Dans ce U'isle état, Sauvages conseilla la décoction de douce-
amère. On commença d’en faire usage à très-petite dose, et
celle-ci fut augmentée progressivement. Les premiers jours , les
douleurs des extrémités devinrent excessives; il s’v joignit des
élancemens si vifs dans la tête, que la malade disait qu’il semblait
qu’on lui arrachait les jeux. Ces élancemeDs augmentèrent pendant
les cinq premiers jours ; les veux se troublèrent, devinrent
demi-opaques et la cécité s’ensuivit : malgré cela on continua
l’usage de la douce-amère. Un mois après, on vit une diminution
bien marquée des sjmptômes de la maladie; les douleurs
diminuèrent ; les ulcères donnèrent une bonne suppuration ;
les jeux reprirent leurs fonctions et leur couleur naturelle; les
taches disparurent, etc., etc. Bref, la malade passa d’un état
désespéré à une santé parfaite, pendant l’usage de la douce-
amère administrée seule.
Dans l’observation que je viens de rapporter , la seule, à ma
connaissance, sur laquelle se soient appuyés les auteurs qui ont
conseillé la douce-amère dans le scorbut; dans cette observation,
dis-je , la douce-amère ne me paraît pas avoir agi comme les
substances appelées antiscorbutiques , par exemple, les végétaux
âcres de la famille des crucifères. Je crois plutôt qu’elle a eù
une action analogue à celle des décoctions végétales qu’on emploie
avec succès dans les maladies sjphilitiques , qui ont résisté
au mercure , ou qui n’ont été guéries qu’incomplètement par
ce médicament.
Ce qui confirme mon opinion , c’est que Carrère ( i ) dit
qu’ajant administré la décoction de douce-amère dans le scorbut,
comme on administre les médicamens anti - scorbutiques , il
n’a jamais obtenu de succès.
S y p h ili s La décoction de douce-amère paraît avoir été employée
avec succès dans les blennorrhagies. Dans l’hôpital militaire
de cette ville, elle est administrée, comme tisane ordinaire, (i)
(i) Ouvr. c it. pag. 27.
dans toutes les affections syphilitiques primitives; mais, comme
elle n’est jamais employée seule , que c’est toujours concurremment
avec les moyens appropriés à chaque espèce d'affection,
on ne peut savoir d’une manière précise quel effet elle produit.
Je ne connais qu’une seule observation , d’après laquelle il
paraîtrait que la douce-amère seule a guéri une maladie vénérienne
; elle est rapportée par Linné, en ces termes (1) : Mulier
quoedam gravida cum Holmia hùc adpenissel, partum edidit in
summa pauperlate. Miscriam hujus mirum quantum adauxit
suppressio lochiorum, quam seqiiebanlurfebris, delirium, spasmi
et maculce. Proeler hase eliam syphilide eral infecta. Cum perd
decoctum Dulcamaroe ei esset datum , non solum brepi redierunl
lochia , sed symplomala syphilitica , eliam simul lepari com-
pertum est, et,post repetitum usum , perfecte eæ utroque morbo
conpaluit oegra. Cette observation isolée est trop incomplète
pour qu’on puisse en rien conclure sur l’efficacité de la douce-
amère administrée seule dans la syphilis.
Il parait que cette substance n’a eu d’effet salutaire, dans
cette maladie , que dans des cas opiniâtres qui avaient résisté
à l’emploi du mercure. Presque tous les faits rapportés de son
action , dans cette affection , -sont des cas de ce genre. De ce
nombre sont deux observations de Carrère (2); une de Sauvages,
rapportée par Linné (3); une de Razoux (4) ; trois de Bertrand
de la Grésie, dans lesquelles cptte affection est compliquée de
dartres, ou a des dartres pour sjmptômes (5). Tous les cas dont
parlent ces auteurs , sont analogues à ceux dans lesquels on
administre ordinairement le Laurus sassafras*, le Guayacum
officinale, le Smilax salsaparilla , etc. etc. Il est vraisemblable 1
(1) Amoen. acad. VIII, pag. 73.
(a) Ouvr. c it. pag. 3o'.
(3) . L . p . pag. 73.
(4) Oiivr. cit. pag. 273.
(5) Ouvr, cit. pag. 358.