
mer Française, seroit pour jamais mise à l’abri des incursions des
pirates.
On voit par-là combien la fondation de cette nouvelle colonie,
à l’extrémité d’une mer étroite et voisine, et dans une des plus
belles contrées de la terre, différé de ces entreprises lointaines
qui obligent de créer des établissemens dispendieux, exposés à
toutes les incertitudes de la guerre, et que, même pendant la paix,
on ne peut conserver sans multiplier les victimes de 1 insalubrité
du climat. On n’auroit point à y transporter, comme esclaves, des
cultivateurs étrangers; et, loin dexercer aucune violence contre les
indigènes, on leur rendroit tout ce qu’un gouvernement imprudent
et tyrannique leur a enlevé.
Le projet que nous exposons méritoit donc, en effet, les méditations
d’un grand homme : il n’a rien que d’utile et de glorieux;
il est favorable à nos alliés; il assure aux peuples voisins une
condition meilleure; il ouvre l’Asie aux plus vastes desseins; et,
ce qui est d’un prix inestimable, il unit les avantages politiques de
notre patrie aux vrais intérêts des autres nations.
L ’état de l’Europe n’a point permis que 1 Egypte reçût les dons
qui lui étoient offerts : mais le souvenir de l’expédition Française
ne sera point sans fruit. Le gouvernement de Constantinople con-
noîtra tous les avantages qu’il pourroit retirer, en donnant à cette
province une meilleure administration. Il jugera facilement quelles
étoient les vues de celle des puissances Européennes qui s est
attachée à rétablir le pouvoir des Mamlouks. Il ne pouvoit y avoir
de moyen plus assuré de priver l’Égypte des avantages qui lui
sont propres, que de la livrer à ses premiers oppresseurs, également
ennemis du bien public et de l’autorité légitime. Enfin la
cour Ottomane puisera des conseils utiles dans la collection que
Ion publie aujourdhui. Elle pourra recourir aux arts de lOcci-
dent, obtenir d’elle-même une grande partie des résultats que lui
assuroit le concours de nos armes, et réaliser ainsi les voeux que
la France avoit formés.
Si l’on s’attache maintenant à distinguer les moyens qui pou-
voient le plus contribuer au succès de ces vues, on reconnokra
combien il étoit important de favoriser les progrès des arts et des
sciences. II ne peut y avoir, en effet, aucune circonstance où il
soit aussi nécessaire d’en faire l’application. II falloir étendre et
enrichir le domaine de l’agriculture, étudier le cours du fleuve et
assujettir les irrigations à un plan général, faire communiquer les
deux mers, assurer la navigation du golfe Arabique, établir des
arsenaux et des ports. On avoit à observer un climat presque inconnu,
à porter dans les contrées voisines les recherches de l’histoire
naturelle et de la géographie, à diriger le commerce, à perfectionner
les tissus et les teintures, l ’exploitation du natron, la
fabrication du sucre, celle du sel ammoniac et de l’indigo; en un
mot, à créer une industrie nouvelle, et à la seconder de toutes
les découvertes de l’Europe.
Aussi le projet de ramener sur les rivages du Nil les sciences,
si long-temps exilées, excita une reconnoissance universelle pour