Ics deux autres saisons des plantes en fleurs et en fruits, mais en moindre nombre.
H en est de même pour tous les insectes; on en trouve beaucoup plus de parfaits
dans un temps que dans un antre. Est-il bien certain que la nourriture qui est
,,roprc à leurs peti ts ne sc trouve pas exclusivement dans le nord. et que les fruits
et les insectes recherches dans le sud par ces espèces passagères convichncnt également
aux premiers? En supposant même que ces alimcns puissent leur convenir,
sont-ils assez aboiidans pour suffire à la grande consommation que doit
eu faire leur icuiie famille ? La chaleur excessive qui ne sc fait sentir quapres
leur départ, et qui ne se ralleiitit que quelque temps avant leur retour, n est-
elle pas contraire à leur constitution ? Ces deux causes réunies me scmbleroient
péremploires , puisque réellement on n’appcrçoit pendant 1 ete aucun de ces
oiseaux sous les tropiques, du moins je ii’y en ai poin t vu. Il en est tout autrement
pour les espèces qui y sont sédentaires; elles ne sc procurent que sous la zone
torride les alimcns dont elles vivent, et principalement ceux sans lesquels elles
ne peuvent élever leurs petits. Si quelques-unes se montrent dans des contrées
voisines, comme aux Floridcs, à la Louisiane, aux Carolines et au Paraguay , on
y voit aussi plusieurs des productions de cette zòne; mais dès qu’elles sont privées
de leur principale nourriture, elles ne s’avancent pas plus loin, soit au sud, soit
au nord; en effet, ou ne les rencontre jamais dans les pays tempérés.
Ces deux questions conduisent à une troisième, que semble faire Buffon, lorsqu’il
dit au sujet de nos oiseaux voyageurs : « Nous ignorons si pendant leur
absence ils nichent et pondent en Afrique comme én Europe ». Toutes nos
espèces voyageuses qui pénétrent en Egypte ne s’y reproduisent point; il en est de
même pour celles d e l’AmôriquG cjni se retirent sous les lropic[ucs, à Salnt-Domin-
Guc, à Cuba et au Mexique, et je suis persuadé quelles ne le peuvent, parce
q u ’à ' 1 époque où elles arrivent à leur séjour d’iiiver, elles sont toujours dans
cet état de repos, q u i, pour les oiseaux adultes des régions tempérées et glaciales,
suit immédiatement les couvées, et qui dure pour eux environ six mois, ainsi que
pour les jeunes, avant qu’ils aient acquis la faculté de se reproduire. Si ces assertions
ne sullisent pas pour amener une pleine conviction, j’y ajouterai des signes
non équivoques tirés de la nature des oiseaux : ces signes, qui sont communs à
tous, sont cependant plus ou moins prononcés chez les uns et chez les autres :
jusqu’à présent on rien connoît point d’exccptés; s’il eu est, nous ne les coiinoî-
Irons que lorsque toutes les espèces voyageuses auront été observées pendant
leur cniigration.
