
progrès extraordinaires. Les entreprises exécutées par Colomb et
Vasco de Gama tenoiént tous les esprits en suspens. Les Portugais
et les Espagnols, sortis de leurs ports en suivant des routes contraires,
étoient surpris de se rencontrer à la même extrémité de
l’Asie. Le désir de s’emparer du commerce de l’Orient avoit excité
ces découvertes; et en effet, les riches productions des Indes suivirent
une voie jusqu’alors inconnue. L ’Égypte, où elles se rassem-
bloient depuis tant de siècles, et qui les transmettoit à divers pays
d Europe et d’Afrique, perdit les avantages quelle tenoit du fondateur
d Alexandrie. Les conquêtes des Portugais nuisirent surtout
aux Vénitiens, qu’une ligue formidable n avoit point anéantis,
et qui se trouvoient à toutes les issues du commerce des Indes ; ils
virent leur grandeur décroître et s’évanouir sans retour. Enfin les
relations qui unissoient une multitude de villes et d états, furent
bientôt interrompues.
En même temps le génie inquiet et ambitieux de.s Européens
étahlissoit des rapports nouveaux entre les parties du monde les
plus éloignées. Impatiens d’employer les nouveaux instrumens de
leur puissance, ils se servoient de la boussole pour se diriger
sur des terres inconnues, et des armes à feu pour en subjuguer les
peuples. Ils trouvoient, dans les mines de l’Amérique, les métaux
précieux qui étoient nécessaires pour multiplier les échanges de
l’Orient, et disposoient des habitans de l’Afrique pour la culture
des possessions nouvelles.
LesVénitiens unis aux Mamlouks, et ensuite les princes Ottomans,
firent d inutiles efforts pour détruire, dans.Ies mers Orientales, les
étahlissemens des Portugais. Les premiers proposèrent de transporter
des bois de la Dalmatie sur les.bords du Nil, et de là à
Suez,-pour la construction d’une flotte. On obtint d’abord quelques
avantages de I emploi de ces forces ; mais les expéditions du sultan
el-Gauri, celles de Sélim et de Soliman, ne purent arrêter les progrès
des conquérans de l'Inde. Si l’on ajoute foi aux relations de
quelques voyageurs, l’Égypte fut menacée, à cette époque, d’une
révolution, encore plus funeste , et qui n’eût été suivie d’aucune
autre. Ils assurent que les princes d’Ahyssinie, alliés de la cour
de Lisbonne, entreprirent de détourner le cours du Nil vers la
mer Rouge, afin de rendre pour jamais stériles les contrées que
ce fleuve couvre de ses inondations annuelles. II étoit inutile que
le vainqueur de Goa, de Malaca, d’Ormuz, recourût à ce chimérique
projet : il servit mieux les intérêts de son pays en détruisant
toutes les .flottes ennemies. Sous Albuquerque et ses successeurs,
les vaisseaux du roi Emmanuel pénétrèrent dans la mer Rouee
et jusquà Iextrémité du.goJfe, afin qu’il n’.y eût aucun point des
immenses rivages de I Océan Asiatique qui ne connût la domination
Portugaise.
Cette puissance excessive devoit être de peu de durée; mais elfe
eut une influence remarquable sur les destins de l’Occident. En
effet, les Ottomans, devenus maîtres de l’Égypte, auroient disposé
des richesses de l’Inde; ce commerce leur eût donné une marine
formidable et toutes les ressources qu’exige l’entretien des armées