
est devenu le théâtre d’un des plus grands événemens de l’histoire
moderne. Aux motifs que l’on vient de rappeler, se joignoient la
considération des avantages que promettoit un établissement fixe
clans le Levant, et 1 espoir de s accorder avec la Porte Ottomane,
en l’éclairant sur ses vrais intérêts, et en lui offrant toutes les
garanties qu elle pourroit demander.
En effet, le concours des arts de l’Europe et l’influence d’un gouvernement
régulier changeroient bientôt la situation de l’Egypte.
L ’agriculture, secondée par une administration prévoyante, y ferait
en peu de temps des progrès considérables. On sait que la
fécondité du sol est entretenue par les inondations annuelles. Les
travaux agricoles consistent principalement dans les irrigations;
mais aujourd’hui la répartition des eaux est irrégulière et imparfaite.
Les canaux qui les apportent, sont tracés sans réflexion et
sans art; elles- arrivent dans certains lieux avec une abondance
superflue, tandis que d’autres terrains demeurent exposés à une
longue stérilité. Ailleurs, on diminue, par des dérivations imprudentes,
la résistance qui contient les eaux de la mer vers les embouchures
du fleuve; et l’effet de ces travaux est de changer
tout-à-coup en une plage inutile des terres précieuses, qui avoient
offert jusque-là les plus riches productions. On ne parvient à élever
les eaux qu’à l’aide de quelques machines grossières, dont 1 effet
est très - médiocre, et qu’en assujettissant les animaux, ou plutôt
l’homme lui-même, à des fatigues excessives. Au milieu des
troubles politiques, les differens cantons n’étant pas soumis à
une police commune, il arrive souvent que I on dispose des eaux
sans discernement et sans droit; on en détourne le cours, on obstrue
les canaux, on ouvre les digues. Ainsi les habitans ne savent
point user des libéralités de la nature, et emploient toute leur
industrie pour se les ravir mutuellement. On obvierait à ces
désordres par une distribution plus régulière des eaux ; ce qui
augmenterait à-la-fois l’étendue et la fertilité des terres cultivables.
II serait facile d’arroser les lieux plus élevés, en faisant, du travail
des animaux, une meilleure application, ou même sans employer
ce travail; on y parviendrait en dérivant les eaux supérieures, ou
en empruntant les forces mécaniques qui résultent des vents, ou
du courant même du fleuve.
Indépendamment du blé, du riz, des autres plantes céréales,
et des fruits de toute espèce, que TEgypte produit en abondance,
on retireroit des avantages encore plus grands de la culture de la
canne à sucre, de celle du lin et de l’indigo. Ce pays fourniroit à
l’Europe le natron, qui s’y forme à la surface, des matières propres
aux plus belles teintures, des substances médicinales et aromatiques
d’un grand prix, les cafés et les parfums de l’Arabie, la
poudre d’or, livoire, et tous les autres objets du commerce de
I Afrique. Les plantes vraiment indigènes sont en petit nombre;
mais cette terre féconde, dont la douce température varie par degrés
depuis la mer jusqu’aux limites de la Nubie, peut être considérée
comme un vaste jardin, propre à recevoir et à conserver
les plus riches productions de l’univers.