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 rapportent,  les  uns,  qu'elle  servait  de  leur  temps,  les autres,  
 qu’elle  avait  servi  autrefois  comme  légume.  De  nos  jours ,  cette  
 plante  est  employée  de  la  même  manière,  ainsi  que  plusieurs  
 autres  morelles. M.  de Candolle, mon maître,  m’a communiqué  
 que  les habitans  do  village  de  Villemomble ,  dans  les  environs  
 de  Paris,  mangent,  apprêtées  comme  les épinards,  les  tiges  et  
 les  feuilles  fraîches  de  la  morelle  noire. 
 A  la  Jamaïque'(5)  ,  les  Nègres  font  entrer  une  espèce  de  
 morelle dans la  préparation  d’un mets qu’ils appellent  
 Au  Malabar (6),  on  mange  les  feuilles  d’une  autre  morelle  appelée  
 par Rumphius^Halicacabus  indicus  minor.  Dans  quelques  
 autres  contrées  sous  les' Tropiques ,  et  notamment  aux  îles  de  
 France  et  de  Bourbon,  on  fait  un  grand  usage ,  comme  légume  
 ,  des  tiges  jeunes  et  des  feuilles  du  Sol.  nodiflorum,  qui  
 a  été  long-temps  regardé  par  l’école  de  Linné  ," comme  une  
 simple  variété  du  5a/.  nigrum.  Gette  plante  est  cultivée,  dans  
 ces  régions,  sous  le  nom  de  Bredde.  M.  Abadie  ,  docteur  en  
 Médeciue  de  cette  Faculté  ,  qui  a  exercé  son  art  pendant  
 plusieurs  années  à  l’île  de  France ,  m’a  communiqué  que  ce  
 légume  faisait  les délices des  colons;  que  le peuple  le  mangeait,  
 après  l’avoir  fait  bouillir  dans  l’eau,  sans  autre  assaisonnement  
 qu’un  peu  de  sel  commun.  La  première  fois  qu’on  en  mange,  
 me  disait M.  Abadie,  son  goût  n’a  rien  de  bien  agréable;  mais  
 si  on  continue  d’en  faire  usage,  on  finit  par l’aimer beaucoup  
 Il  n’y   a  point  de  bon  repas  dans  l’île sans  un  plat  de Bredde ;  
 et  jamais  on  ne  s’est  aperçu  qu’il  produisît  la  moindre  incommodité. 
  1 
 (1)  Ouvr.  c i t .  lib .  4»  cap,  71. 
 (2)  De  vir tu te   Simplicium.  1.  2.  c .  1 . 
 (3)  D e  naturâ  Plan ta rum .  I.  3.  c .  109. 
 (4)  Oiivr.  c it .  p,  6 j 5 . 
 (5)  Sloane.  Ouvr.  c it .  p.  107. 
 (6)  Rhumph._ Ouvr,  c i t •  V ,   p .  61.' 
 J’ai  préparé  du  Bredde  à  la manière  des Nègres  de  î’ile  de  
 France  ;  j’en  ai  mangé  en  buvant  la  décoction  ;  je  l’ai  trouvé'  
 d’assez  bon  goût  ,  et  son  action  sur  moi  n’a  pas  été  sensible.  
 Mais  comment concilier  les  derniers  faits  que  je  viens  de  rapporter  
 ,  avec-ce que  tant d’auteurs  ont  dit  de  1 action  délétère  
 de  la  morelle ?  Voyons  sur  quoi  se  fondent ceux  qui  croient  à  
 cette  action  ,  c’est-à-dire,  le  plus  grand  nombre. 
 Les  seuls  faits  sur  lesquels  on  s’est  appuyé,  sont des  empoi-  
 sonnemens  par  des  mets,  dans  la  préparation  desquels  on  a  
 cru  que  la  morelle  était  entrée  par  mégarde  ;  et  encore  n’ai-  
 je  trouvé  dans  le  nombre d’auteurs  que j’ai  parcourus,  qu’un  
 seul  fait  de  ce  genre.  Ce  fait  rapporté  par  Rucker  (i)  est  le  
 suivant  :  une  mère  et  ses  quatre  enfans  ayant  mangé  de  cette  
 plante ,  éprouvèrent  une  intumescence  de  la  face  et  des  articulations, 
   un  seulirnent  de  chaleur  intolérable ,  et  par  suite  
 gangrène  des  parties  affectées.  Le mari  qui  avait usé  du même  
 aliment  n’en  ressentit  pas  le  moindre  effet.  Peut-on  rien  conclure  
 de celte seule observation  ? J’en  joindrai  ici  une  autre  qui  
 m’a  été  communiquée  par  mou  condisciplë  et  mon  ami,  M.  
 Frédéric  Coladon,  de  Genève. 
 II.y.  a  six  ou  sept  ads  que  M.  D.**  et  Madame  sa  mère,’  
 étant  à  Cartigny  ,  près  Genève  ,  eurent  pour  légume  à  leur  
 dîner  un  plat  d’épinards,  dont  ils  mangèrent  peu.  Les domestiques  
 en mangèrent  beaucoup,  entre  autres le valet de chambre.  
 Demi-heure  après  le  repas,  les  uns  elles  autres  se  plaignirent  
 de  douleurs  d’estomac  et  d’entrailles  ,  accompagnées  de  maux  
 de coeur, qui  furent bientôt suivis  de vomissement et de diarrhée.  
 En  courant  aux  remèdes  ,  on  ne  négligea  pas  de  visiter  les  
 ustensiles  dans lesquels on  avait apprêté  le  repas  ; -on n’aperçut  
 aucune  trace  de  vert-de-gris.  Les  vomissemens  et  la  diarrhée  
 durèrent  environ  quatre  heures.  Le  valet  de  chambre  fut  le  
 plus  malade;  il  avait  perdu  la  tête,  éprouvait  des  douleurs 
 (i)  Commère.'noric.  i 7 3 i .  p.  3 7?..  d’après  M u r r a y .   Que.  cit.  1 .  p. 6 'z3 ,