On ne commence, ainsi que je la i dit plus haut, a voir sur la côte
est du sud de l’Afrique l’espèce du Perroquet que nous surnommons
à franges souci, que là où croissent les premières forêts qu’on trouve
en descendant du cap de Bonne - Espérance, c’est-à-dire, vers les
petite et grande rivières Saumache : on le voit ensuite jusque chez
les Cafres. Si je ne l’ai trouvé nulle part sur la côte ouest, cest sans
doute parce qu’il n’y a pas sur cette côte un seul des fruits dont cet
oiseau aime à se nourrir, et qui sont ceux que donnent les arbres
nommés dans le pays geele Hoult (bois jaune), wilde Kaersen (cerisier
sauvage); arbres dont j’ai parlé dans mon premier Voyage. Mais,
si ces arbres ne croissent pas à l’ouest du sud de 1 Afrique, on y en
trouve d’autres dont les fruits attirent une espèce de petit Perroquet
que je ferai connoître à l’article des Perriches, après avoir parlé des
Cacatous.
Les Perroquets à franges souci arrivent en grandes bandes par le
côté de la ligne, pour se répandre dans les forêts de l’est du Cap; ils
passent dans ces forêts toute la belle saison, qui pour eux est celle
des chaleurs, et s’en retournent par le même côté à l’approche de la
mousson pluvieuse, lorsqu’ils ont fait leur ponte et élevé leurs petits.
Ces oiseaux ne se tiennent que dans les bois; ils vivent en troupe, et
volent à une si grande hauteur que souvent on les entend crier dans
les airs sans que pour cela il soit possible de les y voir. Quoique naturellement
très-bruyans, ils décèlent au chasseur l’endroit où il peut
les trouver; il n’est pas toujours facile de les y surprendre, surtout à
certaines heures. Voici au reste dans le plus grand détail tout ce que
j ’ai observé sur les habitudes de l’espèce; ce que je vais dire peut en
grande partie, je crois, s’appliquer, à quelques modifications près et
qui tiennent à des causes locales, à toutes les espèces de cette riche
et belle tribu d’oiseaux.
Quoique vivant en troupe, le Perroquet à franges souci s’apparie,
c’est-à-dire que chaque mâle a sa femelle propre, et qu’on le voit
toujours perché à côté d’elle. Le temps des amours arrivé, chaque
couple se choisit un domicile à part, soit dans un trou d’arbre, soit
dans un creux de rocher, et c’est là que la femelle fait sa ponte sur des
feuilles sèches, de la mousse, ou sur la poussière du bois vermoulu.
La ponte est de quatre oeufs blancs, presque ronds et de la grosseur
à peu près de ceux de nos pigeons domestiques. Le mâle les couve
aussi bien que la femelle ; mais la durée du temps de l’incubation ne
m’est pas connue, ce qu’on a pu trouver d’oeufs de ce Perroquet ayant
été aussitôt abandonné par le père et la mère. Quoique je n’aie donc pu
me procurer à cet égard des notions exactès, je crois cependant pouvoir
donner pour certain que les petits éclosent dans moins de vingt-quatre
jours. On les trouve quelquefois seuls ; mais le père et la mère ne les
quittent jamais que passagèrement. Les petits Perroquets naissent absolument
nus, et se couvrent ensuite d’un duvet blanc sale, à travers
lequel percent, au bout de cinq à six jours, les tuyaux de leurs plumés.
Riëri de si hideux qu’un jeune Perroquet pris au moment où ses
plumes, commençant à pousser, sont encore enfermées dans leurs capsules.
Une masse lourde, informe et toute couverte de pointes roides,
perçant à travers un duvet cotonneux ; cette masse surmontée d’une
grosse tête, armée d’un bec très-fort : tel est le portrait fidèle du petit
monstre. Qu’on ajoute à cela un regard étonné, des mouvemens rustres
et toujours à contre-sens, un air maussade et déplaisant; et l’on se
sera fait une idée de ce qu’est un de ces Perroquets à l’âge de douze
ou quinze jours. Au bout de six semaines toutes ses plumes, étant
dégagées, lui couvrent entièrement le corps : dans cet état il est au
moins reconnoissable ; mais à cet âge il est encore dans le nid. Quoique
déjà à peu près aussi fort que les vieux, et quoique ses ailes aient
presque toute leur ampleur, il n’ose pas prendre l’essor, et s’il hasarde
de sortir de son trou, il reste perché sur le premier arbre, où le père
et la mère continuent à lui apporter de la nourriture, qu’ils lui dégorgent
dans le bec. A deux mois les jeunes Perroquets ont acquis toute
leur grosseur, et mangent seuls : dès-lors ils suivent les vieux dans
leurs différentes courses, sans doute pour apprendre à connoître et à
trouver les alimens qui leur conviennent. Une fois qu’ils peuvent suffire
à ce dernier besoin, ils font bande à part; les vieux les chassent
pour ne plus s’en inquiéter, et chaque bande vit de son côté. Il est
toujours facile au chasseur de distinguer les bandes de vieux Perroquets
de celles des jeunes ; car autant les premiers sont difficiles à
surprendre, autant les derniers sont faciles à approcher et à tirer.
J’ai remarqué que régulièrément tous les jours et aux mêmes heures
les Perroquets à franges souci se rendent à l’eau, pour s’y désaltérer
et se laver, le bain étant un besoin en même temps qu’un grand
plaisir pour eux : les heures du repas sont aussi fixes, de sorte que
la journée de ces oiseaux est absolument réglée. Le matin, dès l’aube
du jour, tous ceux de chaque canton s’assemblent respectivement
et à grand bruit sur un ou plusieurs arbres morts, suivant que la
troupe est plus ou moins nombreuse ; et là , déployant leurs ailes