
2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Les commissaires chargés par l’Académie de lui rendre compte
des résultats de ce voyage, ont déjà présenté, dans leur rapport,
nn aperçu de ceux des travaux de l’expédition qui ont trait à la
mesure de la terre ; je me propose de réunir maintenant ici Je
détail des opérations et des calculs que j’ai faits sur cette matière,
et les conséquences qui m’ont paru devoir en être déduites, pour
servir à la solution de cet intéressant problème de géographie
physique.
S. I."
Qtiestions h résoudre.
On a pensé long-temps que la figure de la terre étoit sphérique ;
les calculs d’Huyghens et de Newton, appliqués à la supposition
que notre globe a été originairement fluide, montrèrent la possibilité
d’un aplatissement sensible aux pôles, et ce résultat remarquable
de la théorie a été confirmé par les observations.
Les travaux des savans géomètres quise sont occupés, tant dans
l’ancien que dans le nouveau monde, de la mesure des degrés du
méridien, avoient déjà répandu de grandes lumières sur le sujet qui
nous occupe; et cependant, il s’en falloit beaucoup que toutes
les questions qui se lient à la détermination de la figure du globe,
fussent résolues. Déjà l’opération de L a Caille, au Cap de Bonne-
Espérance, indiquoit une inégalité sensible entre les deux hémisphères.
Les mesures des degrés, faites sous divers méridiens, por-
toient à penser que la terre n’étoit pas un solide de révolution,
qu’elle étoit aplatie dans le sens des parallèles, &c. ; mais il étoit
encore nécessaire de renouveler les expériences de La Caille, et
d’examiner si, sur tous les points de sa surface, et particulièrement
dans l’hémisphère austral, le globe offroit les mêmes irrégularités.
Lever ces doutes par les observations du pendule, faites dans des
lieux convenablement choisis, et sans qu’il fût nécessaire d’entre-
LIVRE !."■ — M é m o i r e s u r l e P e n d u l e . J
prendre les opérations longues et dispendieuses qu’entraîne toujours
la détermination d’un degré de latitude ; tel fut 1 objet principal
de notre voyage.
Sans prétendre avoir épuisé un aussi vaste sujet, si les travaux
qu’il a été en mon pouvoir d’exécuter au milieu d obstacles que je
n’ai pas toujours pu vaincre, paroissent dignes de leur importance,
je me croirai amplement dédommagé de mes fatigues et des constans
efforts que j’ai faits pour approcher du but.
Avant d’entrer dans le détail des calculs auxquels mes observations
ont donné lieu, je dois préalablement faire connoître les instrumens
dont je me suis serv i, la manière dont ils ont été mis en expérience,
et la méthode particulière d’observation que j ai employée.
S. II.
Choix des Instrumens.
L a rapidité de l’itinéraire qui m’avoit été tracé, la courte durce
des relâches, et sur-tout l’incommodité de la plupart des stations
où je devois m’arrêter, me déterminèrent à ne point faire usage
du pendule absolu, qui exige un établissement fixe et des précautions
délicates qu’il m’eût été bien difficile de prendre sur des terres
sauvages. J ’adoptai donc l’emploi du pendule invariable, et ma
détermination en cela fut dirigée par les savans les plus distingués
du Bureau des longitudes.
M. Fortin, célèbre ingénieur-mécanicien, construisit, pour mon
expédition , trois pendules invariables : ils consistoient en une tige
en laiton à l’une des extrémités de laquelle étoit une lentille lourde
du même métal, fondue d’un seul jet avec elle ; 1 autre extrémité
portoit un couteau en acier trempé, solidement fixe au corps de
l’instrument. L a tige des pendules que j ai désignés par les n. i
et 2 , étoit de forme cylindrique; celle du n.° 3 étoit aplatie: il