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qui seule a deux pieds de longueur lorsqu'elle a acquis tout le développement
dont elle est susceptible. A la vérité, divers obstacles s'opposent
d'ordinaire à ce développement. Dans l'état de nature, ces oiseaux,
qui aiment à se percher sur les branches des arbres, endommagent
par le frottement les belles plumes de leur queue, et les empêchent
tout à la fois d'atteindre à leur longueur et de conserver leur lustre.
Dans l'état de domesticité, les causes d'altération deviennent encore
plus sensibles. On sait qu'un oiseau en captivité perd toujours quelque
chose de son éclat, et que son plumage n'y acquiert jamais son entier
développement : voilà pourquoi il est si rare de voir dans nos collections
la queue de l'Ara macao dans ses dimensions véritables. Nonseulement
elle varie par la longueur, mais souvent elle varie aussi par
la couleur. Il est des Aras macao dont la queue est entièrement bleue,
d'autres qui l'ont rouge et terminée de bleu ; tellement qu'il est rare
de trouver deux individus de cette espèce qui soient entièrement
semblables.
Il faut convenir que la nature a prodigué aux grandes espèces d'Aras
tout ce qui peut frapper et éblouir les yeux. Ces oiseaux sont sans
contredit de tous les Perroquets les plus magnifiquement parés. Les
plus brillantes couleurs ornent leur plumage. On y admire tout à la
fois le bleu d'azur le plus éclatant, le rouge du vermillon, le jaune
d'or, et le plus beau vert. Peut-on savoir mauvais gré aux Aras d'être
un peu fiers de ces avantages, et de marquer par un air un peu
dédaigneux qu'ils sont ravis eux-mêmes de leur parure? A leur place
bien des hommes auraient encore plus d'orgueil, et beaucoup de
graves personnages ont montré qu'à cet égard ils n'étoient pas plus
raisonnables que les Aras.
Tout le plumage de l'Ara macao est d'un rouge foncé, approchant
du cramoisi, tant sur la tête, le cou et le dessous du corps, que sur
les jambes et les petites couvertures supérieures et inférieures des
ailes. Les moyennes sont en partie tachées de vert à leur pointe, et
d'autres sont entièrement de cette couleur. Les plus grandes et les
scapulaires, ainsi que les dernières pennes de l'aile, sont d'un bleu
nuancé de vert, tandis que les grandes pennes sont d'un beau bleu
d'azur, nuancé de violet
Si des ailes les regards se portent sur la queue, qui est très-étagée,
on voit que ses couvertures supérieures sont d'un bleu d'outre-mer,
et les inférieures, d'un bleu moins vif, nuancé de rouge et d'un vert
obscur. La queue est composée de douze pennes : les trois premières
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de chaque côté sont bleues; la suivante est bleue à sa naissance, et
rouge vers la pointe; les quatre du milieu sont ordinairement en entier
d'un beau rouge cramoisi, mais dans l'individu que j'ai fail peindre
elles sont eu partie bleues, comme on le voit dans la gravure coloriée
que j e publie. Le dessous des pennes des ailes et de la queue est d'un
rouge brun, que Buuon appelle rouge de cuivre, et Brisson, couleur
de rose.
La mandibule supérieure du bec est blanche, suivant Linné, et
noirâtre, suivant Buffon. L'expression du premier n'est pas tout-à-fait
exacte, non plus que celle du second. La mandibule supérieure du
bec est en grande partie d'un blanc sale, mais brunâtre à la pointe
et noire à sa base. L'inférieure est entièrement d'un noir de corne.
Les joues sont couvertes d'une peau membraneuse, blanche et nue,
sur laquelle on remarque quelques rangées de petites plumes rouges,
distribuées en pinceaux. Celle membrane couvre non-seulement les
joues, mais embrasse la mandibule inférieure, et forme de plus une
petite bande étroite, qui sépare les plumes du front de la mandibule
supérieure. Les veux sont jaunes; les ongles d'un noir de corne, ainsi
que les écailles des doigts et du tarse par devant ; mais toutes ces
écailles, très-petites, ne se joignant pas les unes aux autres, laissent
apercevoir entr'eUcs la peau, qui est blanche, surtout lorsque l'oiseau
est vivant
Autrefois l'Ara macao éloit fort commun dans les Antilles; mai-;
à mesure que ces îles se sont peuplées, les Aras ont été recherchés
comme objet de curiosité, ou même comme aliment, cl dès-lors ces
oiseaux ont dû se retirer dans les endroits les moins fréquentés et
s'envoler vers la terre ferme.
Est-il vrai, comme le prétend Dutertrc, que l'Ara macao, pressé
par la faim, mange le fruit du mancenillier, qui, comme l'on sait, est
un poison pour l'homme, et vraisemblablement pour la plupart des
animaux? Ce fait, qui n'est rapporté que sur un ouï-dire, nous paroît
devoir être relégué au rang de ces fables dont les anciens, amis du
merveilleux, remplirent si long-temps les livres d'histoire naturelle,
et dont une sage critique doit les purger aujourd'hui.
Par suite de cet amour du merveilleux, Aldrovande, sur la loi
des premières relations de l'Amérique, a peint les Aras comme
naturellement amis de l'homme, s'approchant sans crainte des cases
des Indiens, et montrant pour eux beaucoup d'affection. Cette sécurité
dans ces oiseaux n e toit pas l'effet d'un instincl plus étendu, mais d'un