22. Ils n’osoient rien ajouter à mes paroles, et elles tomboient
sur eux comme les gouttes de la rosée.
2,3. Us me souhaitoient comme la campagne sèche attend l’eau du
ciel, et leur bouche s’ouvroit pour m’entendre, comme La terre
s’ouvre aux pluies de l’arrière-saison.
24. Si je riois quelquefois avec eux, ils ne pouvoient pas le croire,
et la lumière de mon visage ne tomboit point a terre.
2Ô. Si je voulois aller parmi eux, je prenois ma place au-dessus
de tous; et lorsque j’étois assis comme un roi au milieu des gardes
qui m’environnoient, je ne laissois pas d’être le consolateur des affligés.
C H A P I T R E X X X .
§. I. Misère de Job.
i .M a i s maintenant je suis méprisé par des personnes plus jeunes
que m oi, dont je n’aurois pas daigné autrefois mettre les pères avec
les chiens de mon troupeau ;
2. Dont la force et le travail des mains étoit moins que rien à mon
égard, et qui étoient même regardés comme indignes de la vie;
3. Des gens tout secs de faim et de pauvreté, qui alloient chercher
ce qu’ils pourraient ronger dans un désert, et dont l’affliction et la
misère avoient défiguré le visage ;
4. Qui mangeoient l’herbe et les écorces des arbres, et qui se nour-
rissoient de racines de genièvres;
5. Qui alloient ravir ces choses dans le fond des vallées, et qui, en
ayant trouvé quelqu’une, y accouroient avec de grands cris;
6. Qui habitoient dans les creux des torrens, dans les cavernes de
la terre ou dans les rochers ;
7. Qui trouvoient même leur joie dans cet état, et qui faisoient leurs
délices d’être sous les ronces et sous les épines:
8. Ces hommes, dont les pères sont des insensés, ces hommes de
la dernière bassesse, qui sont le mépris et le rebut de la terre, sont
ceux qui m’insultent,
9. Je suis devenu le sujet de leurs chansons, je suis l’objet de leurs
railleries.
10. Ils m’ont en horreur, et ils fuient loin de m oi, et ils ne craignent
pas de me cracher au visage.
11. Car Dieu a ouvert son carquois pour me percer de douleur,
et il a mis un frein à ma bouche.
12. Aussitôt que j’ai commencé à paroître, mes maux se sont élevés
à côté de moi ; ils ont renversé mes pieds , e t , me surprenant, ils
m’ont accablé comme sous leurs flots.
13. Us ont rompu tous les chemins par où je marchois, ils m’ont
dressé des pièges, et ont eu sur moi l’avantage, et il ne s’est trouvé
personne pour me secourir.
14. Ils se sont jetés sur moi comme par la brèche d’une muraille et
par une porte ouverte, et ils sont venus m’accabler dans ma misère.
15. J’ai été réduit dans le néant; vous avez emporté comme un
tourbillon ce qui m’étoit le plus cher, et ma vie a passé en unmoment
comme un nuage.
16. Mon ame estmaintenant toute languissante en moi-même, et
je suis tout pénétré des maux qui m’accablent.
17. Mes douleurs pendant la nuit transpercent mes os, et les vers
qui me dévorent ne dorment point.
18. Leur multitude consume mon vêtement, et ils m’environnent
e/me serrent comme le haut d’une tunique.
19. Je suis devenu comme de la boue, je suis semblable à la poussière
et à la cendre.
§. II. J o b expose à D ie u ses douleurs.
20. Je crie vers vous, ô mon Dieu! et vous ne m’écoutez point; je
me tiens devant vous, et vous ne me regardez pas.
2i-. Vous êtes changé et devenu cruel envers moi, et vous employez
la dureté de votre main pour me combattre.
22. Vous m’avez élevé; e t, me tenant comme suspendu en l’air,
vous m’avez laissé tomber et brisé entièrement.
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