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celle manière, varier à l'infini le plumage des oiseaux, et c'est là ce
qu'on s'est permis trop souvent pour le malheur de la science.
On peut voir au Muséum d'histoire naturelle de Paris tous les
anciens oiseaux de cette collection , décolorés par les fumigations
sulfureuses auxquelles on les soumettoit autrefois pour les garantir des
insectes, et dont heureusement on ne fait plus usage aujourd'hui. Ces
fumigations produisent un effet singulier sur les couleurs brillantes
des colibris et des oiseaux-mouches : la fumée du soufre leur donne
l'éclat métallique de l'or. Mais il ne faut pas trop répéter cette expérience
, si l'on veut conserver les plumes de ces oiseaux, que des
fumigations réitérées finissent par charbonner et corroder.
Au reste, comme les essences produisent à peu près les mêmes
effets, il est presque impossible de voir ces brillans oiseaux dans leur
parure naturelle. De là des variations, des contradictions éternelles,
parmi ceux qui décrivent le même oiseau ; de là aussi une perfide
facilité de multiplier les descriptions fautives et de décrire des espèces
qui n'existent pas.
D'après toutes nos recherches, nous ne voyons absolument que six
espèces bien distinctes d'Aras qui nous soient connues et qui appartiennent
au nouveau continent. Il est cependant probable (pie dans
une aussi vaste étendue de pays, où les Européens n'ont pu pénétrer
encore, il existe d'autres Perroquets de ce genre ; mais je me suis
fait une loi de ne décrire que les espèces que j'ai vues, et dont par
conséquent l'existence ne peut être douteuse, évitant de copier dans
les autres naturalistes les Perroquets suspects, qui ne sont encore
connus que par ouï-dire.
Delaet a fait mention, dans sa Description des Indes orientales,
d'un Ara noir de la Guiane, dont le plumage a des reflets verts, et
qui a le bec rouge et les pieds jaunes. Il habile, d i t - i l , les terres
incultes, et se tient sur les montagnes stériles. Cette description
convient à YAni ou Bout de Petun, qu'un ornithologiste aussi peu
exercé que Delaet a bien pu prendre pour un Ara. Il a, en cflét,
les joues nues, quatre doigts, dont deux devant et deux derrière,
et de plus la mandibule supérieure surmontée d'une crête qui lui
donne l'apparence d'un bec de Perroquet; mais les Perroquets, qui
se nourrissent de fruits, ne se retirent pas sur les rochers, sur les
terres incultes. Quant aux pieds jaunes et au bec rouge que l'on
prête à ce prétendu Ara noir, on peut avoir peint ces parties dans
l'individu qu'aura vu Delaet, comme cela n'arrive que trop souvent
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dans tous les cabinets où les préparateurs ont la mauvaise habitude de
colorer, sans aucune raison, toutes les parties dénuées de plumes. 1
Rien n'est donc moins certain que l'existence de cet Ara noir, à reflet
vert, dont tous les méthodistes ont fait mention d'après Delaet, et
qu'aucun d'eux n'a vu en nature.
Il en est peut - être de même d'un Ara africain, dont parle
Hasselquitz ; que Gmelin et Lathan ont décrit sous le nom A'Ara
obscur (Psitaccus obscurus), et que ni l'un ni l'autre n'ont vu. Je n'ai
jamais rencontré d'Ara dans les diverses parties de l'Afrique que j'ai
parcourues, et je n'en ai vu dans aucun cabinet qui fût originaire de
ces contrées.
JJAra varie' des Moluques, rapporté par Brisson d'après Seba, n'est
point un Ara. Il n'a aucun des caractères qui constituent ce genre. a
Au reste, toutes les descriptions de ce compilateur sont tellement
fautives, et les figures d'oiseaux qu'il a publiées sont si mauvaises,
qu'il est impossible de les consulter sans danger.
( i ) Je puis même citer à cet égard les planches enluminées de Bufïbn, où, dans la figure
du grand Bout de Petun, on a peint en rouge la partie nue de la joue de cet oiseau, tandis
qu'il l'a noire dans son état naturel.
(a) Voyez Seba, vol. i", page 63, pl. 38, fig. 4. Cette figure représente un Lori, et non
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