D’ailleurs, c’est précisément dans l’ordre des crustacés gymnobran-
ches que les antennes deviennent très-petites ou manquent tout-à-fait, et
que les pattes, transformées en nageoires et en branchies, perdent par ce
changement d’usage, beaucoup de leur solidité, et sont en outre cachées
sous le large bouclier de la tête et du corps, comme on le remarque
dans les polyphèmes ( limulus poljphemus ) et dans les branchipes
( apus cancrifomiis, Bosc.).
Par conséquent, l’absence des pattes, et même celle des antennes, quand
même elle serait réelle, ne pourrait point être une raison d’éloigner ces
animaux de l’ordre des crustacés gymnobranches.
Le second caractère , celui qui est tiré de la division longitudinale de
l’abdomen et de la queue, est bien plus remarquable et bien plus particulier
à ces animaux; cette division ne se voit aussi complètement dans
aucune espèce d’animal connu, soit qu’on la cherche dans la classe des
insectes ou dans celle des mollusques; mais, si nous avons à trouver quelque
indice ou quelque raison de son existence, ce seront encore la classe
des crustacés et l’ordre des gymnobranches qui nous l’offriront.
Dans l’ordre des crustacés cryptobranches, on peut déjà remarquer
sur le Palinurus quadricomis (la langouste ), des pièces articulées, mobiles
sur les parties latérales des écailles transversales de la queue ; si ces
parties étaient plus grandes et plus bombées, la queue de ce palinure
serait trilobée.
Dans les crustacés gymnobranches, on voit, sur les côtés du corps
composé de nombreux anneaux des gammarus et des ta ljt r e s , des
pièces articulées distinctes des hanches ; ces pièces donneraient aux an-,
neaux du corps la triple division qui appartient à ceux des Trilobites si
elles étaient plus grandes et plus bombées. On peut observer la même
chose sur un animal de la Méditerranée, que M. Bisso nomme T jp h is
ovoïde. On avait annoncé que cet animal, dont M. L eschenaclt atrouvé
qui existent entre le développement des parties cornées, montre que l’absence des pattes ( et
par pattes il entend des appendices analogues à ceux du thorax des crustacés et des insectes ) est un
résultat nécessaire de l’organisation du squelette des Trilobites; il admet cependant, mais comme une
simple hypothèse, que ces pattes très-réduites sont devenues branchiales , et qu’en même temps
qu’elles avaient pour fonction principale de servir à la respiration, elles étaient aussi de quelque
usage dans la progression, et opéraient des mouyemens en harmonie avec ceux des anneaux du
corps.
aussi une espèce dans les mers de Ja v a , avait la plus grande analogie
avec les Trilobites. M. L a t r e il l e , qui a eu la complaisance de me communiquer
les planches qui le représentent, et même de me faire voir
l’insecte , convient que cette opinion n’a aucun fondement réel.
Les cymothoa présentent aussi, sur les extrémités latérales de leurs anneaux,
des petites parties articulées; enfin, en examinant avec attention
le cloporte de mer (ligia oceanica'j, on voit, sur chaque côté du corps,
une ligne longitudinale enfoncée, qui semble annoncer la division en
trois lobes du corps des Trilobites.
Mais, quand même on n’admettrait dans aucun crustacé des indices
de la triple division , ou si on ne voulait reconnaître aucune analogie
entre ces indices et la division tranchée du corps des Trilobites, ne pourrait
on pas considérer les deux rangées latérales d’arcs cornés des flancs,
comme les' parties qui portent les branchies ? On trouverait alors dans
les branchiopodes un point d’analogie ; car si les arcs costaux, qui, dans
ce crustacé, soutiennent les branchies, étaient plus larges et réunis par
leurs bords, le corps de cet animal prendrait entièrement l’aspect de celui
des Trilobites.
Enfin, si l’on veut admettre que les dépressions ovoïdes que j ’ai vues
sur les extrémités latérales de la queue d’un Ogygie, étaient la place des
paquets d’oeufs, les branchiopodes et les cyplopes, crustacés de l’ordre
des gymnobranches, présentent encore un exemple de cette disposition
particulière.
Je ne pousserai pas plus loin la recherche des points de ressemblance
qui rapprochent ces animaux des crustacés; je crois en avoir assez dit
pour que les naturalistes concluent avec moi que, si les Trilobites, dans
l’état où on les a trouvés jusqu’à présent, offrent quelques caractères
.d’analogie avec certains animaux, c’est avec les crustacés de l’ordre des
gymnobranches ( i ) ; mais qu’ils diffèrent cependant de tous les genres
de cette division par des caractères assez prononcés,pour qu’on ne puisse
les rapporter ni à aucun de cës genres, ni même à aucune des sections
( i ) B rünnich a émis à peu près la même opinion, et a dit formellement que ces animaux
avaient de la ressemblance avec le limule polyphème ou branchiopode, mais que différant
néanmoins de tous les animaux connus, on devait leur conserver le nom de T r ilo -
bite.