belles phrases qu’il faisoit et qu’on me répétoit sans en oublier une
syllabe. Prompt au commandement, il alloit aussi chercher le bonnet
de nuit ou les pantoufles de son maître, et appeloit la servante
lorsqu’on avoit besoin d’elle dans la chambre. Toujours dans la boutique
, s’il entroit quelqu’étranger en l’absence des maîtres, il crioil
à tue-tête jusqu’à ce qu’on fût venu Tels étoient l’instinct
et les fonctions domestiques de Kaarle. Je ne doute point qu’avec
de la patience on n’en pût obtenir autant de tous les Perroquets en
général. M ais je rentre dans la partie qui m’intéresse le plus dans
l’histoire de celui qui est le sujet de cet article. Il avoit la mémoire
bonne, et apprenoit très - promptement des phrases entières en hol-
landois, langage très - favorable à la voix naturelle des Perroquets :
cependant il ne conserva cette faculté que jusqu’à l’âge de soixante
ans, époque fatale o ù , loin de rien apprendre de nouveau, il ou-
blioit tous les jours une partie de ce qu’il sa voit déjà ; car il ne
répétoit plus que la moitié d’une phrase, en en transposant même
les mots, ou en mêlant ceux de l’une avëc ceux de l’autre, ce qui
occasionoit souvent dans la société de M. et de M.mc Meninck-Huysen
des scènes amusantes par les équivoques que faisoient naître tous ces
galimathias.
Le Perroquet perd donc la mémoire et la faculté d’apprendre à
soixante ans. Je ne pense pas que les mêmes facultés se conservent
plus long - temps chez les hommes ; je ne sais même si elles vont
jusque-là. J’ajouterai que les vieux Perroquets, tout rabâcheurs qu’ils
sont, n’ennuient pas, et que sous ce rapport ce genre d’oiseaux auroit
un grand avantage sur l’espèce humaine.
Charles muoit régulièrement tous les ans; mais à soixante-cinq ans
à peu près il perdit cette faculté. Celles de ses plumes qui tomboient,
n’étoient alors plus remplacées par de nouvelles. Les pennes de la
queue chez lui se renouveloient cependant encore de temps à autre,
mais une à une, et à des époques irrégulières et éloignées ; et celles
qui les remplaçoient, au lieu d’être rouges, étoient jaunes. C’est ainsi
que dans un espace de trois ans sa queue se trouva entièrement
jaune, de rougé quelle étoit. Depuis cette dernière époque elle resta
toujours la même, et ne se renouvela plus.
L’oiseau mourut enfin, et sa maîtresse toute en larmes me l’apporta
dans ma chambre. J’offris de le préparer et de le mettre en
état d’être conservé sous verre; mais, de crainte que l’aspect de son
cadavre ne fît qu’augmenter les regrets de la famille, on se décida