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Mohammed-bey se montra plus soumis aux ordres de la Porte;
il acquitta les tributs, et, ayant reçu le titre de pâchâ du Kaire, il
marcha en Syrie contre l’Arabe Dâher, parvint à s’emparer de
Jaffa, et conduisit à Acre ses troupes victorieuses: il y mourut
presque subitement d’une maladie contagieuse. Deux de ses Mamlouks,
Ibrahim et Mourad, succédèrent à son autorité, et imitèrent
la conduite d’Aly-bey. On suscita contre eux Ismael, qui
avoit trahi ce dernier. II forma une faction assez puissante pour
obliger ses rivaux de quitter la capitale. Réfugiés dans le Said, ils
parvinrent à se concilier plusieurs beys du parti vainqueur, et ne tardèrent
point à déposséder Ismaël. Ils commirent alors des vexations
multipliées qui les rendoient de plus en plus odieux, et ils élu-
doient, par tous les moyens possibles, 1 autorité du grand-seigneur.
Hassan, capitan pâchâ, fut chargé par sa cour de punir leur
rébellion; il arriva au Kaire avec des forces peu considérables,
éloigna Ibrahim et Mourad, envoya à Constantinople une partie
des dépouilles de leurs partisans et des produits de ses concussions.
Rappelé par la guerre avec la Russie, il termina son expédition
en concédant aux deux beys une grande partie du Saïd,
et laissa le gouvernement de l’Égypte à Ismaël-bey. Ce dernier
mourut de la peste en 1 7 9 1 . La contagion enleva, dans le printemps
de cette année, le tiers de la population du Kaire : la moitié
des Mamlouks attachés à Ismaël succomba; et il mourut dans cette
ville plus de soixante mille habitans depuis le 9 avril jusqu au 2 6.
Ibrahim et Mourad, divisés par des rivalités anciennes, mais
retenus par le sentiment de l’intérêt commun, rétablirent leur
pouvoir dans la capitale. Ils se livrèrent ensuite à des violences
effrénées, méprisant les ordres de leur souverain, imposant de
nouveaux droits, sans discernement et sans mesure, sur le commerce,
1 agriculture et 1 industrie, et enlevant les grains nécessaires
à la subsistance des habitans, dont un grand nombre expiroit sans
secours.
Les négocians étrangers ne furent point garantis de cette oppression;
les Français, sur-tout, essuyèrent des vexations et des outrages
qui demeurèrent long-temps impunis. Les beys parurent
croire que l’état politique où la France se trouvoit alors, justifioit
ces injures, et se persuadèrent que son nouveau gouvernement
n’en pourroit obtenir aucune satisfaction. En effet, les représentations
adressées à ce sujet: à la cour de Constantinople furent
inutiles ; cette puissance ne fit aucun effort_pour punir lea usurpateurs
de l’Egypte, ou réprimer leur conduite violente envers ses
alliés. Les extorsions et les insultes se renouvelèrent et entraînèrent
la ruine de nos maisons de commerce. On ne pouvoit point les
abandonner, sans livrer à des nations rivales des avantages que l’on
devoit aux plus anciens traités, et sans donner un exemple de foi-
blesse qui seroit devenu fatal à tous les établissemens Français. Il
falloit donc consentir à cette exclusion du commerce du Levant,
et tolérer des outrages publics, ou trouver la sécurité dans l’exercice
de ses propres forces.
Ces circonstances ont appelé les Français en Egypte, et ce pays