
 
		Mais  la longue durée de ces monumens n’est pas due seulement  
 aux  propriétés  du  climat,  elle  résulte  sur-tout  des  efforts  de  ceux  
 qui  les  ont  élevés : car  on peut à peine  découvrir  sur  les  rives  du  
 Nil  les  ruines  des  édifices  Romains.  Les  premiers  Egyptiens  ne  
 reconnoissoient pour beau et vraiment digne d’admiration,  que ce  
 qui  est durable  et  consacré  par le  sentiment  de  l’utilité  publique.  
 Leurs  grands  travaux  eurent  d’abord  pour objet de rendre  le  territoire  
 plus  salubre,  plus  fécond  et  plus  étendu.  Ils  parvinrent  à  
 dessécher  de s  marais  et  des  lacs,  à  conquérir  des  provinces  entières  
 sur  les  déserts de la Libye,  à  compenser l’inégalité des inondations  
 par  une heureuse prévoyance et par  les merveilles  de l’art.  
 Ils  fondèrent  leurs  villes  sur  d'immenses  chaussées :  détournant à  
 leur  gré  le  cours  du  fleuve,  ou  le  divisant  en  de  nombreux  canaux, 
   ils  virentrs’élever  du  sein  des  eaux,  et  créèrent,  pour  ainsi  
 dire, eux-mêmes,  ces  belles plaines  du Delta, qui devoient bientôt  
 devenir  si  opulentes. L ’uniformité du climat,  l’ordre  invariable des  
 phénomènes  physiques,  concoururent  à  imprimer  à  ces  peuples  
 ce  caractère  profond  de  gravité  et  de  constance  qui  distingue  
 leurs  institutions.  Non  contens  d’orner  les  bords  du  Nil  de  tant  
 de monumens  immortels/ils  entreprirent  des  travaux  prodigieux  
 dans  l’intérieur  des  rochers  qui  limitoient  leur  territoire;  et  cette  
 Egypte  souterraine  égaloit  en magnificence celle qu’ils habitoient,  
 et  que  tous  les arts  ayoient enrichie. 
 Ils  considéroient en  quelque sorte comme  éternel  ce qui appar-  
 tenoit à leur religion  et à leur gouvernement; ils étoient entretenus 
 dans  cette  pensée  par  l’aspect  continuel  des  grands  monumens  
 publics,  qui  demeuroient toujours  les mêmes,  et qui paroissoient  
 n’être  point soumis  à l’action  du temps.  Leurs  législateurs  avoient  
 jugé que cette impression morale contribueroit à la stabilité de leur  
 empire.  C ’est  dans  les mêmes  vues  que  ce  peuple  a  gravé  sur  ses  
 palais, sur  ses  temples  et  ses  tombeaux,  lés  images  de  ses  dieux  
 et de ses  rois, les observations du ciel,  les préceptes sacrés, le spectacle  
 de  son  culte  et  celui  de  la  société  civile.  Toutes  ces  sculp:  
 tures,  et même les plus imparfaites,  exciteront un  vif intérêt : elles  
 sont  les  traces  les  plus  anciennes  que  l’homme  ait  laissées  sur  la  
 terré;  elles appartiennent à cette  antique  civilisation  de  l’Asie,  qui  
 à précédé  tous  les  temps  historiques  de  la Grèce ;  elles  nous  font  
 entrevoir  ce  qu’étoient  alors  l’esprit  et  les moeurs  des  nations. 
 On  ne pourra point admirer les ouvrages de l’Egypte,  ni se rappeler  
 les époques de sa gloire, sans  considérer les malheurs que lui  
 a causés la perte de ses lois, de ses lumières et de son indépendance.  
 On appréciera toute l’influence de ses institutions; on  les regardera  
 comme une source morale de prospérités, qui n’étoit pas moins nécessaire  
 à ce pays, que le fleuve qui l’arrose; on comparera sur-tout  
 l’état  déplorable  dans  lequel  il  est  tombé,  avec  l’opulence  que  lui  
 procureroit,  en peu d’années, une administration plus sage. 
 Ainsi  l’étude de l’Egypte,  si  féconde  en  grandes  pensées  et  en  
 souvenirs  utiles ,  nous  avertit  encore  que  le  développement  de  
 l’intelligence  et  de  l’industrie  est  attaché  au  maintien  de  l’ordre  
 public;  elle  nous  fait  mieux  connoître  le  prix  des  lois  et  d’un