de l’État étoient entre les mains du Héros à qui elle devoit ses
triomphes.
Les Français se livraient avec enthousiasme aux nouveaux sen-
timens que cet événement leur inspiroit, ïorsqu on refusa de remplir
les conditions qu’ils avoient acceptées. Celle des puissances
alliées qui avoit ie plus participé à cette convention, et au nom de
qui on l’avoit proposée, obtenue, et stipulée, mit à i’exécution un
obstacle imprévu, en adressant aux troupes Françaises la proposition
injurieuse de demeurer prisonnières en Égypte : elle cherchoit
dans la violation de ses promesses un avantage quelle nauroit pu
attendre de ses armes. Les troupes Ottomanes avoient été mises en
possession du Saïd et de toutes les places, depuis les ports de la mer
Rouge jusqu’à Damiette. On avoit retiré l’artillerie de la citadelle
du Kaire; cette capitale devoit être livrée deux jours après; déjà les
approvisionnemens et les munitions étoient transportés à Alexandrie.
Cette armée, qui, peu de jours auparavant, disposoit de plusieurs
provinces riches et fertiles, étoit alors privée des moyens de
soutenir la guerre : elle ne possédoit plus en Égypte que le terrain ou
elle étoit rangée en bataille. Mais une circonstance aussi extraordinaire
avoit élevé son courage ; elle n’avoit qu’un but et quun
intérêt , et celui qui la commandoit avoit fait passer dans tous les
coeurs l’indignation généreuse dont il étoit animé. Toute 1 Europe
a connu les suites mémorables des combats qui suivirent cette
rupture; la victoire, plus fidèle que les traités, vint couvrir de son
égide ceux à qui on ne laissoit plus que le désert pour refuge.
L ’armée Ottomane, attaquée par les Français "près des ruines d’Hé-
liopolis, fut dispersée et anéantie. Le principal ministre de la Porte
traversa presque seul, dans sa fuite précipitée, ces mêmes pays où
il avoit pénétré avec des forces considérables; il perdit trois camps,
son artillerie, ses approvisionnemens de guerre. On reprit les forts
qui lui avoient été remis; on réprima les révoltes qu’il avoit excitées
en même temps dans toutes les villes : ses troupes furent expulsées
du Saïd et de Damiette.
La capitale elle-même avoit été surprise par les Mamlouks et les
janissaires; elle devint tout-à-coup un camp immense, livré aux
horreurs de la guerre et de la sédition. Après avoir vu une partie
de ses édifices incendiés ou détruits, obéissant à des chefs divisés
d’intérêts, intimidée par l’exemple d’une ville voisine, qui avoit.été
sévèrement punie, elle se soumit et implora le vainqueur. Les
troupes qui s’y étoient rassemblées, et qui, peu de temps auparavant
, s’avançoient contre nous pendant que la mer nous étoit fermée,
violant ainsi le traité le plus authentique, sollicitèrent une
capitulation; et, l’ayant obtenue, elles traversèrent nos camps avec
sécurité.
Les Français goûtoient les premiers fruits de la victoire, ils s af
fermissoient dans les résolutions constantes qu’exigeoient d eux les
vrais intérêts de leur patrie, lorsqu’un événement déplorable les
plongea tout-à-coup dans la consternation. Les agas des janissaires,
qui étoient réfugiés dans la Syrie, conspirèrent contre la vie du
général Français, et persuadèrent à un habitant d Alep, que la
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