Les Trilobites semblent devoir former une famille distincte dans
la grande division des animaux qu’on nomme articulés ; nous examinerons
plus bas leur place précise dans cette division.
Les animaux de cette famille nous ont présenté jusqu’à présent la
réunion des caractères suivans :
Leur corps est divisé en trois parties plus ou moins distinctes; l’antérieure,
que nous nommerons bouclier j tête, W alch, etc.), paraît
offrir la réunion de ce qu’on appelle généralement dans les insectes la
tête et le corselet; la partie moyenne du corps, divisée par des articulations
transversales très-distinctes, peut être considérée,comme l ’abdomen
ou tronc de W alch, B runnich, W ahlenberg, ou réunion du
ventre et du dos; la partie postérieure, souvent séparée nettement de
la moyenne, quelquefois aussi se confondant presque avec elle, divisée
par des articulations ou plis transversaux moins prononcés, portera le
nom de post-abdomen. Tous les naturalistes l’ont appelée queue, par
analogie avec la partie à laquelle on donne ce nom, tout aussi improprement,
dans les crustacés ; le canal intestinal la traverse, mais comme
il y a, outre cette partie, une véritable queue, nous n’avons pu lui laisser
ce dernier nom. C’est à l’extrémité de cette prolongation de l’abdomen
que se voit, dans plusieurs espèces, un appendice coriace ou crustacé et
allongé, soit sans articulations, comme dans les limules , soit composé
de plusieurs feuilles disposées en éventail comme dans les écrevisses; cette
partie appendiculaire,-ne renfermant aucun viscère, doit porter le nom
de queue.
Ces deux abdomens sont divisés longitudinalement dans tous les trilobites
par deux sillons profonds en trois parties ou lobes longitudinaux
d’inégale largeur : celui du milieu est généralement le plus étroit, le
plus distinctement articulé ; les latéraux, plus larges, s etendent meme
quelquefois sous forme d’expansions presque membraneuses qui semblent
être soutenues par des côtes ou appendices dures et costiformes
partant de l’abdomen et du post-abdomen. Nous appelleron $ flanc s, avec
M. Audouin, ces lobes ou parties latérales : nous ayons dit que c était le
caractère essentiel des trilobites ; il ne manque dans aucune espèce, et
ne se voit avec cette netteté dans aucun animal vivant connu.
Le bouclier est toujours divisé en trois parties,plus ou moins distinctes
: une moyenne, qu’on peut appeler front, avec W alch , et deux
latérales auxquelles on peut conserver le nom de joue s qu’il leur a
donné.
On remarque sur ce front ou partie moyenne du boucliér deux ou
plusieurs tubercules, et souvent, sur les parties latérales ou joues, deux
autres tubercules saillans très-différens des premiers, qui ont été assimilés
à des yeux.
La ressemblance de position, de forme générale, de structure réticulaire
entre ces parties et les yeux à réseau des insectes, et notamment
des crustacés, dont quelques espèces les ont très-saillans, ne me laissent
presque aucun doute sur l’analogie que je crois pouvoir établir entre
ces tubercules et les yeux, surtout depuis que j’ai vu ce rapprochement
admis par M. W aiilenberg , et fortifié par les échantillons dessinés
dans le Muséum britannique, et dont je donne les figures planche I I ,
fig. 4, A a , B b et C.
Les articulations de l’abdomen et du post-abdomen sont quelquefois
prolongées latéralement en appendices saillans.
Tantôt la queue n’existe pas, tantôt elle est formée d’une membrane
qui se termine en pointe ou d’un appendice crustacé en forme d’alène.
Enfin ni moi, ni aucun des observateurs qui ont étudié ces animaux
n’y ont jamais rien vu qui pût être comparé à des antennes ou à des
pattes.
Les Trilobites sont tous des animaux marins; leur association constante
dans les mêmes roches avec dés coquilles et d’autres productions
marines ne peut laisser de doute sur ce point. Il paraît qu’ils étaient
susceptibles de se multiplier prodigieusement, à en juger par la manière
dont certaines ampelites et certains calcaires en sont remplis, au
point que ces pierres semblent en être entièrement composées.
Plusieurs d’entre eux avaient la faculté de se contracter en boule à la
manière des sphéromes; mais il paraît que cette faculté était restreinte
au genre Calymène et peut-être aussi à quelques espèces incertaines du
genre Asaphe ; on ne la retrouve plus dans les autres genres. Les Ogygies
et les Paradoxides se présentent toujours étendus, pliés ou brisés, mais
jamais contractés par un mouvement volontaire. Nous ferons remarquer,
en parlant des Calymènes, une articulation en genou entre le
bouclier et l’abdomen, propre à leur donner cette faculté.