dans l’cpaisscur des bocages, d’autres ne sc plaisent que dans les yergers et les
bosquets voisins de la demeure de l’homme, et c’est le plus grand nombre. Les
corneilles, quelques pics ,\cs gélinoUes ,\es dindons, et la plupart des oiseaux
de proie diurnes et nocturnes habiteiil. dans l’intérieur des grandes forêts, où la
vue d’un petit oiseau est pour le sauvage un signe certain qu’il est près d’un
endroit habité. Le rouge-gorge hleu cherche au printemps son arbre creux ;
Y hirondelle, sa cheminée; X agripenne, sa touffe d’herbe; fa u v e t t e , son buisson;
\e pygargue, son rocher; Xaigle pêcheur, son vieux pin; Xengoulevent,
son sentier; tous enfin reprennent l’habitation choisie les années précédentes,
et construisent le berceau de leurs petits près de celui de leur naissance. Les vents
d’est, toujours accompagnés de pluie, dominent dans cette saison, et procurent
à la terre une chaleur humide qui bâte le développement de toutes ses productions
: en effet la végétation fait des progrès avec nue rapidité étonnante ; tout naît
en même temps; les bois, les vergers se couvrent de Heurs c l de feuilles, sans
qu’on apperçoive entre les arbres et les arbrisseaux cette gradation si sensible en
France. Les chaleurs qui suivent les premières apparences du printemps, sont
quelquefois très-fortes vers la mi-juiu, et presque toujours excessives en juillet
et août; alors on voit souvent le thermomètre de Réaumur à 9.4 et même 3 o degrés
.au-dessus de zéro. Le vont d’ouest règne .au lever du soleil et procure de belles
matinées; celui d’est lui succède vers le milieu du jour, et traîne à sa suite les
orages. L ’eau tombe à flots vers le soir; cette abondance de pluie presque journalière,
rafraîchit la terre desséchée par un soleil ardent, entretient la végétation
, contribue à la maturité des fruits, mais ne diminue point cette chaleur brûlante
, le premier principe de la cruelle maladie ( la ficvrc jaune ) q u i, depuis
plusieurs années, dépeuple quelques villes et force les liabitans de quitter leurs
foyers pour chercher un asyle dans les campagnes que respecte ce terrible fléau.
Cette saison procure à rornitliologistc plus de moyens que les autres, pour étudier
le naturel et le genre de vie des oiseaux : 011 peut alors distinguer le mâle, la femelle
et le jeune; mais le nombre des espèces est si grand, que ces connoissances ne
peuvent s’acquérir promptement ; une seule année n’est pas suffisante pour
pouvoir considérer et saisir dans toutes leurs périodes ces productions de la
nature.
En septembre les orages sont moins fréquciis; une douce température remplace
en octobre, le mois par excellence, les chaleurs excessives qui régnent encore sur
les Carolines et les Florides; 011 ne voit point alors ces brouillards, si communs en
Franco à la même époque; le ciel est toujours serein; les jours et les nuits sont
il une fraîcheur délicieuse, et la terre est couverte de fleurs. Les pigeons à longue
queue quittent à l’automne le lien de leur naissance, et se réunissent en bandes si
nombreuses et d’une telle étendue que le soleil en est obscurci. Les rohins, les
ja s e u r s , auxquels sc joignent d’autres espèces, abondent sur les arbres chargés
de baies tendres; les vignes, qui croissent dans tous les bols ilé ces coiilrces, sont
promptement vendangées, tant est grand le nombre des baccivores; des troupes
de petits cincles se répandent dans les marais. Tous ces oiseaux, peu méfians et
très-recherchés pour leur chair délicate, procurent une chasse abondante même
an plus mal-adroit ; mais la perdrix au vol rapide exige de l’adresse, et la défiante
tourterelle, un chasseur rusé ; les canards h uppés, qui n’ont pas moins de
finesse , se cachent dans les détours des rivières ombragées par ces chênes
antiques qu’on ne voit plus qu’en Amérique. Les stournes peuplent les prairies,
et donnent lieu à la chasse amusante que leur fout les Citadins ; les g e a is , les
chardonnerets, les roitelets, \esgorge-rouges hleus,\es fr in g ille s , les ortolans,
les pics se trouvent fréquemment, les uns dans les vergers, les buissons et les
haies, les autres dans les taillis et les bosrjuets ; tous offrent à l’ornithologiste des
observations faciles et de belles dépouilles. Les marais, le rivage de la mer, les
bords des rivières sont couverts de bécassines, do sanderlings, de tourne-pierres,
de bec-en-ciseaux, de barges, de courlis , (Xéchasses, de hérons, de pluviers
et de v an n eaux.
Au mois de novembre, les alouettes, les ortolans ja co bins et plusieurs petits
oiseaux du Canada et de la baie d’H udson, viennent remplacer les nombreuses
espèces qui fuient les frimas et les neiges.
On voit par ces détails que rornithologiste peut satisfaire son goût pendant
toute l’année; mais il achète cet avantage par des peines et des fatigues : il
faut en hiver s’enfoncer dans les neiges et braver le veut glacial du nord-ouest;
au printemps, avoir presque toujours les pieds dans l’eau; l’é té, s’exposer à
I ardeur excessive du soleil, parcourir quelquefois des sables brûlans, avant do
jouir de la fraîcheur des bois; mais l.à, ainsi que dans les prairies, un ennemi
l’attend, le maringouin ,1 e plus incommode dos insectes ailés par son siflcmcnt
aigu et par sa piqûre inflammatoire. Si la chaleur exige un vêtement léger, ce petit
animal force de le porter vaste ou d’un tissu si serré, qu’il soit impénétrable à son
aiguillon. L ’automne est donc la seule saison où l’on n’éprouve aucun désagrément.
II est encore à cette époque une jouissance très-précieuse pour le Français, dont
l’attachement à sa patrie redouble par l’éloigncmeiit ; il rencontre alors la pie-
g r iè ch e , le roitelet, le grimpereau et plusieurs autres oiseaux dont l’cspcco
habite aussi son pays natal ; il voit voltiger dans la plaine la belle-dame, le citron,
le morio, le v u lca in , tous jolis papillons qui dans nos jardins se jouent sur les
fleurs, et qui en Amérique disputent leur nectar au plus brillant et au plus petit
oiseau des tropiques; il entend bourdoimcr à ses oreilles les carabes, les cicindclles,
les scarabées et tant d’.iutres insectes communs aux deux continens. Tous me
rappcloicnt ces temps o ù , entoure de mes cnfans, tranquille et heureux ,
j’observois la nature au sein des bois , sur les coteaux , dans les riantes et
riches prairies qui entourent la ville dans laquelle je rcsidois en France ; tout
a disparu. Les larmes dont ma paupière est humectée, sont la seule consojatioii
qui nie reste.
Les oiseaux de l’Amérique septentrionale étant presque tous voyageurs, et ne
parcourant pas ordinairement les mêmes lieux dans leurs deux courses périodiques,
demandent des observations plus suivies et plus pénibles que ceux de la
zòne torride, qui sont presque tous sédentaires, ou qui s’éloignent peu de leur