
d’un fauve passant en quelques parties au blanc, et a des vestiges de taches rousses. En se
rappelant les changements que subit le pelage selon l’âge, et, en particulier, ce fait que
les taches ventrales, aussi bien que les autres taches ou rayures, disparaissent au fur et
à mesure que l’animal vieillit (i), on ne verra, dans la différence existant a cet égard
entre la description de Bruce et la mienne, qu’une différence relative à l’âge des individus.
En faisant cette supposition, je ne suis pas réduit à m’appuyer ici sur des analogies
plus ou moins contestables avec les faits observés dans les autres espèces de ce groupe. J’ai
mentionné tout à l’heure un jeune F. libyca, indiqué comme envoyé d’Ahyssinie, et qui,
avec l’ensemble des caractères de coloration que j’ai décrits, a sur les flancs un certain
nombre de taches arrondies d’un gris roussâtre, et sous le ventre, des taches d’un brun
roux. Voici donc le caractère indiqué par Bruce; qui se retrouve chez un individu venant
aussi, au moins selon toute probabilité, d’Abyssinie, et confirmant l’existence simultanée
de cette espèce, d’une part, en Abyssinie, où elle a été découverte par Bruce et retrouvée
récemment, de l’autre, en Libye et en Barbarie.
Quant à la Libye, c’est encore Bruce qui paraît avoir le premier trouvé le F. libyca dans
cette partie de l’Afrique. C’est du moins avec une extrême vraisemblance que M. Cuvier a
rapporté au Lynx botté de Bruce le prétendu Caracal à oreilles blanches que décrit, ou
plutôt qu’indique Buffon, dans le troisième volume de ses Suppléments. C’est en Libye,
près de Capsa, que ce Chat a été vu par Bruce, et sans doute décrit à la hâte, à en juger
par le vague et l’insuffisance des renseignements fournis à Buffon.
C’est avec plus de certitude queje rapporte à cette espèce le Chat trouvé par Olivier (2),
et indiqué, par lui, sous le nom de F. libycus; nom que je conserve, toutefois en lui
faisant subir une légère rectification. La description que ce savant donne en six lignes de
son F. libycus, est très-imparfaite, mais ne renferme du moins aucun trait qui ne s’applique
bien à l’espèce. Les petites bandes transverses, obscures, qu’il indique comme existant
sur les cotés du ventre, m’avaient un moment porté à douter de l’identité spécifique;
mais, chez les jeunes sujets, quelques-unes des taches que j’ai décrites, sont
réunies bout à bout, et réalisent, comme je l’ai constaté, des bandes transverses, plus ou
moins obscurément indiquées.
J’ai mentionné, plus haut, Tanger et Oran comme les lieux d’où sont venus, par la voie
du commerce, deux des individus d’après lesquels j’ai déterminé cette espèce. Je puis ajouter
maintenant qu’elle vient aussi d’être rapportée par l’expédition scientifique d’Alger.
M *Levaillant a tué, dans les montagnes de Leone, plusieurs individus dont l’un m’a été
communiqué par lui avec le plus obligeant empressement. Le Chat de M. Levaillant est
fort semblable aux individus que j’ai décrits plus haut : je laisse d’ailleurs à M. Levaillant
le soin de faire connaître les légères particularités qu’il présente, et de donner, d’après
lui une bonne figure d’une espèce qui n’a encore été qu’une fois et si mal représentée.
I V . D e s c r i p t i o n d ’ u n e n o u v e l l e e s p è c e s o u s l e n o m d e C h a t d e J a c q u e m o n t ,
Felis Jacquemontii (3). ;,
Les détails dans lesquels je viens d’entrer, ont eu pour objet d’exprimer et
(1) Voyez píos haut, page 43.
(2) Voyages dans l ’empire ottoman, tom. II , p . 4*»
(3) Voyez1, planche I I , la figure de ce Chat, -et planche I I I , celle de son crâne.
de faire saisir avec netteté les caractères distinctifs, soit du Chaus,du Chat
botté", du Chat de Cafrerie, trois espèces successivement confondues entre elles
et avec le Lynx botté de Bruce, soit du Chat libyque qui est au contraire le
Lynx botté de Bruce, soit enfin du Chat ganté qui, décrit il y a peu d’années,
et alors bien caractérisé, commençait déjà à être confondu avec le Chat libyque.
Sans cette comparaison préalable, et faute d’avoir éliminé de la description de
ces diverses espèces tous les traits qui leur sont étrangers, il m’eût été impossible
de les caractériser avec précision, et par suite, de déterminer l’espèce nouvelle
dont il me reste à parler. Après ce travail préliminaire, au contraire, une description
et quelques remarques succinctes suffiront pour faire ressortir les traits
différentiels du Chat de Jacquemonl; espèce que l’on ne saurait en effet confondre,
en l'examinant avec un peu d’attention, qu'avec le Chat botté.
L’individu d’après lequel je décris ce Chat, est dû à Jacquemont, et vient
de l’Himalaya, ainsi que l’atteste le passage suivant, malheureusement le seul
document que nous possédions sur ce remarquable Carnassier (1) :
« De quadrupèdes, je n’en ai aperçu aucun. Les montagnards disent qu’il y a
« des Ours, etc Tous ces animaux doivent être très-rares. Les seules dé-
« pouilles que l’on m’ait montrées , sont celles d’une très-petite espèce de l'élis.
« à Cursali, à peine plus grande que le Chat sauvage, mais différente; et à
? Kounsao, celle d’un Léopard. Kounsao est élevé de plus de 2,000 mètres, etc. »
Jacquemont ne donne pas, dans ce passage, la hauteur de Cursali; mais, ailleurs
(2), il nous apprend que ce point n’est pas à moins de 2610 mètres au-
dessus du niveau de la mer.
Lorsque le Chat de Jacquemont nous parvint, et que je l’examinai pour la
première fois, je le considérai seulement comme une variété du Chat botté,
remarquable par un pelage un peu plus long, plus fin et plus moelleux qu’à
l’ordinaire, e t, par cela même, mieux en rapport avec le climat sous lequel
habite ce Chat. Mais un examen attentif m’a convaincu qu’il ne peut être rapporté
au Chat botté; et les caractères par lesquels il s’en distingue, sont même
assez tranchés pour qu’on puisse les indiquer en peu de mots.
Je donne à l’espèce le nom du voyageur qui l’a découverte : nom qui rappelle à la
fois tant de brillantes facultés de l’esprit, tant de travaux honorables et tant d’espérances
détruites par un malheur dont l’histoire des sciences gardera longtemps
le souvenir !
Le Chat découvert par Jacquemont a les mêmes teintes générales que les espèces précé-
(1) Voyez Journal, tom. II, p. ïo6.
(a) Tom. H, p. 83.