que ces préparatifs troubloient toute l’Asie mineure et la Syrie,
ce pâchâ fit occuper d’avance les places frontières par son avant-
garde : il étoit bien éloigné de prévoir qu’il auroit à soutenir lui-
même une guerre défensive.
Tout annonçoit que l’Égypte seroit attaquée par mer, aussitôt
que la saison auroit rendu les débarquemens possibles ; on devoit
faire marcher en même temps les troupes réunies dans la Syrie,
et celles que les beys auroient pu conserver dans le Saïd. Le
Général en chef, qui avoit pénétré les desseins des alliés, jugeant
qu’il devoit s’écouler encore quelques mois avant qu’on pût entreprendre
aucun débarquement, résolut de se porter rapidement,
avec douze mille hommes, dans la Syrie, de dissiper les forces
qu’on y rassembloit, et de revenir aussitôt pour s opposer à 1 expédition
dont les côtes étoient menacées. Un tel projet ne pouvoit
être exécuté que par une armée intrépide, exercée à toutes les
vertus militaires; et en effet, l’histoire détaillée de cette campagne
offriroit des traits inouis de la valeur Française. Il falloit pénétrer,
sous un ciel ardent, au-delà d’un désert immense et inconnu, et
envahir subitement une contrée étrangère, défendue par des forces
supérieures. Une flotte Anglaise occupoit la mer; les habitans des
villes et les Arabes errans étaient armés contre nous. Cette terre
ennemie n’avoit rien qui ne nous fût contraire, et nos soldats ne
pouvoient y faire un pas sans rencontrer un nouvel obstacle : mais
une confiance inaltérable les élevoit au-dessus de tous les périls ;
ils s’avancèrent rapidement dans le vaste désert qui les separoit
de la Syrie. Le fort d el-Arych avoit capitulé ; la ville de Gaza se
soumit; on s empara de vive force de l’ancienne Joppé; on s’établit
dans le port de Caiffa : on trouva dans ces places, et sur divers
autres points, des munitions et des équipages de guerre, des magasins
considérables, et des approvisionnemens de toute espèce.
Les premieres divisions de I armée ennemie, secondées par les
Mamlouks et les Arabes, s étoient déjà avancées dans cette partie
de la Syrie : surprises dans leur camp et continuellement repous-
sees, elles abandonnèrent, avec les places, toute I’artiííerie et
les effets de guerre que nécessitait 1 expédition projetée contre.
l’Egypte. Enfin les commandans des troupes Turques, qui avoient
une cavalerie très.nombreuse, entreprirent de réunir toutes leurs
forces à celles de leurs auxiliaires, et de les porter contre les Français,
pendant qu’ils assiégeoient la ville d’Acre, où Ahmed Gezzar.
s étoit retiré. Mais le Général en chef les prévint encore, et jugea
bientôt nécessaire de leur livrer une bataille décisive, afin de les
repousser vers Damas. Attaqués dans le même instant sur les points
les plus éloignés, ils ne purent résister à ces mouvemens impétueux
et inattendus : ils se virent tout-à-coup séparés de leur camp, privés
de leurs magasins, et comme investis de toutes parts. Plusieurs
milliers d'entre eux succombèrent à Esdrelon, ou dans les actions
précédentes ; les autres trouvèrent à peine leur salut dans une retraite
tumultueuse et précipitée. Les Français s’étoient emparés
d avance des lieux qui auroient pu servir de refuge à l’ennemi;
ils suppléoient au petit nombre par la célérité incroyable des