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tranchée entre les roches sédimenteuses de ces deux formations, et les générations
dont elles ont englouti les débris.
Je ne crois pas qu’on ait trouvé de crustacés de la famille des Tri-
lobites au-dessus de cette formation calcaire qui , toute nouvelle
qu elle est en comparaison des terrains de transition, est cependant
encore de beaucoup inférieure à la craie. Il paraît qu’on y rencontre
des animaux qui, comme les Trilobites, sont de l’ordre des
gymnobranehes; mais ces fossiles qui, par leur place dans les couches
de la terre, se rapprochent un peu plus des temps actuels, se rapprochent
aussi par leur genre. des gymnobranches connus; les uns
ont la plus grande ressemblance avec les Limules ; tels sont ceux
qu on a trouves dans l’argile à foulon en Angleterre, tel est celui de
Solenhofen près de Pappenheim, décrit par Andrée, et dont on va
retrouver la description et la figure dans le Mémoire de M. Desmahest.
D autres paraissent avoir de l’analogie avec les Aselles ou les Idotées, et
ceux-ci se sont montrés, quoique fort rarement, dans les marnes gypseuses
des environs de Paris.
Les Trilobites offrent donc, parmi les pétrifications de crustacés, un
ordre entier d animaux donton neconnaît encore aucune espèce analogue
dans la nature vivante. Plusieurs genres et espèces de cet ordre sont enfouis
dans les couches les plus profondes de la terre ; ils paraissent d’abord
presque seuls, et semblent avoir été les premiers habitans solides
des premières eaux marines qui aient laissé dans nos couches des traces
de vie. L ’ordre dont ces animaux singuliers se rapprochent le plus, est
celui des gymnobranches; et quand les animaux connus de cet ordre
commencent à paraître dans des terrains plus nouveaux, les Trilobites
ont disparu , sinon en totalité, nous n’osons l’assurer, au moins en très-
grande partie. Cette loi remarquable de la nature, annoncée pour
la première fois par M. Cuvier, que les animaux fossiles défèrent
Æautant plus des êtres qui vivent actuellement, qu’ils sont enveloppés
dans des couches plus anciennes du globe , reçoit, des observations
que je viens de présenter, une nouvelle confirmation ; et s’il était
permis de chercher à appuyer une conséquence qui résulte de l’observation,
par des raisonnemens tirés de l’analogie, on pourrait presque
dire que les lois qui semblent régir sur la surface actuelle de là terre la
distinction des espèces, exigeaient que la chose fût ainsi.
On peut comparer les différentes surfaces que le globe a dû avoir
successivement, et que nous indiquent ses divers groupes de couches,
aux différens climats qui partagent sa surface actuelle. Chaque climat
a non-seulement ses productions propres, mais il n’y a peut-être pas
une production animale de la zone torride qui se trouve absolument la
même dans les zones tempérées, en prenant le milieu de chaque zone.
L a prétendue ressemblance parfaite qu’on a cru trouver entre certains
animaux de régions très-éloignées, résulte souvent du peu d’attention
qu’on a mis à en observer les différences, légères il est vrai, mais remarquables
par leur constance. Les observations de M. D e F rance sur les
coquilles des côtes méridionales et septentrionales de l’Europe, celles
de P éron sur les productions des différentes mers , appuient fortement
cette opinion. Parmi les exemples que nous pourrions donner, nous
n’en choisirons qu’un seul. Les entomologistes ont cru pendant longtemps
que le papillon nommé Belle-dam e (Papilio cardui), se trouvait
sur tout le globe; mais quand on examine avec attention ceux qui viennent
d’Europe, d’Afrique et d’Amérique, on trouve entre eux des différences
telles qu’on pourrait, en ouvrant les caisses d’un voyageur qui
n’aurait rapporté que ce seul papillon, dire quelle partie du monde il a
visitée. Il en est probablement de même des productions organiques
enfouies dans les diverses couches du globe, si ce n’est queles différences
sont bien plus sensibles dans le sens vertical que dans le sens horizontal.
Quand on aura pu déterminer avec exactitude en quoi se distinguent les
espèces qui paraissentlesplus semblables entreelles, on pourra peut-être
parvenir à dire avec certitude à laquelle des anciennes surfaces de la
terre , la roche qui les renferme aura appartenu ; ainsi la détermination
précise des espèces, étude si sèche en apparence, pourra servir un jour
à la solution d’une des plus hautes questions de l ’histoire du globe. C’est
ce que nous pouvons entrevoir dès à présent, et le but de ce Mémoire et
de celui qui va suivre a été d’apporter quelques faits pour cet immense
travail.