inexprimables , se couchait par terre , faisait de continuels
efforts pour vomir. Une jeune fille qui avait aussi mangé du
même mets, futseule exempte de mal. Le lendemain seulement
de cet évènement, on s’imagina que les épinards pouvaient bien
contenir de la morelle. On fut au jardin à l’endroit où la cuisinière
les avait cueillis la veille; on y vit de la morelle, et
on ne douta plus qu’elle n’eût été la cause des maux qu’on
avait éprouvés.
Dans celle dernière observation , est-ce bien la morelle quia
produit les effets délétères qu’on lui attribue ? D’un côté , on
n’a aucune preuve directe de la présence de cette plante dans
les épinards; de l’autre , les symptômes qui se sont manifestés
ne sont pas ceux qui suivent l’action des poisons narcotiques;
et il est à présumer que si la morelle avait une action prononcée,
cette action serait analogue à celle des espèces des autres genres
delà famille, les Alropa , les Dalura, etc. Ici point d’affection
suite de Ja lésion du système nerveux, mais tous les symptômes
de faction des oxides de cuivre. Parce qu’on n’aperçut
après l’accident aucune trace de vert-de-gris dans les ustensiles,
ce n’èst pas à dire qu’il n’y en eût point avant le repas. Je conclus
donc que les deux seuls faits à l’appui de l’opinion de
l ’action délétère de la morelle , sont insuffisans pour la prouver.
Voulant m’assurer de cette action par une expérience directe,
j’ai pris quatre cents grammes de feuilles et de tiges de morelle
vêtue ( Sol. villosum. Lam. ) , une de celles qui ont une odçur
forte et désagréable ( odeur qu’on a-dit narcotique (i) ), et
celle qui, d’après les apparences, devrait avoir l’action la plus
prononcée. J’ai fait bouillir ces parties dans trois pintes d’eau ,
jusqu’à réduction des deux tiers du,véhicule. Les ayant ensuite
fortement exprimées, j’ai fait prendre celte décoction à un chien
de moyenne taillé, un barbet dans la force de l’âge. Aucun
symptôme ne s’est manifesté , si ce n’est que le chien , peu
( i ) B o c c o n e , Mus. de J is ic a . p. 284.
après l’administration de la substance, a beaucoup uriné, vraisemblablement
à cause de la quantité du véhicule aqueux qu’il
avait pris.
De tout ce que je viens de dire , je crois pouvoir conclure :
i.°qu’iln’existe point encore d’observation précise sur l’action des
tiges et des feuilles des marelles ; 2.0 que ces tiges et ces feuilles
n’ont pas sur l’économie animale l'action délétère qu’on leur a
attribuée , puisque d’un côté , les observations à l’appui de celte
opinion sont insuffisantes pour la prouver , et que d’ailleurs , ces
substances sont d'un usage général comme aliment dans plusieurs
régions ; 3.° qu’il est fort à présumer que cette opinion est due
à ce que T Alropa belladona , dont les diverses parties ont une
action vraiment délétère sur l’économie animale était rangée
parmi les Solanum par les botanistes antérieurs à Tournefort ,
et que par suite elle a conservé Ce nom dans les pharmacies.
L’action de celte plante, qui est encore aujourd’hui le Sol. lelhale
des boutiques , faction de cette plante, dis-je, aura été attribuée
aux morelles, par les uns , à cause du défaut de la connaissance
des espèces, par les autres, parce qu’ils auront admis sans
examen l’identité des propriétés des espèces d’un genre mal
fait. Il a dû suffire que celte erreur ait été faite par quelques-
uns, pour que, répétée par le trop grand nombre des compi-;
lateurs, elle soit devenue populaire.
La eonnaissauce de faction singulière que le suc de Belladone
exerce sur la pupille , me fit penser que celui de certains
Solanum pourrait bien jouir de la même propriété. Pour l’éprouver
comparativement; je fis d’abord une friction sur les paupières
de mon oeil droit, avec le suc étendu d’un peu d’eau
des feuilles et des tiges fraîches de VAtropa belladona : la
pupille fut dilatée autant qu’elle pouvait l’être ; on apercevait
à peine 'la trace de. l’iris. Je fis cette expérience le matin ;
l’action se maintint la même tout le jour. L’iris constamment
fixe n’était influencé d’aucune manière par les impressions
variées de la lumière. Le lendemain , l’iris avait acquis un peu