En établissant un ordre nouveau dans les finances, on en avoit
confié la direction générale à un administrateur sage et intègre,
qui s’étoit concilié depuis long-temps l’estime de l’armée et l’affection
des habitans ; il avoit examiné avec beaucoup de soin les différentes
sources des revenus publics, et connoissoit tous les avantages
qu’un gouvernement juste et éclairé doit attendre de la possession
de l’Egypte. II en a formé le tableau, pour servir d’introduction au
compte général qu’il a rendu de l’administration des finances pendant
la durée de l’expédition. On a extrait de cet ouvrage, dont
la publication est différée, les mémoires qui sont insérés dans cette
collection ; ils contiennent un grand nombre de résultats qu’on
n’auroit point obtenus sans des circonstances aussi favorables, et
que l’on doit regarder comme des élémens précieux de l’histoire
moderne de l’Egypte.
Des réglemens équitables ranimèrent le commerce extérieur,
que le gouvernement des Mamlouks avoit presque anéanti. Telle
fu t!’ influence de ces dispositions, que, malgré les obstacles nombreux
qui résultaient de l’état de guerre, on put conserver ou rétablir
des relations utiles avec l’Archipel, les côtes d’Arabie et les pays
intérieurs de I Afrique. De nouveaux ouvrages publics concouraient
à l’embellissement ou à la salubrité de la capitale et d’Alexandrie.
Les indigènes cessèrent peu à peu de se croire étrangers à la
nation Française; la confiance mutuelle faisoit chaque jour des
progrès sensibles. Cette heureuse disposition des esprits, dont
1 histoire doit garder le souvenir, a été connue de tous ceux qui
ont entretenu des relations familières avec les habitans de l’Egypte;
elle a été particulièrement observée par l’auteur même de ce discours,
qui participoit au gouvernement civil èn dirigeant l’administration
de la justice.
Le temps seul pouvoit éprouver et affermir ces nouvelles institutions;
la guerre les renversa tout-à-coup et n’en laissa subsister
aucune trace. Le succès de l’expédition d Egypte, qui promettait
aux nations Européennes des communications importantes, avoit
répandu en Angleterre l’inquiétude et l’effroi. Cette puissance se
détermina à des efforts extraordinaires ; et la cour Ottomane,
rérïnnt à des motifs superstitieux, partagea les vues de ses nouveaux
alliés. On résolut de faire attaquenies notes de_Ia Méditerranée par
une armée Anglaise, et de soutenir cette expédition par un corps
de janissaires et d'Albanais, que le capitan pâchâ devoit commander.
On appela aussi une partie des troupes Anglaises de l’Inde et
du cap de Bonne-Espérance, qui reçurent l’ordre de pénétrer dans
le golfe Arabique, et de descendre en Egypte par les ports de Suez
et de Cosseir. Enfin le vizir devoit s’avancer sur la capitale, à la tête
de l’armée Ottomane de Syrie. Toutes les parties de ce plan d invas
i o n furent concertées avec beaucoup de soin, et exécutées dans
le même temps; on apporta, dans les mouvemens des troupes,
autant de précision que purent le permettre l’extrême distance des
lieux et lïnvincibje opiniâtreté des Musulmans. Ibrahim et ses
Mamlouks marchoient avec le vizir; les tribus Arabes, soulevées
par les exhortations du nouveau prophète Muley Mohammed,