règne encore dans ces contrées; elles l’invoquent dans leurs mal
héurs : aucun événement n en effacera le souvenir.
Le Général en chef portoit depuis long-temps ses vues sur la
communication des deux mers. Il se rendit au port de Suez, vers
le fond du golfe Arabique, et, s’avançant au nord, il découvrit et
fit remarquer à ceux qui faccompagnoient, les vestiges du canal
entrepris par les anciens rois, dans le dessein de joindre le Nil à
la mer Rouge. Il en suivit long temps les traces; et peu de jours
après, s’étant rapproché des terres que les eaux rendent fertiles,
il reconnut aussi l’extrémité opposée du canal, à l’est de l’ancienne
Bubaste. Il ordonna aussitôt toutes les mesures nécessaires pour
préparer l’exécution du grand ouvrage qud méditoit; il en donna
le soin à des personnes dont il apprécioit le mérite supérieur et le
zèle, et qui joignoient aux connoissances théoriques toutes les
lumières de l’expérience.
Ce même voyage, quoique de peu de duree, avoit encore un
autre objet. On ordonna la reconnoissance exacte du port, des
côtes et de la navigation du golfe; on pourvut a la defense de
Suez; on modéra les droits excessifs imposés sur le commerce;
ori rendit l’exportation plus facile et plus sûre; on établit des relations
Utiles avec les Arabes des tribus voisines. Les annales des
peuples n’offrent point de scène plus héroïque que celle qui se
passoit alors aux portes de l’Asie. Le libérateur de 1 Égypte, après
avoir rempli de sa gloire les contrées les plus célébrés du monde,
venoit décider lui même une question fameuse, qui appartient
en menie temps a 1 histoire, a la politique, aux sciences exactes
et aux arts civils. II marquoit au commerce de l’Orient une route
nouvelle, et méditoit, au centre du continent, les intérêts communs
dé cette Europe dont il devoit un jour devenir 1 arbitre.
La partie méridionale de 1 Égypte ne tarda point à être affranchie
de la domination des Mamlouks. Mourad s’y étojt réfugié : il
rallie les beys que sa vengeance avoit poursuivis, et qu’un malheur
commun réunit maintenant à sa fortune; il appelle à son secours,
du rivage opposé de la mer Rouge, des légions d’habitans de la
Mecque et dYambo. Le souvenir de son autorité lui soumet encore
les peuples des campagnes et les Arabes des déserts voisins.
II les rassemble, forme des approvisionnemens, et lève par-tout
des contributions de guerre : mais, soit qu’il attaque lui-même, ou
que les Français le préviennent, il est vaincu et mis en fuite. II
s éloigne rapidement, conservant toujours une partie de ses forces;
et, comme les deserts montueux n ont point déroutes qui lui soient
inconnues, il reparoit aussitôt à la tête de nouvelles troupes. Les
officiers généraux charges de cette difficile conquête surmontent
tous les obstacles avec un talent extraordinaire; ils prennent, en
quelque sorte, les habitudes et la manière de vivre de leurs ennemis;
ils les surpassent bientôt par l’audace, l’activité, et même par
la eonnoissance topographique du théâtre de la guerre. Enfin les
Mamlouks sont exiles du Saïd. Les uns sont repoussés.trois fois
au-dela des cataractes de Syène; d autres se retirent dans les Oasis,
que des espaces arides séparent de la vallée du Nil. Les Arabes