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et, la soutenant.entre ses bras jusqu’à ce qu’elle fut revenue à elle, il
la caressoit en lui disant :
12. Qu’avez-vous, Esther ? Je suis votre frère ; ne craignez point.
13. Vous ne mourrez point ; car cette loi n’a pas été faite pour vous,
mais pour tous les autres.
14. Approchez-vous donc, et touchez mon sceptre.
15. E t voyant qu’elle demeuroit toujours dans le silence, il prit son
sceptre d’o r; et le lui ayant mis sur le cou, il la baisa, et lui dit : Pourquoi
ne me parlez-vous point ?
16. Esther lui répondit : Seigneur , vous m’avez paru comme un
ange de Dieu, et mon coeur a été troublé parla crainte de votre gloire.
17. Car, Seigneur, vous êtes admirable, et votre visage est plein de
grâces.
18. En disant ces paroles, elle retomba encore, et elle pensa s’évanouir.
19. Le roi en étoit tout troublé, et ses ministres la consoloient.
C H A P I T R E X V I .
§. I. Lettre du roi en faveur des Juifs.
Copie de la Lettre que le roi Artaxercès envoya en faveur des Juifs dans toutes les
provinces de son roj^iurne.
1. L e grand roi Artaxercès, qui règne depuis les Indes jusqu’en Ethiopie
, aux chefs et aux gouverneurs des cent vingt-sept provinces qui
sont soumises à notre empire, salut.
2. Plusieurs ont souvent abusé de la bonté des princes, et de l’honneur
qu’ils en ont reçu, pour en devenir superbes et insolens j
3. E t non-seulement ils tâchent d’opprimer les sujets des rois, mais >
ne pouvant supporter la gloire dont ils pnt été comblés, ils font des
entreprises contre ceux mêmes de qui ils l’ont reçue.
4. Ils ne se contentent pas de méconnoître les grâces qu’on leur a
faites, et de violer dans eux-mêmes les droits de l’humanité naturelle ;
mais ils s’imaginent même qu’ils pourront se soustraire au juste arrêt
de Dieu qui voit tout.
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5. Leur présomption passe quelquefois à un tel excès, que s’élevant
contre ceux qui s'acquittent de leur charge avec une grande fidélité,
et qui se conduisent d’une telle sorte qu’ils méritent d’être loués de
tout le monde, ils tâchent de les perdre par leurs mensonges et leurs
artifices,
6. En surprenant par leurs déguisemens et par leur adresse la bonté
des princes, que leur sincérité naturelle porte à juger favorablement
de celle des autres.
7. Ceci se voit clairement par les anciennes histoires; et on voit encore
tous les jours combien les bonnes inclinations des princes sont souvent
altérées par de faux rapports.
8. C’est pourquoi nous devons pourvoir à la paix de toutes les provinces.
9. Que si nous ordonnons des choses qui paraissent differentes, vous
ne devez pas croire que cela vienne de la légéreté de notre esprit ; mais
plutôt que c’est la vue du bien public qui nous oblige de former nos
ordonnances selon la diversité des temps et la nécessité de nos affaires.
10. Et pour vous faire connoître ceci plus clairement, nous avons
voulu vous faire savoir, que nous avions reçu favorablement auprès
de nous Aman, fils d’Amadath étranger, Macédonien d’inclination et
d’origine, qui n’avoit rien de commun avec le sang des Perses, et qui
a voulu déshonorer notre clémence par sa cruauté.
11. Et après que nous lui avons donné tant de marques de notre
bienveillance, jusqu’à le faire appeler notre père, et le faire adorer de
tous nos sujets comme le second après le roi,
12. Il s’est élevé à un tel excès d’insolence, qu’il a tâché de nous faire
perdre la couronne avec la vie.
13. Car il avoit fait dessein, par une malignité toute nouvelle et
inouie, de perdre Mardochée, par la fidélité et les bons services duquel
nous vivons ; et Esther notre épouse et la compagne de notre royaume,
avec tout son peuple;
14. Afin qu’après les avoir tués, et nous avoir ôté ce secours, il nous
surprît nous-même, et fît passer aux Macédoniens l’empire des Perses.