nombreuses. Iis étoient alors gouvernés par des princes ambitieux,
guerriers et politiques, à qui l’Europe divisée n’opposoit
qu’une résistance incertaine. Si la découverte de Gama ne les eût
privés de cet accroissement de force, H est vraisemblable qu’ils
auroient envahi une grande partie dès États Chrétiens, et que ces
contrées, si florissantes et si polies, gémiroient aujourd’hui sous
une autorité étrangère, ennemie des connoissances utiles et des
beaux-arts.
Le commencement du seizième siècle marque donc une époque
fatale dans l’histoire de l’Égypte. Conquis et dépoudle, séparé de
la Syrie, ce pays ne forma plus un État indépendant; il fut livré
à l’avarice ambitieuse des pâchâs, et tomba ensuite dans la plus
déplorable anarchie. Un conseil supérieur, formé des principaux
chefs des milices, et dirigé par le vice-roi, participoit aux soins du
gouvernement. L ’administration et la police des provinces étoierit
confiées à plusieurs beys Mamlouks subordonnés au conseil, et
qui ne devoient exercer qu’une autorité limitée. La rébellion de
plusieurs pâchâs porta la cour de Constantinople à favoriser l’influence
des chefs des milices. Ces derniers composoient leurs
maisons d’esclaves étrangers, que l’on formoit dès leur première
jeunesse aux exercices des armes, et qui parvenoient souvent
aux charges les plus importantes. Vers le milieu du dernier
siècle, Ibrahim et Rodouân, chefs des janissaires et des azabs,
portèrent un grand nombre de leurs Mamlouks aux premiers
emplois; et ayant uni leurs intérêts, ils se rendirent maîtres du
gouvernement. Ils ne laissèrent au pâchâ que la dignité apparente
de sa place, èt lui ravirent en effet l’exercice du pouvoir..
Aly-bey, sorti de la maison d’Ibrahim, affecta l’autorité souveraine,
sous le titre de gouverneur de la capitale. Après avoir fait
mettre a mort ses ennemis et ses rivaux, et affermi sa puissance
dans le Sa'id, il fit occuper la ville de la Mecque, et.y rétablit
I ancien chérif Abd-allah, de qui il vouloit par la suite recevoir
le titre de sultan dÉgypte. II se proposoit aussi de former,
dans le port de cette ville, un établissement fixe pour le commerce
des Indes. L a guerre que la Porte avoit à soutenir contre la Russie,
et la rébellion du cheykh Dâher, qui avoit un parti nombreux, en
Palestine, favorisèrent les projets d’Aly-bey. Il envoya des troupes,
dans la Syrie; et ses lieutenans, réunis au cheykh, mirent en fuite
les pâchâs des provinces voisines. Les conseils d’Ismaël-bey et les
insinuations de la Porte detacherent bientôt du parti d’Aly, son
affranchi Mohammed-bey, qui commandoit l’armée de Syrie. Ce
dernier abandonna sa conquête, et retourna au Kaire. F.vife
quelque temps après par son maître, il parvint à se former un parti
puissant ; alors il quitta le Saïd pour s’établir dans la capitale. Aly-
bey se retira auprès de Dâher son allié : il avoit sollicité des secours
de la Russie; mais il perdit sa puissance avant que la négociation
fût terminée. Trompé par des rapports infidèles, il s’empressa de
revenir en Égypte, et fut blessé dans un combat qu’il soutint, à
Sâlehyeh, contre ses anciens esclaves; il mourut au Kaire des suites
de sa blessure.