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 J'ai «lii plus  Iiaul  que  le bout  de la  trompe  est forme  d'une  substance  
 solide, et  qu'il  n'est  susceptible  d'aucun  mouvement  qui lui soil propre.  
 Ce  qui  m'en a  persuadé,  c'est  que j'ai  vu  plusieurs Ibis la  portion  de  
 nourriture  qui s'y  étoit  engagée  s'en  détacher  avant  que la  trompe;  ne  
 fut  rentrée  dans  le  bec. II  m'a  paru  que, si  l'oiseau  avoit  eu la  faculté  
 d'ouvrir  et  de  comprimer  celte  partie  de sa  trompe, il auroit saisi  les  
 corps  plus  adroitement,  sans  être  obligé d'appuyer à plusieurs  reprises  
 sur  les morceaux, pour  en  enlever  machinalement  quelqu'un  au  moyen  
 du  vide  pratiqué à  son  extrémité.  
 J'ai  observé  aussi  quelquefois  que  le  morceau  qui  setoit  engagé  au  
 bout  de la  trompe, se  détachant  tout  seul,  avant  qu'il  ne  le fut  par  
 le  contact  de la  petite  saillie  du  palais,  tomboit  dans  le  bec;  ce  qui  
 obligeoit  l'oiseau  de  baisser  soudain la  tète  et  de la  secouer,  pour  le  
 faire  retomber  par  terre  et  le  reprendre  ensuite à la  manière  accoutumée. 
   Cette  observation  m'a  prouvé  que la  trompe  ne  peut  tenir  lieu  
 de  langue à  cet  oiseau,  ni  en  faire l'office.  
 Elle  ne  peut  non  plus  lui  servir à  modifier  sa  voix.  Tous  les  sons  
 qu'il  émet  partent  directement  du  gosier,  ce  qui  les  rend  monotones  
 et  désagréables.  L'oiseau  ne  pousse  de  temps à  autre  qu'un  
 croassement  rauque,  que  nous  pouvons  imiter  facilement  en  ouvrant  
 fortement la  bouche,  et  prononçant  de la  gorge  le  mot ghrrda.  
 J'ai  tenté  vainement  pendant  deux  mois  de  faire  articuler à  un  de  
 ces Aras à  trompe  quelques  mots  faciles, comme Ara, oui,Jaco,  etc.;  
 il  n'a jamais  paru  porter la  moindre  attention à  mes  leçons.  Différent  
 en  cela  des  autres  Perroquets,  qui  tous  marquent  plus  ou  moins  de  
 satisfaction  quand  on  leur  parle,  ou  môme  quand  on  les  regarde,  
 celui-ci  est grave,  dédaigneux,  et  semble  se  soucier  peu  d'être  caressé.  
 Tous  ceux  de  ces  Aras  que  j'ai  vus  n'ont  donné à  leur  maître  aucune  
 marque  d'attachement  ni  de  prédilection.  
 Une  très-grosse  tête,  surmontée  d'une  belle  huppe  mobile,  et  
 armée  d'un  bec  formidable,  qui  est  toujours  ouvert;  un  corps  massif  
 et  des  mouvemens  lourds;  une  trompe  qu'on  voit  toujours  en  mouvement, 
   soit  qu'elle  porte  ou  non la  nourriture;  tous  ces  caractères  
 réunis  donnent à  ces oiseaux  une  physionomie  étrangère,  qui  contraste  
 non-seulement  avec  celle  de  tous  les  autres  Aras,  mais  encore  avec  
 celle  de  tous  les  Perrouuets  connus.  
 Un  autre  caractère  qui  leur  est  propre,  c'est  d'avoir  une  partie  de  
 la jambe  dénuée  de  plumes,  comme  les  oiseaux  de  rivage.  Du  reste,  
 ils  ont  les  doigts  posés  deux  par  devant  et  deux  par  derrière,  comme  
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 tous  les  scansores  ou  grimpeurs.  Leur  tarse  est  très-court  et  plat à la  
 partie  postérieure.  Ils  s'appuient  aussi  sur  celte  partie  en  marchant.  
 Comme  tous  les  oiseaux  du  même  ordre, ils  s'aident  de  leur  bec  
 pour  grimper;  mais  je  ne  les ai  jamais  vus se  servir  de  leurs  pieds  
 pour  saisir  les  objets  et  les  porter à  leur  bec.  
 J'ai  eu  le  plaisir  de  voir  deux  de ces  oiseaux  au  Cap  de  Bonne- 
 Espérance,  où ils  furent  apportés  vivans  par  un  conseiller  de Batavia.  
 L'un  étoit  gris,  et  l'autre  noir.  J'en ai  vu  un  autre,  gris,  également  
 vivant,  chez  mon  ami, M.  Temminck;  et enfin  un  quatrième,  noir,  
 chez M. Bcers,  bailli  d'IIuserswonde,  chez  qui  je  suis  resté  fort longtemps, 
   dans la  vue  d'observer  avec  plus  de  soin  une  espèce si  remarquable. 
   J'aurois  vivement  désiré  que  M. Beers fit  le sacrifice  de  son  
 Ara  aux  progrès  de la  science,  et  qu'il  me  permît  d'en  examiner  les  
 parties  intérieures,  qui  dévoient  nécessairement offrir  une  organisation  
 particulière;  mais il  me fut  impossible  de  l'obtenir.  Plusieurs fois j'ai  
 essayé  de  saisir la  trompe  de  cet  oiseau,  pour  observer  de  plus  près  
 sa  structure,  en  lui  tenant  le  bec  ouvert;  mais il  avoit  une si  grande  
 force  dans  celte  partie,  qu'il  n'eût  pas  été sage à moi  de  pousser  trop  
 loin  mon  indiscrétion,  et  de  vouloir  m'inslruire  plus  amplement à  
 son  égard.  
 Trois  autres  de  ces  Aras,  que  j'ai  vus  empaillés  dans différens  
 cabinets,  ne  m'ont offert  aucune  ressource  d'instruction.  Toutes  les  
 parties  charnues, la  trompe  elle-même,  ne s'y  trouvoient  plus.  
 Il  ne  nous  reste  donc  qu'à  décrire le  plumage  de  nos  deux  Aras à  
 trompe,  que  nous  distinguerons  par  leurs  couleurs.  
 Nous  avons  cru  utile  de  donner  une  tête  de ces oiseaux  de  grandeur  
 naturelle,  ainsi  qu'un  de  leurs  pieds.  Le  lecteur  peut  consulter à  cet  
 égard  notre  planche  XIII,  qui  lui  donnera  l'idée la  plus  nette  de la  
 conformation  particulière  de la  trompe,  par  laquelle ces  espèces se  
 distinguent.  
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