Nojlri autem principes digito f i coelum putant
attingere, f i Mulli barbati in pifiinis funt, qui ad
Part. I I .
Seneca. Quaefi. nat. 1. 3. c. i j .
i ) Salv. Aquat. p. 235.
k) Lib. ia . cap. a i.
— nm)
De Alim. Clafl! II. p. a9.
n) Lib. 9. cap. 37.
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