
Les lignes dorsales et abdominales descendent ensuite, en augmentant
un peu de grosseur, jusque vers le milieu du corps, et
diminuent de nouveau vers la queue; elles représentent deux longs
cordons blancs, composés chacun d’une série de petites lignes
réunies angulairement ou brisées, légèrement renflées au niveau
de chaque angle , et envoyant, adroite et à gauche, des
filaments dont la ténuité est si grande qu’ils échappent souvent
à l’oeil, même armé d’une forte loupe. (PI. III, fig. y, c;
fig. i 3, e . )
Les cordons que nous décrivons sont situés en dedans du plan
des fibres musculaires longitudinales, et descendent au milieu de
vaisseaux et d’appendices nourriciers que nous ferons connaître,
et par lesquels ils sont cachés, principalement dans le tiers antérieur
du corps.
Celui qui règne au milieu de l’abdomen forme, autour de la
vulve, un cercle blanchâtre qui n’est pas très visible chez
beaucoup de femelles. Ils sont toujours d’un blanc mat, et
faciles a distinguer des fibres musculaires demi-transparentes et
comme gélatineuses sur lesquelles ils reposent. Je les ai examinés
avec soin sur plus de deux cents lombrics, et je ne les ai jamais
trouvés d’une autre couleur; ils se cassent axec beaucoup plus de
facilité que les fibres musculaires. Yus sous le microscope, ils ne
paraissent pas creux, ne présentent pas une texture fibreuse,
mais semblent formes par un tissu granulé, très fin, comme
médullaire , qui offre quelque analogie avec celui des lignes
latérales, sans être cependant jamais coloré en rouge ou en brun,
comme le leur.
La disposition de ces cordons longitudinaux, les renflements
successifs qu’ils éprouvent, les filaments déliés qu’ils donnent
de part et d’autre, leur réunion autour de la bouche, leur
couleur constamment blanche, et leur texture intime, peuvent les
faire considérer comme des nerfs munis de renflements ou de ganglions
(i). Mon opinion â cet égard acquerra encore plus de
force, quand j’aurai fait connaître la structure des lignes latérales,
qui diffèrent totalement de celles dont je viens de parler, et des
fibres charnues longitudinales (2). 1
(1) Les expériences que j’ai tentées avec la pile, pour m’assurer de la nature
de ces cordons, m’ont appris seulement qu’ils ne sont pas contractiles comme
les muscles, mais qu’ils peuvent transmettre le fluide galvanique à ces organes,
et déterminer ainsi leurs contractions. Lorsqu’on les irrite d’une manière mécanique,
les muscles voisins se contractent; cependant, comme les mèmès effets se
reproduisent lorsqu’on agit sur un faisceau de fibres musculaires, ces résultats ne
peuvent être regardés comme entièrement concluants en faveur de mon opinion.
(2) M. Rudolphi refuse des nerfs aux vers intestinaux. Il dit les avoir cherchés
en vain sur le strongle géant, l ’ascaride lombricoîde, l’échinorhynque géant, etc.;
et il termine en disant: Cerebro et nervis entozois ergononçpneessis, principium
nerveum reliquee materioe nuptum et immixtum sensorii qualiscumque nervorumque
functioniproeesse supponamus. (Entoz. , t. I , pag. 239.) Il pense que lès cordons
blancs du dos et du ventre de l’ascaride lombricoîde sont de nature musculeuse.
(Entoz., t. I , pag. 236.) Cette opinion n’est pas admissible. M. Laënnec, au
contraire, les regarde, ainsi que nous, comme formés par une réunion de ganglions
nerveux. (Dict. des scienc. me'd.,t. I I , pag. 242>)
Un savant aussi distingué que modeste, M. Otto, professeur d’anatomie à
Breslau , et ami de M. Rudolphi, s’est occupé avec beaucoup de patience
de l’organisation des vers intestinaux; il a reconnu avec nous l ’existence des nerfs
dans les ascarides lombricoïdes.
M. deLamarck admet également des nerfs dans les vers des intestins. Plusieurs
naturalistes ont cru devoir suspendre leur jugement sur l’existence des nerfs dans
cette classe d’animaux.
En assignant un système nerveux à l’ascaride lombricoîde, je suis heureux
de pouvoir m’appuyer de l’autorité de M. Cuvier, qui dit, en parlant des vers
intestinaux cavitaires :« Il paraît qu’il y a deux cordons nerveux , partant d’un
»anneau qui entoure la bouche et règne sur toute la longueur du corps, à la
» face interne de l’enveloppe. » M. Cuvier, ayant vérifié ce fait sqr divers ascarides,
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