de boucliers, j’ai trouvé à la queue une peau avancée & pliffée. La ligne
latérale va en haut le long des boucliers : elle eft inégale & plus près du
dos que du ventre. Les nageoires font jaunâtres ; celles du ventre font
compofées d’un aiguillon fort & dentelé des deux côtés, & d’un rayon
court & mou. Ces aiguillons font très-pointus & très-durs, & tellement
enfoncés dans les os, que fi, même après la mort du poiifon, on veut
leur donner une direétion droite, on ne peut leur faire .reprendre qu’avec
peine leur direétion précédente. Si le Créateur n’avoit pas pourvu de
telles armes ce petit poiifon foible, qui vit peu de teins, & qui, relativement
aux autres poiffons, n’a pas un oeuf fur mille, l’eipèce feroit bientôt finie.
A la nageoire du dos & de l’anus, le premier rayon eft un aiguillon. La
nageoire de la queue eft droite.
Nous trouvons ce poiffon dans toutes les eaux vives & dormantes. Il
devient long d’ehviron trois pouces, fraie en Avril & en Juin, & dépofe
fon frai fur les plantes aquatiques; on en trouve fur-tout fur lés tiges du
nénuphar jaune & blanc a'). Dans ce tems, il multiplie beaucoup, au
grand regret des pêcheurs; & quand il fe trouve une fois dans un endroit,'
on a de la peine à le détruire. Dans le tems du frai, il fort des lacs,
pour remonter dans les fleuves qui y font joints.
L’épinoche vit d’oeufs & de petits poiffons des autres efpèces; elle
mange auffi des vers & des infeétes; mais fur-tout des demoifelles. Quoique
ce poiffon foit très-petit, il ne devient pas aifément la proie dès efpèces
voraces, qui redoutent fes aiguillons ; mais il a beaucoup à craindre des
vers qui percent les inteftins. Car félon les obfervatîons d e Frifch ¿ ) , de
Linné c ), de Mr. d’Annone d~) & de Pallas e ), il eft tourmenté par le
ver folitaire; & félon Mr. Fabricius J~), par plufieurs autres efpèces de
vers. Le dommage que ce poiffon fait à la pêche, eft caufe qu’on le jette:
il n’y a que le peuple qui en faffe ufage à caufe des oeufs. Dans les
endroits où il y en a beaucoup, les économes s’en fervent pour fumer leurs
terres. Près de Danzig, où il y en a une grande quantité, on s’en fert
pour faire de l’huile g). On peut s’en fervir encore plus utilement, en y
joignant de la glaife, pour en grailler les jeunes canards A), & pour
nourrir les porcs i). Quoique ce poiffon foit de fi peu de valeur, il eft
cependant intéreffant pour l’obfervateur : il eft dans les poiffons ce que
les éphémères font dans les infeétes. Pendant que les autres poiffons
a) Nymphæa lutea & alba. f") Faun. Groenl. p. 170. .
A) Mifc. Berolin. Tom. VI. g ) Klein. Mi iE Pifc. IV. p. 7g.
c ) Aus dem Schwedifchen. p. a6%. A) Doebels, Jägerb. Tom. IV. p. 86.
d) Ada Helv. tab. 17. i ) Birckh. Fifche. p. 20»
e ) Neue nordifche Beiträge. Tom. I. p. 78.
vivent des fiècles, celui-là termine fa carrière à la feconde ou à la troifième
année après fa naiffance ; & pendant que les autres pondent plufieurs
milliers d’oeufs, il n’en pond que fort peu.
L’eftomac de ce poiffon eft grand, & le canal inteftinal court, commé
dans les autres efpèces voraces. Le foie eonfifte en trois lobes. La véficule
du fiel eft petite. La laite & l’ovaire font doubles. Le péritoine eft garni
de petits points blancs & noirs, & les- oeufs, que je ne trouvai qu’au
nombre de cent trente dans les deux ovaires, font de la groffeur de la
graine de millet. On trouve quinze côtes de chaque côté, & trente
vertèbres à l’épine du dos.
Ce poiffon eft connu fous différens noms. On le nomme :
Stichling, Stacheljifch & JFolf, Hornjille, en Islande,
dans nos contrées. ' Steckelbaars ^ en Hollandè.
Stechbilttel, Stechling, en Pruffe. ' Stickleback, Bandjlicle, Scarpling,
Stikling, Jrlornjille, Lille, Find, en Angleterre.
Oure, Hundjligler, Hundjlage, en ' Hunde - Steyle, Gund - Stickel,
Norwège. Hund-Stigel, Tind Oret, en Dan-
Skittjpigg, Skittboer den Stoerre, nemarc.
en Suède. Epinoche, Efcharde, Epinarde,
Kakilifak, en Groenlande. en France.
Bellon, comme nous l’avons dit, eft le premier qui ait décrit ce
poiffon à), & Rondelet le premier qui en ait donné un deffin affez mauvais F),
Les ichtyologiftes fuivans fe font contentés de lé copier.
Klein nous en a dédommagé par deux meilleurs c). Mais il ie trompe,
en donnant l’un comme une variété à caufe des deux aiguillons. Peut-être
que dans fa première efpèce, le troifième rayon étoit placé à la nageoire
du dos, & qu’il ne l’a pas remarqué.
a) Aquat. p. 327.
A) Hift. des PoiiT P. II. p. 150*
c) MifE Pifc. IV. tab. 13. fig. 4. 5.