fa Porte. Les plus soumis différaient d’acquitter ie foible tribut
quelle éxigeoit, les autres le refusoient ouvertement. Ils epuisoient
par leurs exactions le commerce intérieur, celui de 1 Europe, de
l’Arabie et de l’Afrique, l’agriculture et tous les arts utiles, et ils
exerçoient sur les peuples une autorité odieuse et effrénée.
Les armes Françaises -avoient délivré l’Égypte, plutôt qu’elles
ne l’avoient conquise. Cette terre malheureuse, et jusque-là inutilement
féconde, alloit passer rapidement à un état prospère. L issue
de cette révolution, qu’une seule puissance de l’Europe pouvoit
redouter, n’étoit point opposée aux intérêts de l’empire Ottoman:
elle aurait, au contraire, augmenté ses revenus, et affermi son
autorité dans deux provinces importantes. La cour de Çonstan-
tinople devoit préférer le plus ancien de ses alliés à des sujets
rebelles. Loin de perdre l’Égypte et la Syrie, elle les recouvroit
en quelque sorte. Elle voyoit se former, sous la protection dune
armée puissante et secondée de tous les arts de lOecident, un
établissement qui promettoit aux deux nations des avantages immenses,
et pouvoit soutenir, dans l’Asie et dans 1 Afrique, Iéclat
du nom Ottoman. Mais ces motifs ne furent point appréciés : les
officiers de l’empire capables de les discerner furent déposés et
exilés. La victoire navale d’Aboukir, dont une politique habile exagéra
les avantages, fixa l’opinion encore incertaine de ce gouvernement
; il se livra aux suggestions des ennemis de la France, qui
lui inspiroient leurs propres alarmes; et il fut bientôt entraîné dans
une euerre et dans une alliance O contraires à ses vrais intérêts.
Le Chef de 1 expédition Française avoit fait les plus grands
efforts pour prévenir cette rupture. II dirigeoit ses armes contre
les seuls ennemis de la Porte, faisoit respecter le nom du grand-
seigneur comme celui du souverain légitime, et maintenoit soigneusement
les usages religieux et politiques. Son armée agissoit
en Egypte comme auxiliaire de la Porte : jamais cette province
n avoit été mieux gouvernée, ni plus favorisée dans l’exercice de
son culte; elle n’avoit jamais obéi à des çhefs plus disposés à
reconnoître l’autorité de Constantinople. Mais sa prévoyance lut-
toit seule contre tous les obstacles, et ne fut secondée en France
que parle projet d’une négociation insuffisante et tardive. II jugea,
dans cette conjoncture, qu’on auroit bientôt â défendre I’Égypte
contre des forces considérables, et conçut un projet d’une hardiesse
extraordinaire, celui de prévenir cette attaque, et de porter
la guerre dans le coeur même de la Syrie.
Ce pays étoit en partie sous la domination d’un homme que ses
cruautés et ses perfidies avoient rendu célèbre dans tout I Orient.
Ahmed Gezzar avoit été long temps esclave au Kaire, où on l’avoit
puni pour des vols domestiques; il s’étok signalé, même parmi
les Mamlouks, par une fourberie et une férocité extraordinaires, et
avoit trahi successivement Aly-bey, les Druses, les Arabes, et la cour
de Constantinople : il étoit alors gouverneur de Séide, et résidoit
à Acre, l’ancienne Ptolémaïs. II parut embrasser la cause des beys
dEgypte, et, dissimulant des projets plus ambitieux, s’offrit pour
diriger l’expédition qui se formoit contre l’armée Française. Tandis