de l’Asie, ils peuvent de là menacer continuellement les riches
possessions d’un État ennemi, et porter le trouble ou la guerre
jusqu’aux sources mêmes de son opulence.
Les relations qui s'établiraient bientôt entre lÉgypte et les
établissemens situés dans l’Arabie, laPerse, llndostan et lAfrique,
procureroient les échanges les plus profitables à la France et aux
peuples qui naviguent dans la Méditerranée. On imiterait en cela
l’heureuse industrie à laquelle les Vénitiens durent leurs richesses,
qui leur donna long temps des forces maritimes supérieures à celles
de presque toutes les puissances méridionales, et cessa bientôt
lorsque les destinées de l’Égypte furent changées.
En effet, le commerce de l’Inde avec les autres États a presque
toujours eu lieu par l’échange des métaux preeieux. Ces rapports
subsistent depuis un temps immémorial; et toutes les nations
opulentes ont payé ce tribut, en donnant, pour prix des productions
de l’Orient, une quantité considérable d’or et sur tout d argent,
qui s’y accumule sans retour. Mais les Vénitiens paraissent
avoir entretenu avec ces contrées des relations d une autre nature.
L ’Égypte, devenue pour eux le principal dépôt des richesses du
monde entier, recevoit, outre les bois et les métaux utiles, les
objets de leurs propres manufactures ; ils en retiraient les marchandises
précieuses de l’Inde, de l’Arabie, de la Syrie et de la
Perse, et les distribuoient dans toute l’Europe.
Ainsi l’Égypte n’est pas seulement utile par ce quelle possédé,
elle l’est encore par ce qui lui manque. On serait assure de placer
dans cet établissement des étoffes précieuses, des draps légers,
des vins, et des produits d’une industrie variée. On y transporterait
le fer, le plomb, et sur-tout les bois destinés à la construction
des édifices et a celle des navires. C est en partie au moyen de ces
échangés, que Ion acquerrait les marchandises les plus estimées
de llnde, et on se les procurerait aussi par des communications
immédiates. Indépendamment des ports qui seraient ouverts ou
rétablis sur les deux cotes de la mer Rouge, on verrait se former,
dans les autres points de cette voie du commerce des Indes, des
établissemens qui rendroient la navigation plus agréable et plus
sûre, et se prêteraient un appui mutuel.
Nous pourrions aussi nous elever à des considérations plus générales,
et prévoir lïnfluence qu’une colonie Française, aussi favorablement
située, exercerait sur l’état des contrées voisines. L ’Arabie
et la Syrie partiçiperoient aux premiers avantages; le commerce
y jouirait d abord dune sécurité jusqu’ici inconnue; l’industrie et
1 agriculture y prendraient un nouvel essor. On pourrait contracter
des alliances utiles et durables avec la Perse et les autres
monarchies de lAsie. On pénétrerait de toutes parts dans le
vaste continent de 1 Afrique ; on y découvrirait les fleuves intérieurs,
les montagnes et les mines de fer et d’or quelles renferment
en abondance. Enfin on pourrait espérer que le gouvernement
de lÉgypte ferait régner l’ordre et la paix sur les côtes septentrionales
de 1 Afrique, en soumettant les habitans à une police
plus humaine et plus sage. Alors la Méditerranée, devenue une