
L ’entomologie reclame depuis long-temps l’histoire complète de
tous les hyme'noptères qui vivent en société : comme elle n’est pas
très - difficile à faire , il faut espérer que quelque naturaliste ,
encouragé par la perspective des découvertes qu’elle promet, dirigera
ses vues vers ce sujet, qui lui annonce des jouissances et des succès.
Eu comparant, dans d’autres espèces, les mandibules des femelles
et des mâles , on reconnaîtra des modifications dans leur forme
qu’il ne faut attribuer qu’à l’influence sexuelle. Or , comme nous
manquons souvent de caractères extérieurs pour distinguer les sexes,
ce sera un moyen de plus pour nous les faire reconnaître.
J’ai trouvé, dans la forme des antennes , dans leur insertion et
dans le nombre d’anneaux dont elles sont composées, des données
assez satisfaisantes pour pouvoir assigner à ces organes la troisième
place dans mes caractères génériques ; cependant, je dois avouer
que je ne me suis déterminé à les employer que parce que je n’ai
pu trouver d’autres parties qui m’offrissent des caractères aussi
apparens et plus certains.
J’ai observé que la forme et le nombre des anneaux des antennes
variaient fréquemment chez les mâles et les femelles de la même
espèce : si nous avions des connaissances plus approfondies sur
les usages de ces organes singuliers , dans lesquels on a soupçonné
que résidait le sens du tact ou celui de l’odorat (1), nous pourrions
( i j M.1 Huber ayant retranché les antennes de quelques reines d’abeilles , et
observé de très-près le résultat de cette opération , s’exprime en ces termes, pag. 336 :
« Je conclus de ce que j ’ai v u , que les antennes ne sont point pour les insectes un
» frivole ornement $ elles sont, suivant toute apparence , l’organe du tact ou de
» l ’odorat ; mais je ne saurais décider duquel des deux sens elles sont le siège 5 il ne
» serait pas impossible qu’elles eussent été organisées de manière à remplir à la fois ces
» deux fonctions. »
en inférer que la nature en a voulu augmenter les résultats chez les
mâles , puisqu’ils ont souvent un plus grand nombre d’anneaux
aux antennes que leurs femelles 3 quoiqu’il en soit, et malgré ces
apparentes irrégularités, ces parties fourniront, fréquemment et à
Je rapporterai ici deux faits qui pourront peut-être jeter quelque lumière sur
ce sujet.
Un particulier de mes amis se promenant, en août, yers les cinq heures du soir,
dans sa campagne, peu distante de Genève , trouva une femelle de petit paon '
bombyx p a v on iam in o r , qu’il fixa à son "chapeau avec une épingle : à peine eut-il
fait quelques pas qu’il entendit bourdonner autour de lui ; c’était un mâle de celte
espèce qui vint se poser près de la femelle; fi fut p r is , et la promenade ayant été
prolongée pendant une heure , en procura treize semblables.
En septembre de l’année dernière , étant à la campagne , nous vîmes sorlïr d’une
de nos chrysalides la phalène femelle , bombyx rubi , qui fut tuée bientôt, après, et
renfermée dans une armoire : dans le moment où on la tua , elle répandit sur- le
plancher cette liqueur colorée que rejettent les femelles de papillons peu de temps
après leur dernière métamorphose. L e lendemain nous vîmes voler dans la chambre
un mâle de cette espèce, qui fût pris et tué. L e jour suivant il en vint un second
qui entra par le fenêtre d’une chambre voisine de celle où était la liqueur qui avait
été répandue par la femelle ; il ne tarda pas à se poser sur cette place, eu promenant
son derrière avec la même agitation que si la femelle y eût été, nous faisant connaître
ainsi la puissante influence de cette liqueur sur son sexe. Dans la soirée du même jour,
on vit un troisième mâle volant dans l’escalier; on le chassa, mais ce fut inutilementf
il s’obstina à vouloir entrer dans la chambre, qui était alors ouverte , où il trouva la
mort au lieu des plaisirs qu’il y cherchait.
Clés faits prouvent évidemment que l ’odeur seule a pu attirer ces mâles, et les
déterminer a braver les dangers: auxquels ils s’exposaient pour satisfaire leurs désirs.
Mais quel est clicz ces insec tes- l ’organe propre S recevoir des. émanations odorantes-
aussi légères ? Je présume que ce sont les antennes, et ce qui me porte à le croire, c’est
que les antennes de plusieurs insectes mâles ont une étendue beaucoup plus grande-
que celles de leurs femelle* 1 c’est à l’observation qu’il faut s’en référer pour vérifier
cette opinion ou en prouver la fausseté..
Hyménoptères. T ome 1 . B