Dans les oiseaux, chaque âg e, spécialement dans les mâles, est marqué par uu
vêlement particulier, et chaque vêtement en indique les diverses époques, depuis
leur naissance jusqu’à leur état parfait. Le nombre tic ces changemcns n est pas le
même chez toutes les espèces, et ils ne s’effectuent pas en même temps;
cela dépend du terme assigné à chacune pour se parer des couleurs qui ne laissent
plus do doute sur les sexes : ces couleurs sont, lors de l’accouplement, plus distinctes
chez des màlcs que chez d’autres. La plupart se revêtent do la robe nuptiale
dès leur première année ; et quelques-uns lie la prennent que deux et même
trois ans après leur naissance ; tous la conservent dans le temps des amours, et
la quittent à la / n u e , pour sc recouvrir de leur plumage d’hiver. La dilïéronco
de ces deux yétcmens sc saisit facilement dans nos pinsons, nos moineaux, nos
traquets, et dans beaucoup d’autres oiseaux d’Europe, quoique leurs teintes ne
présentent dans les deux saisons que des nuances peu disscmblalilcs ; mais elle
est bien plus frappante dans plusieurs espèces élraiigcrcs, dont les mâles se
dépouillent totalement de leur habit d’été pour prendre à raiitomiio celui qui
ne laisse que peu ou point de distinction entr’cux et leurs femelles ; c’est sous ce
dernier vêtement que tous ceux qui émigrent sc mettent en route et (jrioii les voit
dans le sud; alors leur ramage est enroué, foiblc et sans expression; mais a leur
départ des pays chauds ou pendant le voyage, leurs couleurs dcvicnnciil plus
nettes et plus brillantes ; cc changcniciit se fait chez les uns sans muer et chez
les autres après avoir subi une mue complète. Leu r chant n’acquiert (|iia cette
époque sa clarté , sa force et son étendue ; dès qu’il est parvenu a sa perfection,
il indique celle du plumage, et il annonce que ces oiseaux ont la faculté de
s’apparier. Le chant et le plumage étant imparfaits chez les espèces voyageuses
pendant leur émigration, j’en conclus qu’elles ne peuvent pas alors se multiplier,
et voici des faits qui vicuunciit à l’appui de cette opinion. Ayant conservé vivans
pendant plusieurs années des minislre scl des agripennes, j’ai remarqué qu ils no
doimoicnt aucun signe d’amour, qu’ils n’avoieiit qu’un trcs-foible ramage sons leurs
couleurs d’hiver, et que c’étoit le contraire sous celles d’été ; il eu est de même des
fr in g ille s ja u n e s , des papes et de plusieurs petits oiseaux d’A frique qui muent
aussi deux fois dans l’année ( i) . Si doue les ministres et les agripcnncsnichoicut
dans les pays où ils se retirent à l’arrière-saison, il faudroitqu ils y prissent dès leur
arrivpB G qkn» C i l changeassent à leur départ, puisqu’ils
reviennent dans le nord sous celui d’hiver, ce qui donneroit lieu à quatre mues
dans rannée , mais je me suis assuré qu’ils u’eii éprouvent jamais que deux , soit
en liberté, soit en captivité; ce dernier état et le climat, quoiqu'on paroisse en
douter (2),ne peuvent déranger l’ordre des mues, aussi immuable pour les oiseaux
qui en subissent deux et trois par an, que pour ceux qui n’en font qu’une; la
moindre altération dans cette marche naturelle leur cause une maladie souvent
mortelle. Enfin si ceux qui ne se couvrent de nouvelles plumes qu’une fois par au
convoient pendant leur émigration, 011 dcvroit rencontrer, à leur retour dans le
nord, des jeunes sous des teintes peu décidées, comme 011 les voit tous danslosud
à l’automne et pendant l’iiivcr, s’ils ne sont près de leur retour, époque où leurs
couleurs commencent à sc perfectionner ; mais il en est tout autrement.
Cc que je viens de dire sur les oiseaux voyageurs de l’Amérique , peut, cc me
( 1) Le n ombre des espèces à d o uble mu e est très -b o rn é ; on ii’en comp te d ans l’Ainérique sep ten trio n a le qu e c in q : tels
s o n t, pa rm i celles q u i v o y a g en t, les ministres, les baltimores, les agripennes, q u i é p ro u v e n t celles du p r in tem p s , soit
en r o u te , soit inimédialcmeiit après leur re to u r ; et p a rm i les sè d en la ires, les papes et les fringilles jaunes. Une chose
rema rq u ab le , c’est qu 'en Amérique, ainsi q u ’en Afrique e t dans les In des où les espèces à d o uble mu e so n t en p lu s grande
qu an tité , on n ’en v oit que p a rmi les oiseaux g ran iv o re s, d u m oins o n n ’en c o n n o ît p o in t ju sq u ’à p ré se n t p a rm i les autres.
(2) Voyez rbisloivc des Bengalis p a r Buffon, e t l’Encyclopédio m é th o d iq u e , a rticle d u Bengali. J'ai p rouvé dans mo n
Histoire des plus beaux oiseaux chanteurs de la zòne torride q u e la c ap liv ilé e t le c limat n ’avoient au cu n e in fluence su r
les mues. Introduction, page 7 .
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