pour les exposer aux premiers rayons du soleil, ils semblent nous
rappeler ces peuples antiques dont l’histoire nous fait connoître les
moeurs simples, et qu’elle nous montre assemblés sur une colline
élevée et y chantant des hymnes de reconnoissance à chaque apparition
de l’astre bienfaisant de la lumière. Mais quel est le motif
qui porte ces Perroquets à s’attrouper ainsi ? Au Cap, comme en
général dans tous les pays chauds, les nuits sont quelquefois très-
froides et surtout fort humides; or les Perroquets sont très-sensibles
aux effets de ces variations atmosphériques. Ils il ont donc pour but
dans leur premier rassemblement que de se rechauffer, et de ressuyer
leurs plumes que des rosées abondantes ont imbibees ; ils choisissent
pour cela les arbres morts, parce qu’ils y jouissent plus a découvert
des premiers rayons du soleil. Une fois réchauffée et sechee, la troupe
se détache et se rend par pelotons dans les lieux où abondent les
fruits que recherchent ces oiseaux, et dont ils cassent le noyau pour
en manger seulement l’amande. C’est en général la maniéré de vivre
de tous les Perroquets ; ils préfèrent toujours les noyaux aux fruits
mêmes : aussi dans l’état de domesticité les noisettes, les noix, les
amandes, le chènevis, sont - ils l’espèce de nourriture qu ils aiment
le plus. Si on leur donne des fruits, comme des cerises, des prunes *
des abricots, etc., on les voit souvent en dépecer la substance pour
s’attacher au noyau de préférence. Ce n’est pas cependant qu ils n avalent
aussi quelquefois la pulpe des fruits succulens ; mais ce qu il y a
de certain, c’est qu’ils ne la préfèrent jamais, et qu’il leur faut une
nourriture plus substantielle. Quoiqu’il y ait dans les forets du cap
de Bonne - Espérance plusieurs sortes de fruits agréables à manger et
recherchés par les oiseaux purement frugivores, je n’ai jamais trouvé
dans l’estomac des Perroquets que j ’y ai tués que les amandes de
ces fruits. Le repas du matin dure jusqu’à dix ou onze heures. A
cette heure tous les pelotons se rendent séparément à l’abreuvoir et
de l’abreuvoir au bois. Le moment de la chaleur étant venu, ils se
réfugient encore par pelotons dans le milieu des arbres les plus touffus,
pour y être à l’ombre et jouir en silence de la fraîcheur quils y
trouvent : je dis en silence, car alors, et contre leur ordinaire, les
Perroquets sont tellement tranquilles, qu’il m’est souvent arrivé de
m’asseoir, excédé par la chaleur, au pied d’un de ces arbres et d y
rester des heures entières sans me douter que j ’avois au-dessus de moi
une légion de Perroquets, et de ne m’en apercevoir que quand, tirant
par hasard un oiseau qui se trouvoit à ma portée, le bruit les faisoit
partir tout à coup avec la rapidité d’un éclair, et en piaillant sur tous
les tons discordans du cri d’èffroi ordinaire de ces sortes d’oiseaux.
Mais une fois au fait de cette manoeuvre, j ’avois les yeux aux aguets,
et me trouvant averti par quelques indices, par les crottes fraîches
que je voyois au bas de l’arbre mystérieux, même par celles qui me
tomboient sur le corps de temps à autre, je m’éloignois à la distance
de la portée du fusil, puis tirant mon premier coup dans l’endroit
le plus touffu de l’arbre, et ajustant plus sûrement du second
coup les Perroquets au moment de leur départ précipité, il m’arri-
voit den tuer plus ou moins suivant que la troupe étoit forte et
que le hasard m’avoit bien ou mal servi dans la direction du premier
coup. Cette espèce de sieste des Perroquets dure tout le temps
de la forte chaleur r ils se répandent ensuite dans les endroits où
ils trouvent de la nourriture ; et ce dernier repas fini, il se fait un
rassemblement général de tous les pelotons d’un canton, rassemblement
extraordinairement animé, bruyant, et qui amène le départ
pour le bain, qu’ils vont prendre quelquefois fort loin ; car il faut à
Ces oiseaux une eau pure, limpide, courante, et une plage commode.
C’est là qu’il faut les voir arriver, se précipiter pèle-mêle les
uns sur les autres sur le sable ou le gazon du bord des rivières, folâtrer,
se jouer, plonger leur tête dans l’eau, y tremper leurs ailes
pour la faire rejaillir sur toutes leurs plumes, présenter enfin une
scène des plus animées, délicieuse pour eux , et la plus agréable à
voir. Qui n’a admiré le plaisir qu’éprouvent nos Perroquets domestiques
en pratiquant cette sorte d’ablution, tellement nécessaire à
leur existence, que négliger de leur en faciliter l’usage, c’est les priver
d’une de leurs plus grandes jouissances, et s’exposer aux regrets
de les voir souffrir et bientôt mourir de langueur ? Du bain général
les Perroquets s’acheminent vers les mêmes arbres morts où ils-
s’étoient réchauffés et essuyés le matin ; arbres de choix et de prédilection
, qu’ils n’abandonnent jamais à moins qu’on ne les y ait
troublés. C’est là qu’en se secouant et en faisant passer par leur bec
toutes leurs plumes, tant pour en faire sortir la vermine que pour en
exprimer l’eau, ils achèvent leur toilette, préparée par le bain qu’ils
viennent de prendre. Cette opération terminée, on voit chaque couple
défiler, l’un après l’autre, vers le lieu secret de sa retraite pour y
rester en repos jusqu’au lendemain, qui, avec les mêmes besoins,
amène les mêmes scènes. N’est-ce pas ainsi que dans la vie paisible
des champs tous nos jours se ressemblent, tandis qu’au sein des