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commune ; le ca t-b in l l’a moins éclatant que notre merle, mais plus agréable ;
la grive rousse surpasse ce dernier par la douceur et la mélodie de son organe ;
la Yoix de la grive tannée l’emporte sur celle de la draine ; le troglodyte est
tellement au-dessus du nôtre par ses acccns moelleux, que les Européens le
désignent par le nom du coryphée de nos bois. Nous n’avons point parmi nos
espèces séminivores d’oiseau chanteur qu’on puisse comparer au cardinal huppé.
Ya fr in g i lle ja u n e a le ramage du chardonneret européen, k am n e fa u v e t te
américaine n’a , il est v ra i, un gosier comparable à celui de la fauvette à tête
noire, mais il en est parmi elles qui l’emportent sur les autres espèces d’Europe.
Le ministre y tient lieu de notre linotte ; le to u it, de notre pinson ; le shep-shep
a un chant beaucoup supérieur à celui de notre bruant. Plusieurs autres oiseaux
jicuvcnt encore prendre rang jiarmi les musiciens de la nature ; mais tous se taisent
plutôt que les nôtres, sur-tout dans les contrées boréales.
Les oiseaux de l’Amérique septentrionale sont généralement moins défians que
ceux d’Europe; les uns sc laissent approcher de très-près dans quelque endroit que
cc soit; d’autres sont d’un difficile accès aux environs des villes : c’est le contraire
dans les habitations éloignées; mais le nombre de ces dernières espèces diminue
depuis plusieurs années, sans doute parce qn’on leur fait plus souvent la guerre.
11 en est de plus rusés les ans que les antres, qui paroissent discerner les lieux où
ils courent des dangers, et ceux où ils sont en sûreté. On fait la morne remarque
parmi nos oiseaux. Les pies, les corneilles, les plus méfians de tous, suivent de
près le laboureur qui sillonne son champ, et se tiennent à une grande distance
quand il est accompagné d’un étranger. Les étourneaux saisissent sans crainte
leur pâture prcsqu’aux pieds du berger, mais il iaut qii il soit avec son troupeau.
Un oiseau encore plus défiant que ceux-ci, le ramier, qui ne se plaît ordinairement
que dans les grands b o is , ne se croit en sûreté qu’à la cime des arbres
les plus élevés, et ne se livre à une pleine sécurité que lorsqu’il est blotti contre
le tronc et caché par les branches les plus touffues ; le ramier cependant habite
aussi les jardins des Tuileries et du Luxembourg, y passe la belle saison et ne
les quitte qu’aux approches de l'hiver, pour y revenir dès les premiers jours du
printemps; mais là , son naturel n’est plus le même que dans les forêts et les
plaines : il s’y montre presque aussi familier que le pigeon domestique; il ne balance
point, malgré l’affluoncc du monde, à sc percher sur une branche peu élevée, où
on le voit s’empresser autour de sa compagne, s’incliner devant elle et réitérer des
salutations qu’accompagnent toujours les sons plaintifs qu’il ne fait entendre qu’au
temps des amours. On les voit l’un et l’autre se communiquer leurs désirs mutuels,
et s’exciter par de nouvelles caresses â de nouveaux plaisirs. Aucun signe, aucun
cri sinistre de leur part n’annonce aux ramereaux que ceux qui se promènent au-
dessous d’eux sont leurs ennemis les plus dangereux. Rien ne leur porte ombrage,
rien no réveille leur humeur iîiroueho ; leur sécurité est telle, qu’ils osent quelquefois
descendre sur le bord des bassins pour s’y désaltérer. Mais les mêmes individus
qui se montrent si confians dans ces jardins, reprennent leur naturel
dans les champs qui environnent Paris; ils y deviennent à la vue de l’homme,
ombrageux, inquiets, s’épouvantent de to u t, et montrent une telle défiance
qu’il faut les surprendre pour en approcher. D’où provient un changement si
grand dans le genre de vie du ramier ? Sauvage dans un lien et presque familier
dans un autre son caractère passe de la conilance à l’inquiétude autant de fois qu’il
change de place ; c’est-à-dire deux et trois fois dans une heure. Quelle est la cause
de moeurs si opposées, et en quelque sorte propres au local où il sc trouve ? Est-ce
l’instinct qui lui indique que le même objet est ou n’est pas dangereux, selon
l’endroit où il le rencontre ? Mais cet instinct, cercle étroit dans lequel on restreint
les oiseaux, est un sentiment indélibéré, invariable, et celui-ci paroît être mu
par des sentimens raisonnes. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’en tous pays les
oiseaux savent discerner cc qui peut ou ne peut pas leur nuire ; seulement ce
discernement a plus ou moins d’étendue, plus on moins do finesse dans des espèces
que dans d’autres.
J ’ai dit précédemment qu’il falloit plusieurs années pour bien observer les
oiseaux de l’Amérique du nord ; cela ne peut être autrement dans une contrée où
les espèces, qui sont nombreuses et dispersées sous des climats très-différcns les
uns des autres, doivent avoir des moeurs et des habitudes dissemblables. Toutes
celles qui vivent d’insectes, recherchent, à l’approche des frimas, les pays situés
sous la zòne torride; quelques-unes d’entre elles choisissent à leur retour les contrées
les plus boréales, pour s’occuper de nouvelles générations ; d’antres s’arrêtent
dans les parties sud de l’Amérique septentrionale, et la plupart se fixent dans
celles du centre ou un peu plus au nord. Plusieurs oiseaux de proie et plusieurs
gallinacées habitent tonte l’année la terre de Labrador ; quelques séminivores y
restent aussi ; mais le plus grand nombre se plaît dans des régions moins froides ;
en effet on y trouve plus d’espèces de ces oiseaux que dans les autres ; il en
est même qui s’cn écartent si peu, que c’est en vain qu’on les cherche aux deux
extrémités. Les oiseaux de passage qui nichent dans les pays les plus septentrionaux,
les quittent dès que leur nouvelle postérité peut les suivre, les uns plutôt,
les antres plus tard; mais à l’automne tous fuient ces terres glacées. La plupart
séjournent, lors de leurs courses périodiques , dans les contrées qui sont an
centre des Etats-Unis ; d’antres ne s’avancent pas au-delà, de quelque côté qu’ils
arrivent; ces contrées sont la Pensylvanie, le New-J ersey et le N cw -Y o rk .
Fixons uu instant notre attention sur ces pays où l’ornithologiste rencontre dans
deux saisons presque tous les oiseaux do l’Amérique septentrionale ; parcourons
aussi les divers degrés de la température qu’on éprouve du tropique du cancer,
au pôle arctique , puisque la diversité des climats contribue au changement
d’habitudes et de moeurs chez les espèces voyageuses, et que de leur comparaison
naîtra une juste idée de celles qui sont sédentaires dans quelque partie que
ce soit.
Saint-Domingue étant sous les 1 8' et 19' degrés de latitude nord, on y éprouve
les chaleurs de la zòne torride, lesquelles conviennent pendant toute l’amieoe aux
ca cique s, aux todiers, à la plupart des troupiales et des carouges, aux colibris.,
aux ois ea u x -m ou che s , et à presque tous les tangaras. A mesure C|u’on