quelle grandeur d’ame il honora sa captivité. II racheta ensuite
les siens, donna Damiette pour sa rançon, et s’embarqua pour
Ptolémaïs.
A cette époque, les nations Européennes égaloient à peine celles
de l’Asie; elles n’avoient point acquis cette supériorité de puissance
aujourd’hui si marquée, et qui résulte du progrès de tous les arts.
Les usages de la guerre étoient presque les mêmes et également
imparfaits de part et d’autre. Des peuples qui ont reçu de la nature
un courage indomptahle, et qui avoient alors l’avantage d une
meilleure discipline, devoient donc se défendre avecrsuccès sur leur
propre territoire. Ils détruisirent des armées innombrables, mais con
fuses, que l’Occident renouveloit sans cesse en perdant plusieurs
millions de ses hahitans. L ’état respectif des nations est entièrement
changé depuis le seizième siècle. Les unes ont perfectionné
le gouvernement civil, la tactique, l’emploi de l’artillerie, la composition,
l’entretien et la conduite des armées : les Orientaux,
au contraire, ont négligé toutes les inventions qui concourent au
succès de la guerre, ou n’y ont fait que des progrès très-bornés.
Tel est l’ascendant des lumières et l’influence des usages militaires
et des arts, que ces mêmes contrées dont les peuples repoussèrent
pendant deux cents ans les efforts de toute l'Europe, ne pourroient
plus aujourd’hui être défendues par leurs maîtres actuels contre
une seule de nos armées ; en sorte que la possession n en est garantie
que par les traités, et par des oppositions réciproques entre les
grands Etats de l’Occident.
L ’Egypte cessa, au commencement du seizième siècle, d’être
gouvernée par des princes indépendans, et fut conquise par les
Ottomans, soixante-quatre ans après la prise de Constantinople.
Sélim I.", père du célèhre Soliman II, avoit été porté à l’empire par
la faveur des janissaires; La reheflion lui avoit donné le trône ; il
s’y maintint par un parricide, et fit ensuite périr ses frères ; avant
d’exécuter ses vastes projets sur l’Asie. Il ne tarda point à menacer
la Perse, l’Égypte et la Syrie, et conquit rapidement ces deux dernières
provinces sur les sultans Mamlouks, qui ne jouissoient que
d’une autorité incertaine, et pouvoient.à peine se défendre contre
les trahisons de leurs lieutenans. Sélim leur livra deux batailles,
l’une à Alep, où le sultan Cansou el-Gauri perdit la vie, et l’autre
à son successeur Touman-bey, à peu de distance du Kaire. Les
troupes Ottomanes étoient beaucoup plus nombreuses, et les
Mamlouks n’avoient point encore adopté l’usage de la mousque-
terie. Leur dernier sultan fut livré au vainqueur, et pendu sous
l’une des portes de la ville. On rassembla un très-grand nombre
de Mamlouks qui furent massacrés, ou jetés dans le fleuve.
Alexandrie ne tarda point à se soumettre. Les peuples voisins
furent remplis d épouvante. Le chérif de la Mecque vint offrir des
présens à Sélim, qui, voulant joindre l’autorité sacrée à la puissance
des armes, se fit reconnoître pour protecteur et chef héréditaire
de l’islamisme. Ismaël sofi envoya au Kaire une ambassade
solennelle, pour obtenir la paix.
La mort de Sélim interrompit le cours de ses victoires. Soliman