
Ceux-ci appartiennent an Semnop. mitratas, qui est le Presbytis mitrata
d’Eschscholtz, ou le S. comatus de M. Desmarest (i).
J’ai cru d’autant plus utile de rectifier cette erreur, qu’il serait impossible
même de la soupçonner, si l’on n’avait sous les yeux et à sa libre disposition
tous les individus qu’a autrefois examinés M. Desmoulins, et tous les renseignements
dont il a pu faire usage (2).
Par la même raison, je crois devoir présenter quelques remarques analogues
sur le Cercopithecus albo-cinereus de M. Desmarest.
La description du Cercopithecus albo-cinereus de M. Desmarest a pour type,
d’après l’auteur, un individu envoyé de Sumatra au Muséum par MM. Diard
et Duvaucel. Ici encore il existe une erreur, que. je ne puis d’ailleurs m’expliquer,
à moins de supposer que M. Desmarest a fait sa description de mémoire
ou d'après quelques notes imparfaites et prises à la hâte. Parmi les nombreux
Singes envoyés au Muséum d’histoire naturelle par MM. Diard et Duvaucel,
et même parmi tous les Singes que le Muséum possédait en 1822 (époque
à laquelle a été terminé le travail de M. Desmarest), il n’en est pas un
seul auquel puisse s’appliquer la description du Cercopithecus albo-cinereus.
J’avais déjà signalé, dans mon Synopsis des Singes de l’ancien continent (3),
«
(1) Entre les deux noms spécifiques donnés à cette espèce, le premier, comme le plus ancien, doit être préféré. C’est en
1821 qu’Eschscholtz a fait connaître le S. mitratas sous le nom de Presbytis mitrata : c’est en 1822 seulement que M. Desmarest,
qui sans doute ne connaissait pas le travail d’Eschscholtz, a décrit une seconde fois la même espèce sous le nom
de S. comatus.
Le choix qué je fais entre ces deux noms, m’est prescrit par les règles de nomenclature que je crois devoir suivre invariablement,
comme les plus propres à faire enfin disparaître cet arbitraire et cette complication de synonymie, si funestes
à la science. Parmi les règles que je me propose d’établir et de développer dans un Mémoire spécial, je citerai ici lés, suivantes
dont l’application se présente à chaque instant, et que l’on ne saurait trop souvent rappeler :
i» Rejeter, les noms absurdes par eux-mêmes, ou contradictoires avec les faits ou les idées qu’ils doivent exprimer ; car ils sont
proscrits par la logique comme causes probables d’erreurs.
2° Rejeter les noms déjà employés dans une autre acception : la logique les proscrit également comme causes probables de
confusion.
3° Considérer comme non avenus (toutefois en les citant en synonymie) les noms tombés en désuétude. En effet, les noms
tombés en désuétude n’ont plus veexistence dans la science, et leur rétablissement entraînerait tous les mêmes inconvénients
que la création de mots nouveaux.
4° S a u f ces trois exceptions, entre plusieurs noms proposés pour un groupe (sauf quelques cas relatifs aux groupes des
degrés supérieurs), préférer le plus anciennement publié. La justice et le respect envers les travaux antérieurs ne commandent
pas seuls cette préférence : la logique la réclame aussi. On doit choisir le nom qui est le plus ancien, et non celui qui
paraît le meilleur; car, sauf des cas fort rares et exceptionnels, la date d’un nom est un fa it incontestable et incontesté : sa
valeur peut être diversement appréciée selon les temps, les lieux et les doctrines.
Les quatre règles qui viennent d’étre énoncées, peuvent être réduites à une seule:
Lorsque p lu s ie u r s noms, logiquement admissibles, sont usités pour un même croupe, adopter invariablement le
PLUS ANCIEN d’entre EUX.
(2) M. Desmoulins, en attribuant au Singe de Leschenault le squelette du Singe de Diard, n’a d’ailleurs pas omis, dans
son article, le S. mitratus ou comatus; seulement, et par suite 3e l’erreur que je viens de relever, il h’en décrit que les
caractères extérieurs, et non le squelette. Je dois remarquer à cette occasion que le nom d’Erro sous lequel il le donne,
est très-inexact. Erro e s t, en effet, mis pour Croo, nom de cette même espèce à Sumatra. Voici comment ce nom s’est
introduit dans la science : dans l’ouvrage de M. Desmarest (sans doute par une faute du typographe), on lit Crro au lieu
de Croo. M. Desmoulins, corrigeant l’erreur par une autre, a écrit Erro, nom beaucoup plus différent encore de Croo.
(3) Zoologie du Voyage de Bélanger, p, 5o.
Terreur commise par M. Desmarest ; aussi n’ai-je pas lu sans quelque étonnement
dans la Zoologie du Voyage de la Bonite ( i ) , après une bonne description du
Semnopithecus obscurus (sous le nom de S. albo-cinereus), un passage qui est
en pleine contradiction avec ce qui précède. Ce passage est ainsi conçu :
«A.‘G. Desmarest a établi cette espèce, dans son Supplément, d’après un
i individu de Sumatra, envoyé par M Diard, et encore aujourd’hui conservé
« dans les galeries du Muséum. »
Et conformément à cette assertion, les auteurs, MM. Eydoux, Gervais et
Souleyet, placent en synonymie le nom de S. obscurus, qui date seulement de
1837, et donnent à l’espèce qu’ils viennent de décrire, le nom de Semnopithecus
albo-cinereus, que, suivant eux, elle aurait reçu, dès 1822, de M. Desmarest.
Malgré l’assertion formelle des auteurs de la Zoologie de la Bonite, j’affirme
de nouveau que M. Desmarest n’a point connu le Semnopithecus obscurus.
En premier lieu, la description de ce savant zoologiste ne concorde pas avec
celle de cette espèce, qui d’ailleurs habite le continent indien, et non les îles
de la Sonde. M. Desmarest, par exemple, décrit comme blanchâtres, chez son
C. albo-cinereus, les parties inférieures et non le menton seul, et il ne mentionne
point, dans cette prétendue espèce, le caractère le plus frappant du véritable
S. obscurus, savoir, l’existence à l’occiput de longs poils d’un gris clair
formant une sorte de huppe tombante. Une telle omission serait vraiment
inexplicable dans le travail d’un zoologiste aussi distingué et ordinairement
aussi exact, si sa description avait été faite d’après un Semnopithèque obscur.
En second lieu, je me suis assuré de nouveau que le Semnopithèque obscur
n’existait pointau Muséum en 1822, et que, par conséquent, il n’a pu être décrit
dans la Mammalogie. On voit, il est vrai, au Muséum un Semnopithèque
obscur envoyé de Java (et non de Sumatra) par M. Diard; et les auteurs, eu
lisant ces renseignements sur l’étiquette, ont pu croire qu’ils avaient retrouvé
1 individu type de la description de M. Desmarest. Il n’en est rien cependant.
Le Semnopithèque obscur, envoyé de Java par M. Diard, faisait partie, non
de 1 une des collections envoyées par ce voyageur antérieurement à la publication
de M. Desmarest, mais d’un envoi fait de Java en i 832 seulement, et comprenant,
avec des animaux javanais, un grand nombre d’autres espèces du
continent. Cette date, écrite sous le plateau de l’animal, réfute suffisamment
1 assertion des auteurs de la Zoologie de la Bonite, et elle explique pourquoi
(0 Voyage autour Su monde sur là corvette la Bonite; Zoologie, T . I, p. 5 (1841).