Plufieurs bolTes fmiifant en pointes, les piquants & les OS des joues,
donnent à ce poiffon une forme polygone & un afpeét affreux. Deux
de ces piquants font placés devant les yeux: ils font mobiles; mais il y
en a trois ou quatre de chaque côté qui font immobiles. L’ouverture
de la bouche eft très - grande. Les mâchoires, que le poilfon peut
avancer & reculer à fon gré, font armées, aulîi bien que le palais,
d’une quantité de dents pointues. Les os des joues font fort larges. La
langue eft courte, épaiffè & dure. On voit.au palais deux os longs,
rudes en forme de lime. Les narines font limples, petites & placées à
peu de diftance des yeux. Les yeux font placés au fommet de la tête;
ils font grands, en lofange, & ont la prunelle noire, entourée d’un iris
d’un blanc jaune. Les os des orbites avancent beaucoup par en haut,
& forment un lïllon qui va jufqu’au dos. Les. joues font applaties;
l’opercule des ouïes conlifte en deux lames ; l’ouverture des ouïes eft
large, & leur membrane eft garnie de larges rayons qfleux. Le fond
de la tête & du dos font d’un brun non, interrompu par plufieurs points
& taches noires. Le corps s’amincit en allant vers la queue, & au lieu
d’écailles, il eft couvert de petits boucliers pointus, qui le rendent
rade au toucher : les boucliers ou vernies font moins confidérables chez
les femelles que chez les mâles ; ce qui fait qu’on les touche beaucoup
plus aifément. Les côtés font applatis; ils font bruns au-deffus de la ligne
latérale, & d’un blanc marbré au-delfous. Cette ligne eft droite & plus
près du dos que'du ventre. Le ventre eft gros, large, blanc dans les
femelles, jaune dans les mâles avec des taches blanches. Selon M. Tonning,
ces derniers doivent avoir le ventre fi jaune , qu’il brille comme de l’or à).
Dans les mâles, les nageoires de la poitrine font auiïï plus grandes que
dans les femelles; de forte qu’on peut diftinguer aifément les deux fexes
dès la première vue. L’anus eft fitué au milieu du ventre. Les rayons
des nageoires de la poitrine font mous aux extrémités & d’un jaune
d’orange. Les nageoires du ventre font longues ; celle de la queue eft
ronde: elles font toutes à raies blanches & noires dans les femellésf
mais dans les mâles les nageoires du ventre font d’un rouge incarnat
& tachetées de blanc. Les rayons font limples, excepté ceux de la queue
qui font fourchus.
On trouve ce poilfon dans la Baltique, dans les mers du Nord &
de l’Amérique, fur-tout fur les côtes de Groenlande, fur celles de
Neufoundland & de Sibérie. Il s’y tient ordinairement en quantité dans
les fonds, & ne vient en haut que lorfqu’il eft prelfé par la faim &
<z) Schrift, der Dronth. Gefell. Tom. z. p. 313.
qu’il cherche fa proie. Celui dont je donne ici le deflin, m’a été envoyé
par Mr. Goeden de Rügenwalde fous le nom de ftanurre ou kurrhani
dénominations tirées du bruit qu’il fait quand on le prelfe dans la main.
Cet habile obfervateur m’apprit en même tems, qu’alors il ouvroit la bouche
jufqu’à la déchirer, qu’il étendoit fes nageoires, & faifoit dans la main un
mouvement tremblant. Le fcorpion de mer nage très-promptement; ce
qu’il fait fur-tout par le moyen de fes grandes nageoires peétorales. Dans
nos contrées, il n’a guère plus d’un pied de long; mais en Norwège, on
en trouve qui ont deux bralfes c).
On ne mange pas ce poilfon dans nos contrées; on le donne aux
cochons : peut - être par un préjugé qui fait croire qu’il eft vénimeux.
Cette opinion vient fans doute de ce que la piquure de ces pointes a
été dangereufe dans certains cas (f), En Dannemarc, où il palfe pour
indigefte, il n’y a que les pauvres qui le mangent : cependant on croit en
même tems que fa chair eft un remède efficace contre les maladies de la
veffie urinaire e). En Norwège, on ne fait ufage que du. foie f ) , avec
lequel on fait de l’huile. Les Groenlandois au contraire, le trouvent fort
bon, & le donnent à leurs malades comme une nourriture très-faine. On
le mange chez eux bouilli, fec, & quelques-uns le mangent même cru:
ils fe nourrilfent aulfi de fes oeufs g). On voit par-là combien les goûts &
les. préjugés des nations font fouvent contraires & contradiétoires.
En Eté, ce poilfon cherche les côtes; mais en hiver, il s’enfonce dans
les profondeurs de la mer. Il eft vif & hardi ; mais fa voracité, le rend
imprudent; ce qui fait qu’on le prend aifément à la ligne. Il eft fort rapace
& fait s’empaler même des poiffons qui font plus gros que lui. Il pourfuit
fur-tout les perce-pierres A ) , les petits faumons & les harengs. En
général, il n’épargne aucun poilfon, & mange aulfi l’écrévilfe maillée.
On le prend aifément avec le dorfe & les autres poiffons de mer, parce
qu’il les pourfuit jufque dans les filets. Il fraie en Décembre & Janvier,
& dépofe fes oeufs parmi l’alge i ).
L’éfophage eft large & garni de plufieurs plis ; l’eftomac eft long, &
le canal inteftinal ne commence pas en bas, mais au milieu; il n’a qu’une
finuofité. On trouve quarte appendices au commencement de ce canal,
& j’y ai trouvé le ver nommé l'échine A). Le foie eft grand, & conlifte en
c) Pontopp. Norw. Tom. II. p. 301.
d) Schonev• Ichth. p. 67.
e) Pontopp. Dæn. p. 137.
f ) Pontopp. Norw. Tom. II. p. 310.
g) Ott. Fabric. Faun. Groenl. p. 157.
h) Blennius. L.
iy Fucus. L.
ky Voyez ma Diilèrtation fur les vers des in-
teftins, p. 17.