
pouvoit arrêter l’ardeur de nos troupes : elles pénètrent dans la
ville, elles s’en emparent, et déjà le vainqueur exerce une autorité
tutélaire. II offre aux habitans la paix et la sécurité, et reçoit
avec bienveillance les envoyés des tribus d’Arabes Scénites, qui
habitent les déserts voisins.
Cependant une flotte ennemie parcouroit les divers parages de
la Méditerranée. Elle se montre vers le port de Toulon, après
que nous l’avions quitté; à Malte, après notre départ; à Alexandrie,
avant notre arrivée. Elle s’éloigne, parcourt le fond du golfe,
et, dans le même temps, l’armée Française s’avançoit dans le désert
vers la capitale.
Les faits militaires dont ce pays devint alors le théâtre, attirèrent
l’attention du monde entier; la nouvelle s’en répandit aussitôt
dans l’Orient et dans l’Afrique : tous les esprits en Europe
furent tenus en suspens, et l’on attendoit lissue de cette grande
entreprise. Les traits multipliés de courage et de patience qui
signalèrent ces campagnes, les dangers auxquels l’armée étoit sans
cesse exposée, les fatigues inexprimables qu elle endura, les talens
supérieurs et le dévouement des généraux, excitèrent en France
l’admiration et la reconnoissance publiques. II n’y eut personne qui
ne fut frappé de la nouveauté des circonstances, toutes étrangères
à nos climats, de ce concours inaccoutumé d’exploits de guerre
et de découvertes savantes, et sur tout de tant de dispositions militaires,
civiles et politiques, qu’exigeoient du Général en chef le
soin de conquérir et celui de gouverner.
L objet de ce discours permet seulement d indiquer l’ordre de
ces evenemens ; c est à 1 histoire qu’il appartient de les rapporter,
et déjà ils ont été dignement exposés dans les relations des cam,
pagnes d’Égypte et de Syrie. L ’illustre auteur de ces mémoires,
dépositaire immédiat des pensées et des vues du Général en chef,
dirigeoit tous les mouvémens, prévoyoit tous les obstacles, et parti-
cipoit glorieusement à tous les succès. Ainsi les monumens de la
valeur Française, qu’il transmet lui-même à la postérité, acquièrent
à-la-fois plus d’authenticité et d’éclat.
Alexandrie etoit a peine soumise, que notre armée pénétroit
deja dans 1 intérieur de 1 Egypte. Rosette étoit en notre pouvoir,
et nos bâtimens armés remontoient le fleuve. L ’histoire de cette
campagne offre une suite de marches rapides, de combats et de
succès. Ni 1 ardeur du désert, ni le manque absolu d’eau et d’ap-
provisionnemens dans une contrée aride et inconnue, ne peuvent
ralentir l’impétuosité des troupes. Les Arabes sont dispersés ; les
Mamlouks perdent deux batailles rangées ; la terreur et le désespoir
succèdent à la plus aveugle, confiance ; ils abandonnent le
ICaire, et dix jours ont décidé du sort de l’Égypte. Mourad et
Ibrahim se séparent : ils ont perdu leur autorité, mais leurs inimitiés
subsistent encore. L ’un, plus belliqueux, cherche un asile dans
le Saïd; le second s éloigne à la hâte vers le désert de Syrie, et
le dernier acte de sa puissance est le pillage d'une ' caravane. Les
Français sont à sa poursuite. Le Général en chef lui-même, avec
quelques hommes de son avant-garde, parvient à atteindre les