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le Héros qui l’avoit conçu. Cette pënsée portoit toute l’empreinfe
dé son génie. Elle rappeloit lanciennë gloire de Thèbes et de
Memphis, et le séjour des muses Grecques' dans là capitale des
successeurs d’Alexandre; ët ellè faisoit mieux connoître futilité et
fétendue de l’entreprise que ion alloit former. Loin dadmettrè
dans les sciences une distinction qui ne saccordoit point avec
l’élévation de ses vues, celui qui les associoit à son triomphe,
les considéra toutes comme ne formant quune meme famille. II
voulut que l’on cultivât, en même temps,les diverses branches de
la littérature et de la philosophie. On appela les sciences de calcul
, qui fournissent des principes exacts aux usages lès plus im-
portans; les sciences physiques, et celles qui ont pour objet Ietude
et la description de la nature; les arts dont l utilité est immédiate
-et sensible, et les arts non moins précieux qui concourent a 1 éclat
du gouvernement, et procurent les plus nobles jouissances de I esprit.
Par l’effet de cette sage disposition, l'Egypte pouvoit devenir
en peu de temps, non-seulement une colonie, mais en quelque
sorte une province Française, et offrir à ses nouveaux habitans
l’image de leur propre patrie. Ce furent ces considérations qui
inspirèrent le dessein d’établir un corps littéraire dans la capitale
du pays que nos armes alloient soumettre. On vient de rappeler
les diverses époques de l’histoire de l’Égypte, les faits qui ont précédé
l’expédition Française, les motifs et les vues d’après lesquels
on l’a entreprise et dirigée; il faut maintenant offrir à l’attention du
lecteur les principales circonstances de ce grand evenement.
Les Français qui devoient concourir à cette expédition, avoient
été rassemblés sur divers points des côtes de la Méditerranée :
ils ignoroient le but vers lequel ils alloient être dirigés , et for-
moient à ce sujet les conjectures les plus opposées. L ’ardeur guerrière,
le feu de la jeunesse, l’incertitude, agitoient les coeurs; la
présence d’un Héros inspiroit une confiance unanime. Son nom
seul fixoit toutes les- espérances ; et l’on éut un exemple de cet
ascendant suprême qu’exèrcent sur toutes les âmes la gloire et
le génie.. .
La flotte. Française, sortie de la rade de Toulon, et réunie aux
divisions formées dans les ports de l’Italie, s’arrêta bientôt à la vue
de Malte, dont le gouvernement s’étoit déclaré depuis long-temps
en état d hostilité. Cette île, vivement attaquée, n’opposa qu’une
résistance inutile; elle fut promptement soumise, et reçut une garnison
Française. Huit jours s’étoient à peine écoulés depuis que
nos vaisseaux avoient paru devant Malte, et déjà cette flotte immense
s’àvànçoit rapidement vers lEgypte. Lorsqu’on atteignit la
côte d’Alexandrie, la mer, violemment agitée, rendoit l’accès difficile
et dangereux; mais le moindre retard pouvoit devenir funeste:
le débarquement fut effectué aussitôt. Un corps de troupes Françaises
marchoit sur Alexandrie, avant la fin de la nuit, et le Général
en chef étoit à la tête des colonnes. Les habitans entreprirent
une défense vive, et opiniâtre : on ne put alors les Convaincre
que cette guerre étoit seulement dirigée contre les Mamlouks, et
non contre les sujets fidèles de la Porte. Mais aucun obstacle ne